• LE GOUFFRE AUX CHIMERES, Ace in the hole,1951


    Le Gouffre aux chimères
    a une réputation de chef-d’œuvre maudit. Et cette réputation n’est pas usurpée. Le film est non seulement d’une incroyable actualité, mais en outre, il s’appuie aussi bien sur un scénario d’une grande complexité que sur une grande virtuosité de la mise en scène.

    Tatum est un journaliste cynique et désabusé. S’étant fait virer de tous les journaux où il exerçait ses douteux talents, il échoue à Albuquerque et se fait embauché dans un quotidien sans âme et sans saveur. Rapidement il s’y ennuie, il ne rêve que de retrouver le grand frisson des grands reportages qui transportent le public et boostent les ventes. On connait le sujet : d’une manière opportune, Tatum a la possibilité de faire un reportage retentissant sur un homme qui, voulant piller des lieux sacrés pour s’approprier des poteries indiennes, va rester coincé sous des éboulis, presqu’enterré vivant. Voyant rapidement l’impact qu’une telle histoire peut avoir sur le public, notre journaliste dans la débine va la bidonner légèrement : au lieu de sortir Leo par les voies les plus simples, étayer les galeries et déblayer les rochers, il choisit de mettre en œuvre une foreuse pour passer au travers de la montagne. L’avantage de cette technique est de faire durer le suspense au moins une semaine. L’issue de cette magouille sera dramatique et

    Le premier aspect du film, celui que tout le monde a souligné, est une critique acerbe du milieu du journalisme. Et d’ailleurs ce ne sera pas la dernière fois que Billy Wilder va s’en prendre aux pratiques douteuses de la presse qui cherche plus le sensationnalisme qu’à informer. Mais cette mauvaise pratique des journalistes ne pourrait exister sans la complicité de la population. Car ici, tout le monde est corrompu : Leo, l’homme coincé dans son trou, il est bien puni de sa cupidité. Sa femme qui s’empresse de mettre les voiles dès qu’il est dans la difficulté, au moment où il aurait le plus besoin d’elle. Mais aussi le shérif dont le seul objectif est de paraître actif de façon à être réélu, alors qu’il est dans une mauvaise passe.  

    Contrairement à ce qu’on a pu dire c’est un film moral. Car à cette exubérance du cirque qui se monte autour de l’agonie de Leo, il y a la sincérité et le désarroi de ses parents. Au mercantilisme exacerbé des uns et des autres finira par s’opposer la rédemption tardive de Tatum.

     

     

    Le plus intéressant du film est sans doute les relations entre Tatum et Leo. Car la façon dont ils se rencontrent, Kirk Douglas semblant toujours surgir d’un trou, c’est bien la mise en relation de deux mondes biens différents qui finissent par se rejoindre dans leur condition d’êtres humains : c’est le point de passage qui va finir par mettre Kirk Douglas sur la voie de la rédemption.

    Les destinées de Leo et de Tatum sont absolument liées. Non seulement, ils partagent la même femme, mais lorsque Leo meurt, Tatum le suivra de près. La dernière partie du film, justement celle qui nous fait comprendre combien les deux hommes ne peuvent exister l’un sans l’autre, est fascinante.

    Tout est  parfait dans ce film. L’interprétation et la direction des acteurs sont formidables. A commencer par Kirk Douglas dont l’énergie mauvaise subjugue l’ensemble du film et qui déjà s’impliquait à 100% dans les films où il jouait. Mais Jan Sterling dans le rôle de la salope de service est excellente aussi, campant entre vulgarité, naïveté et mauvaise foi.

    La photo de Charles B. Lang jr. est également époustouflante. Elle contribue pour beaucoup à ce que le film ait conservé malgré le temps cette modernité incroyable.

    Bref, c’est un chef-d’œuvre du film noir, et s’il n’a pas eu le succès que Wilder attendait il a eu ensuite une reconnaissance générale qui le range maintenant parmi les grands classiques de Billy Wilder.


    P.S. Ce film a la particularité d'avoir été novellisé par Frédéric Dard sous le nom d'Odette Ferry aux éditions Carroussel qui étaient une succursale du Fleuve Noir. 

     

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