• Le piège, Charles Brabant, 1958

    Le piège, Charles Brabant, 1958 

    C’est directement une variation sur le thème du Facteur sonne toujours deux fois. Un certain nombre de principes ont été changés, mais la logique dramatique reste semblablement la même. Charles Brabant est très peu connu, si ce n’est pour ce petit film noir, et pour une adaptation de la pièce de Sartre, La p… respectueuse, et pour un petit film avec Henri Vidal, les naufrageurs. Dans la manière dont Le piège est tourné, il y a une volonté de s’inscrire dans la tradition du film noir américain, plutôt que dans celle du film noir à la française. 

    Le piège, Charles Brabant, 1958 

    Gino va chercher son permis de travail 

    Gino Carsone a tué un homme au cours d’une bagarre en Italie. Il passe la frontière et arrivé auprès de l’étang de Berre, à côté des raffineries. Il se trouve ici une sorte d’auberge tenue par le père Caillé et sa bru, Cora, qui est veuve de son fils. Ils sont secondés par la jeune Denise. Gino va louer une chambre. Il va obtenir un permis de travail et trouve un emploi de chauffeur à la raffinerie Tout de suite Gino et Cora sont attirés l’un par l’autre d’une façon violente. Rapidement ils couchent ensemble, et commencent à faire des projets d’avenir sous le regard jaloux du père Caillé qui aimerait bien posséder sa bru, mais aussi de Denise qui sans doute à des sentiments rentrés pour Gino. Un magazine, Stop police, publie un portrait-robot de Gino qui est maintenant recherché par Interpol. Cette publication tombe sous les yeux du père Caillé et de Denise. En même temps l’auberge va se moderniser, on fait des frais de peinture, on installe un juke-box. Mais bientôt le père Caillé menace de dénoncer Gino à la gendarmerie. Il exerce son chantage sur Cora, Gino doit partir, tout seul, sinon il le fera prendra. Il va jusqu’à exiger que sa bru couche avec lui. Gino comprend ce qui se passe, et lui aussi devient jaloux. Avec Cora il décide d’assassiner le vieux. Ils le suivent dans la raffinerie, mais au dernier moment Gino renonce. Finalement Gino trouve une astuce : il simulera un accident avec son camion et fera croire ainsi qu’il est mort. Cora le rejoindra et ils pourront partir ensemble refaire leur vie. Mais si le faux accident se déroule comme prévu, tout va déraper par la faute du père Caillé qui veut violer Cora. Celle-ci se défend et finit par le tuer. Le lendemain matin, la gendarmerie et la police sont alertées. Ils pensent que c’est Gino qui a assassiné le père Caillé, et donc ils vont lui tendre un piège. Gino va malencontreusement revenir et se faire prendre. Cora aura beau dire que c’est elle qui l’a tué, personne ne veut la croire et Gino est perdu, d’autant qu’il est déjà poursuivi pour un autre meurtre. 

    Le piège, Charles Brabant, 1958 

    Rapidement Cora et Gino tombent amoureux 

    Comme on l’a dit de nombreux aspects sont empruntés au Facteur sonne toujours deux fois. L’homme errant qui s’arrête presque par hasard dans une auberge, et s’il n’y trouve pas de travail, il en trouvera juste à côté. C’est également son désir sexuel qui le fera loger à l’auberge. On reconnaitra aussi la fête d’inauguration de l’auberge rénovée, ou encore le camion envoyé dans le ravin. Et pour affirmer un peu plus cette filiation, le personnage féminin se nomme Cora, tout comme dans le roman de James M. Cain. Gino sera arrêté pour un crime qu'il n'a pas commis. Cette inscription dans une trame déjà connue est cependant enrichie par deux éléments nouveaux, d’abord le patron de l’auberge, le père Caillé est parfaitement antipathique, c’est un vieux libidineux, âpre au gain et sournois. Et puis il y a un autre personnage complètement nouveau, celui de Denise. C’est la bonne à tout faire de l’endroit, complexée été jalouse, elle détruira le couple Gino-Cora.

    Le piège, Charles Brabant, 1958 

    Cora est jalouse et croit qu’une femme écrit à Gino 

    Le thème général du film est la jalousie comme compensation des pulsions sexuelles mal maîtrisées. C’est ce qui amène la violence physique qui se manifeste aussi bien dans les relations sexuelles entre Gino été Cora, que dans l’envie de tuer, et donc dans le meurtre du père Caillé. Ces noces rouges se célèbrent sur le fond d’une fatalité dont on ne peut se défaire, car si Gino est un homme violent et emporté, il n’est pas un criminel. S’il a tué c’est plutôt par un geste inconsidéré. Mais un enchaînement de hasards va faire qu’il se retrouvera accusé du meurtre de Caillé, sans avoir la possibilité de prouver qu’il est innocent, et même sans que Cora puisse témoigner en sa faveur. On est donc bien sur une pente fatale encore plus symbolisée par la chute du camion d’essence. Rien ne peut l’arrêter. On peut voir aussi cette chute comme l’impossibilité pour Cora et Gino de trouver la paix et de vivre une histoire d’amour, car tous les deux portent un passé difficile. Le père Caillé accusera Cora à demi-mot d’être responsable de la mort de son fils. C’est sans doute pour cela que le vieux libidineux est attiré par elle !

     Le piège, Charles Brabant, 1958 

    Le père Caillé exerce son chantage sur Cora 

    Il y a pas mal de bonnes choses dans la réalisation. D’abord le choix des décors, le film a été tourné autour de Martigues, et des raffineries de l’Etang de Berre. Gino s’engageant comme camionneur, cela donne à l’ensemble un côté prolétaire très intéressant. Les décors sont d’ailleurs très bien utilisés et très bien photographiés par Edmond Séchan, l’oncle du chanteur Renaud. Les scènes qui se passent dans ou près de la raffinerie, notamment la tentative avortée de meurtre, sont magnifiquement filmées, avec une belle profondeur de champ. Cet intérêt pour l’environnement se retrouve dans le décor de l’auberge et l’espèce de balcon qui amène vers la chambre de Gino. L’auberge est comme un labyrinthe. Et d’ailleurs tous les protagonistes vont s’y perdre. La fin du film met en scène une sorte de ballet quand les gendarmes et la police empêchent Cora de communiquer avec Gino, ils se déplacent en même temps qu’elle en lui bouchant les issues une à une. Cependant, tout n’est pas parfait, et cela manque de rythme. C’est sans doute une question de découpage.

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    Gino manifeste à son tour sa jalousie

    L’interprétation est intéressante. Le couple Raf Vallone Magali Noël fonctionne plutôt bien. Raf Vallone est Gino bien sûr, c’était un acteur en vogue à l‘époque des deux côtés des Alpes. Acteur ombrageux, il n’acceptait que les rôles qui lui plaisaient. Ici il est bien, quoique par moment il conserve une certaine raideur qui nuit un peu au personnage. Par contre il manifeste très bien ses sentiments mêlés quand par exemple il comprend que Cora couche avec le vieux, il la frappe, mais tout de suite après il revient vers elle parce qu’il comprend qu’elle l’a fait pour le protéger. Magali Noël possédait un physique étrange, des pommettes hautes, des yeux en amende qui lui donnaient un côté animal. Assez grande, plutôt solide, elle dégageait une impression de force et une grande sensualité qui ici faisaient merveille. Et puis il y a Charles Vanel dans le rôle du père Caillé. Il n’a pas grand-chose à faire, mais il a une bonne présence, et ça suffit. On peut regretter que le personnage de Denise, interprété par la jeune Betty Schneider, ne soit pas plus approfondi. En effet elle représente ce mélange de malheur et de sournoiserie qui est la conséquence d’un destin barré. Elle a peu travaillé pour le cinéma, on la reverra cependant dans Classe tous risques dans un personnage encore de bonne à tout faire qui croise Abel lorsque celui-ci se cache à son tour dans la chambre de bonne que Stark lui a prêté. Et puis il y a à la toute fin du film Michel Bouquet, dans le rôle d’un commissaire froid et sans cœur, rôle qui lui collera à la peau et qu’il reprendra très souvent. 

    Le piège, Charles Brabant, 1958 

    Gino et Cora ont décidé de tuer le père Caillé 

    C’est donc un bon film noir qui tient la route, malgré ses faiblesses, et malgré quelques scènes un peu convenues. On appréciera, je l’ai dit, le côté prolétaire de cette fatalité, par exemple la facilité de Gino à se faire des amis, comme le jeune pompiste qui le prévient qu’il est recherché, ou alors le petit bal qu’organise le père Caillé comme une joie simple pour des gens qui travaillent la plupart du temps. 

    Le piège, Charles Brabant, 1958 

    Cora étouffe le père Caillé avec un oreiller

    « Le bouclier du crime, Shield for murder, Edmond O’Brien & Howard W. Koch, 1954Jean-Paul Belmondo, Mille vies valent mieux qu’une, Fayard, 2016 »
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