• Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963

     Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963

    C’est un film très rare, difficile à voir. Certes Claude Autant-Lara n’est plus un réalisateur à la mode, mais il a fait de très bons films dont on se souvient encore, comme par exemple Douce, La Traversée de Paris, En cas de malheur ou encore L’auberge rouge qui furent aussi de grands succès populaires. Les adaptations de Patricia Highsmith sont très nombreuses, mais elles ne sont pas toutes réussies. La raison sans doute la plus évidente à ce grand nombre de ratages est que ses histoires sont très psychologiques et nous font rentrer dans les méandres de la détermination souvent compliqué d’un meurtrier. Il faut donc un doigté très particulier pour saisir cela, surtout que le plus souvent les romans d’Highsmith sont traversés d’un humour très glacé. Le film de Claude Autant-Lara qui ne manque pourtant pas de qualité, n’est pas très réussi. Fruit d’une coproduction franco-allemande, il a du mal à se fixer une ligne et à s’y tenir. Il y a tellement de points de vue dans cette sombre histoire qu’il est difficile d’en choisir un en particulier.

      Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963

    Le libraire Kimmel, un personnage louche, vient de tuer sa femme sous nos yeux à un arrêt d’autobus. On apprendra seulement à la fin pourquoi. Mais il a un alibi – il était censé être au cinéma ce soir là – et il n’est pas inquiété. Mais cette histoire fascine Walter Saccard qui veut divorcer de sa femme pourtant très riche, mais qu’il ne supporte plus. Il commence à collectionner les coupures de presse sur le meurtre de la femme de Kimmel, puis il va rendre visite au libraire à qui il commande un livre. Quelques temps après Clara, la femme de Walter doit se rendre au chevet de sa mère malade. Walter lui avoue qu’il a une liaison avec une violoniste, Ellie. Clara prend le car, mais Walter la suit sans trop savoir pourquoi, jusqu’à un restaurant au bord de la route. Le bus repart, mais sans Clara. Walter est étonné, mais il repart lui aussi à Nice. En réalité Clara est morte et l’inspecteur Corby va enquêter sur cette affaire, ne croyant pas à un accident. Très vite il va débusquer les relations plus que bizarres qui se développent entre Kimmel et Walter. Il va s’arranger pour dresser les deux hommes l’un contre l’autre. Chacun accusant l’autre d’être un assassin. Kimmel va exercer un chantage sur Walter, et celui-ci va dénoncer ce chantage à Corby. Celui-ci est sur le point de coincer Kimmel en démontant ses mensonges et son alibi. Mais les méthodes du brutal Corby ne sont pas du goût de son supérieur qui lui ordonne de libérer Kimmel et de ne plus s’occuper de l’affaire.

     Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963 

    Walter rend visite à Kimmel avec un faux prétexte 

    Le premier problème que rencontre ce film est que tous les personnages sont antipathiques. Kimmel est carrément un psychopathe et on sait parce qu’on l’a vu à l’écran qu’il a tué sa femme à coup de couteau. Le couple Saccard au bord de la dérive, est fait d’un homme cruel qui s’ennuie, Walter, et d’une jeune femme névrosée qui ne sait quoi faire pour le retenir près d’elle. La jeune Ellie semble ne rien comprendre à ce qui se passe et ne se pose guère de questions sur la manière dont Walter l’utilise. Quant à Corby, le rusé inspecteur, il joue avec ses suspects comme un chat avec une souris. Efficace il l’est sûrement, mais il apparait surtout pervers. Et tous ces personnages mentent à qui mieux mieux. Presque par plaisir. Autant-Lara ne choisit pas un point de vue, son film est éclaté sur l’ensemble des protagonistes et cela affaiblit le contenu même de l’histoire. Sans doute est-ce principalement cela qui a dérouté le public, car le film ne fut pas un succès. Il faut reconnaître cependant que la deuxième partie qui se recentre sur l’affrontement entre Kimmel et Walter, est plus intéressante car elle maintient le suspense jusqu’au bout, non pas pour savoir qui est le meurtrier, mais plutôt pour connaître le nom de celui qui échappera à ce piège mortel.

    Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963  

    Walter annonce qu’il veut divorcer à Clara 

    Tourné à Nice et dans sa région, le film n’use que très peu des possibilités de ces décors naturels. Au contraire, Autant-Lara enferme ses personnages dans des tête-à-tête souvent trop bavards. Cette approche n’est pas compensée par un jeu sur les codes du film noir qui auraient été les bienvenus, la nuit est mal utilisée, pourtant le simple fait que Kimmel s’introduise dans la maison de Walter eut pu tout à fait donner des possibilités à des jeux d’ombres et de lumière. Egalement les disputes entre Walter et Clara sont trop répétitives et la relation entre Ellie et Walter jamais justifiée. Est-elle une source de culpabilité ? Est-elle seulement destinée à faire souffrir Clara, on ne le saura pas. La relation entre Ellie et Clara manque cruellement de passion. D’ailleurs en cours de route, Corby oublie même de s’interroger sur la nature de cette relation, comme si elle n’avait aucune importance. Ces simples réflexions font apparaître le scénario comme très paresseux.

    Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963  

    Corby est sur les lieux de la mort de Clara 

    L’interprétation bien que basée sur des noms solides est assez moyenne, ce qui est étrange parce qu’en général les films d’Autant-Lara sont soignés dans la direction d’acteurs. Maurice Ronet joue Walter, mais livré un peu à lui-même il s’oublie dans des gestes répétitifs et mécaniques. Il a l’air de s’ennuyer, mais ce n’est pas nouveau, c’est souvent comme ça avec lui, c’est presque sa marque de fabrique. Marina Vlady ne fait que passer dans le rôle d’Ellie, sa beauté se refroidit au soleil du midi. Plus intéressant est Robert Hossein dans le rôle du pervers Corby, il arrive à développer plusieurs registres simultanément, il est une sorte de Maigret patient et psychologue, mais il est aussi cruel et violent. Gert Fröbe affublé de grosses lunettes qui déforme son visage compose un inquiétant personnage, il est Kimmel, mais il en fait aussi parfois un peu trop et par moment sa performance tourne au concours de grimaces. On remarque aussi la très belle mais trop rare Yvonne Furneaux qui avait déjà tourné pour Claude Autant-Lara dans une version intéressante du Comte de Monte Cristo.

    Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963 

    Ellie a des sentiments pour Walter 

    Malgré toutes les réserves qu’on peut faire, le film est intéressant à voir, ne serait-ce que pour revoir la Côte d’Azur du début des années soixante et mesurer tout ce que nous avons perdu depuis. L’usage du Cinémascope donne une profondeur de champ assez bien utilisée. La photo est excellente, elle est due à Jacques Natteau qui a fait presque toute sa carrière de chef opérateur avec Claude Autant-Lara, mais qui était aussi le mari d’Yvonne Furneaux ! Comme quoi le cinéma est une grande famille. Dans ce film Marina Vlady retrouvera Robert Hossein qui avait été son premier mari, mais aussi Maurice Ronet avec qui elle avait tourné La sorcière.

     Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963 

    Corby va piéger Walter 

    Les parties les plus intéressantes sont celles où Walter tourne autour de Kimmel, puis l’affronte à l’intérieur de sa petite bouquinerie. Ou encore les interrogatoires musclés menés par l’inspecteur Corby. Là il se passe quelque chose, comme un jeu de miroir où les interlocuteurs échangent leur personnalité, et deviennent tour à tour accusés et accusateurs. Ce sont les seuls moments qui tiennent le spectateur en haleine. C’est ce trouble qui aurait dû rester le fil conducteur du film.

    Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963  

    Corby veut maintenant confondre Kimmel 

    Le sujet donnait une matière à faire quelque chose de très intéressant qui n’est qu’ébauché par moment. Quant à aller dans le sens d’ « un tous coupables », il eut fallu aller jusqu’au bout et pas s’arrêter en si bon chemin. Par exemple la folie, le sadisme, de Corby est à peine suggérée, elle aurait gagnée à être poussée. De même les personnages féminins sont trop vite sacrifiés et le film se referme sur un affrontement entre hommes à travers un étrange trio masculin fait d’un suspect, d’un assassin et d’un policier, chacun ayant à son actif quelque chose de louche à se reprocher.

    Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963 

    Kimmel veut tuer Walter 

    Même s’il est vrai que ce film ne laissera pas un souvenir impérissable, il est extrêmement dommage, à l’heure du numérique, que pour le voir ou le revoir il faille user de ruses de sioux. Il est très représentatif du film policier à la française de la fin des années cinquante et du début des années soixante.

     Le meurtrier, Claude Autant-Lara, 1963 

    Ellie attend Walter qui ne viendra pas

    « La soif du mal, The touch of evil, Orson Welles, 1958Le criminel, The stranger, Orson Welles, 1946 »
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