• Le flic ricanant, The laughing policeman, Stuart Rosenberg, 1973

    Le flic ricanant, The laughing policeman, Stuart Rosenberg, 1973

    Stuart Rosenberg n’a obtenu pas la renommée qu’il aurait méritée. Il a pourtant fait quelques films excellents, le très original Murder inc.[1] et quelques films avec Paul Newman, le génial Luke la main froide et le très méconnu WUSA. Le flic ricanant sans être un chef d’œuvre est également très original, peut être moins dans son intrigue somme toute assez classique que dans la manière de filmer.

     Le flic ricanant, The laughing policeman, Stuart Rosenberg, 1973    

    Les passagers d’un bus ont été massacrés 

    Tous les passagers et le chauffeur d’un bus ont été massacrés par des rafales mitraillette qui laissent croire qu’il s’agit là de l’acte d’un déséquilibré. Mais il y avait parmi les passagers le partenaire de Jake. Rapidement celui-ci va être convaincu que son partenaire a justement été entraîné dans un piège parce qu’on voulait l’éliminer. D’une manière obstinée et avec l’aide de Leo Jake va chercher à remonter la piste de  l’affaire sur laquelle il travaillait. Il va bientôt tomber sur un avocat qui trempe dans des louches combines. Pour le piéger à son tour, Leo et Jake vont le prendre systématiquement en filature jusqu’à ce qu’il craque. La trame est adaptée d’une manière plutôt relâchée d’un roman suédois, lui-même issu d’une série policière qui à l’époque a connu un certain retentissement malgré son côté assez convenu. 

    Le flic ricanant, The laughing policeman, Stuart Rosenberg, 1973

    La police est sur les dents 

    C’est donc une histoire linéaire et sans trop de surprise. Mais comme je l’ai dit plus haut, c’est dans la mise en scène que le film trouve tout son intérêt. Les innovations sont nombreuses aussi bien dans la conduite du récit que dans l’utilisation des paysages urbains. Par exemple le spectateur comprend tout de suite qu’il s’agit d’un piège. La séquence qui précède l’exécution est très longue et multiplie les fausses pistes. Si la course poursuite finale est plus traditionnelle, l’utilisation des bus que fait Rosenberg, la manière de filmer les couloirs est par contre tout à fait inédite aussi. On remarque dans ce film une prédilection pour les endroits à l’abri de la lumière, les parkings souterrains, les zones d’ombre, tout ce qui semble enfermer les héros. Rosenberg aussi de trop s’attarder sur les ennuis conjugaux de Jake. Il nous suffit de comprendre que ce dernier a besoin de se retrancher dans une sorte de solitude qui lui permettra aussi bien de purger sa peine que d’avancer. C’est tourné en décors naturels à San Francisco, la ville qui, avec Los Angeles a donné le plus de films noirs.  

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    Les inspecteurs Larrimore et Pappas mettent en déroute un maquereau 

    Si le film n’est pas un chef d’œuvre, c’est d’abord parce qu’il a tendance à avancer des personnages sur le devant de la scène puis de les oublier. Par exemple le duo formé par les flics Larrimore et Pappas sont abandonnés vers le milieu du film sans raison véritable. Mais cette relative faiblesse scénaristique permet à Rosenberg d’explorer certains aspects de l’underground. La haine des noirs pour la police – même lorsqu’elle est représentée par un noir – ou alors cette longue séquence où les policiers tombent par hasard sur un maquereau qui veut punir sa gagneuse.

    Le flic ricanant, The laughing policeman, Stuart Rosenberg, 1973     

    Dans le parking du commissariat Leo et Jake ont une violenter dispute 

    Le film s’appuie sur un duo formé par deux acteurs assez atypiques, Walter Matthau et Bruce Dern. Ils représentent les deux pôles presqu’opposés du métier. Le premier est un flic bougon au mauvais caractère, mais réfléchi et obstiné, le second un flic plus jeune, plus enthousiaste et communicatif, mais plus prompt à abandonner s’il croit que la piste se refroidit. Je trouve la prestation de Dern plus intéressante que celle de Matthau. Comme toujours dans ce genre de film la distribution ne vaut que si les seconds rôles sont bien choisis. C’est bien entendu le cas ici. Que ce soit Anthony Zerbe dans le rôledu chef de la police hargneux, ou de Lou Gossett, ils sont tous impeccable. Bien que les femmes n’aient que peu de place dans cette histoire, Joanna Cassidy arrive tout de même à se faire remarquer dans le rôle de Monica.

    Le flic ricanant, The laughing policeman, Stuart Rosenberg, 1973    

    Duane Haygood va leur vendre un renseignement capital 

    Il y a aussi des scènes plus intimes très bien ficelées, comme l’interrogatoire de Kay que Jake en vient à gifler sauvagement pour la faire parler. Des petits bouts d’amertume aussi quand Jake surprend son jeune fils en train de se rendre dans une boîte à strip-tease. Les scènes sur les lieux de rencontre homosexuelles sont sans doute plus convenues, mais elles sont là aussi pour montrer comment la société évolue. Nous sommes dans ce moment où justement la liberté sexuelle va être finalement banalisée, c’est le sens du discours de Jake à Leo quand il lui explique que l’homosexualité n’est pas un délit. Ce qui peut sembler être une évidence aujourd’hui n’en était pas encore tout à fait une à cette époque.

     Le flic ricanant, The laughing policeman, Stuart Rosenberg, 1973    

    Leo utilise Monica pour piéger Camerero 

    C’est donc un film intéressant non seulement parce qu’il apparaît comme un tournant dans la recherche d’un réalisme urbain dans l’histoire du polar, mais aussi par les qualités humaines qu’il recèle, l’attention qu’il porte aux petits personnages malmenés par la vie. Il est d’ailleurs significatif que le personnage qui intéresse le moins Rosenberg soit finalement le tueur.

     Le flic ricanant, The laughing policeman, Stuart Rosenberg, 1973    

    En suivant ouvertement Camerero, Jake et Leo pensent pouvoir le faire craquer

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/crime-societe-anonyme-murder-inc-stuart-rosenberg-1960-a114844704

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