• Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952

     Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952

    C’est un film de gangsters et de hold-up, une caper story. Ce qui veut dire qu’on va avoir une préparation minutieuse du coup qui doit être parfait, mais aussi qu’il va y avoir une bande qui se désagrège et qui s’autodétruit. C’est la règle du genre. Mais il va y avoir des aspects très originaux dans cette histoire et les rebondissements sont nombreux. Ce film passe pour un des meilleurs de Phil Karlson, et il est vrai que sur le plan cinématographique, c’est parfaitement maîtrisé du début jusqu’à la fin. Mais le scénario parait un peu insuffisant dans sa seconde partie, et surtout les caractères manquent de profondeur pour certains des protagonistes. Néanmoins il a une importance historique décisive. Quentin Tarantino dit qu’il s’est inspiré de film pour Reservoir dogs – c’est ce qu’il dit mais on n’est pas obligé de le croire parce qu’il est bien moins doué que Phil Karlson. Celui-ci reprend l’idée des masques qui va devenir la norme pour les attaques de fourgons blindés, et qui est dérivée de Criss Cross de Robert Siodmak. Mais il les utilise dans un double sens comme on va le voir. Ces masques seront utilisés aussi dans le film de Sidney Lumet, Anderson tapes[1]. C’est un film assez violent qui n’est pas vraiment tendre avec les méthodes de la police. Et justement un des aspects les plus inattendus de ce film est de montrer que la distance est plus que mince entre les policiers et les gangsters. 

    Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952 

    Le hold-up est parfaitement minuté

    Tim Foster organise un hold-up. Il prévoit d’attaquer un fourgon blindé à la sortie de la banque, au moment où les transporteurs de fonds reviennent vers le fourgon. Pour cela il va réunir un trio de crapules qui sont toutes recherchées par la police pour des affaires plus ou moins graves. Il les rencontre un par un, masqué, de façon à ce que personne ne puisse vendre personne. La seconde idée de Foster est d’arriver avec une fausse voiture de livraison de fleurs quand la première est partie. Tout se passe très bien. Les gangsters agissent vite et vont cacher leur fausse voiture de livraison dans un grand camion pour échapper aux poursuites. C’est le vrai livreur de fleurs, Joe Rolfe, qui va être arrêté et soupçonné de complicité. La police le moleste pour le faire avouer car c’est un ancien taulard. Pendant ce temps les truands se séparent et le chef leur donne un morceau de carte à jouer à chacun, leur disant que le partage se fera plus tard. Finalement Rolfe va être innocenté parce que la police a retrouvé la voiture de livraison qui a servi au hold-up. Mais il a perdu son travail et enrage de ce qui lui est arrivé. Il va donc se mettre en chasse pour retrouver les vrais truands. Pour cela un bistrotier à qui il a sauvé la vie durant la guerre va l’aider en lui donnant de l’argent, et le frère de celui-ci va le mettre sur la piste de Pete Harris, un des membres de l’équipe. Rolfe va se rendre à Tijuana et va finir par repérer Harris à cause de sa passion du jeu. Il le coince, le fait avouer. Ils doivent se rendre ensemble dans une petite localité mexicaine touristique où les Américains pratiquent volontiers la pêche. Mais au moment d’embarquer, Pete Harris se fait repérer par la police et se fait descendre. Rolfe va prendre sa place. Tony Romano et Boyd Kane sont déjà arrivés. Mais ils ne se connaissent pas. Il y a également Tim Foster qui vient ici tous les ans. Et bien sûr lui les connait tous, sauf Rolfe. Le soir on joue au poker, et chacun essaie de deviner qui est qui. Les choses vont se troubler rapidement avec l’arrivée intempestive de la fille de Foster, Helen, qui étudie le droit et qui est venue voir son père qui, on l’apprend alors, est un ancien policier qu’on a mis à la porte comme étant dépassé. Rolfe, Tony et Boyd font connaissance d’une manière plutôt violente. Ils vont finalement avoir tous rendez-vous sur le bateau le Manana. Tim Foster a en fait conçu un plan diabolique : les billets ayant été marqués, il veut faire arrêter les truands et toucher ainsi la prime de la compagnie d’assurance. Pour cela il prévient Andrews qui se chargera d’amener la police. Mais les choses ne se déroulent pas très bien : d’abord parce qu’Helen tombe amoureuse de Joe Rolfe. Ensuite sur le bateau les armes vont parler, Tony Romano et Kane vont mourir, mais aussi Tim Foster qui fera en sorte que Joe touche l’argent de l’assurance. 

    Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952

    Le chef impose que le partage se fasse plus tard 

    Evidemment à y regarder de près cette histoire est invraisemblable sur tous les plans. On ne comprend pas pourquoi Foster se donnerait tout ce mal avec ses anciens acolytes qu’il pourrait tout à fait laisser tomber une fois le hold-up commis. Certes, il veut prouver qu’il est le plus fort, mais c’est un peu exagéré. Passons, l’invraisemblance est souvent une suite de raccourcis pour mener à terme l’intrigue. C’est plutôt le traitement qui va être intéressant. D’abord dans la vigueur avec laquelle le hold-up est mené. C’est minutieux et ça ne traîne pas, avec un joli ballet de véhicules en tous genres. C’est un très bon hold-up cinématographique qui ressemble par son rythme et son minutage à celui d’Armored car robbery[2] qui a été tourné deux années plus tôt. Ensuite il y a la confrontation de Joe Rolfe avec la police. C’est assez iconoclaste car la police apparaît non seulement comme violente et injuste, mais aussi comme incompétente quand elle torture Joe pour lui faire avouer ce qu’il ne sait pas. Peu lui importe la vérité pourvu qu’elle obtienne des aveux. Joe est un ancien taulard qui en fait a purgé une courte peine pour une peccadille. Mais c’est aussi un ancien héros de la Seconde Guerre mondiale, donc un homme déterminé qui veut prendre sa revanche. Il possède peut-être une morale, mais celle-ci n’est pas conventionnelle. Au fond c’est le même problème que Tim Foster a avec la loi et les institutions qui sont bien trop rigides pour que des caractères forts les adoubent. 

    Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952

    Joe Rolfe est soupçonné 

    Le scénario a des faiblesses comme on l’a dit dans la détermination de Tim Foster, et cela va induire une cassure dans le film. La seconde partie tourne un peu en rond, les protagonistes du hold-up se cherchent, et on cherche une issue pour clôturer l’histoire. L’histoire d’amour qui se greffe là-dessus tombe comme un cheveu sur la soupe. Et on se demande pourquoi cette fille qui prétend aimer son père, non seulement s’acharne à le perdre, mais en plus ne semblera guère affectée par sa mort brutale. Une fois Tim Foster mort et enterré, elle apparaîtra très souriante et gaie pour se jeter dans les bras de Joe. A croire qu’elle a provoqué la mort de son père pour pouvoir enfin s’envoyer en l’air avec le premier venu. Un homme dont elle ne sait rien, mais dont le côté un peu louche l’attire fortement. Lorsque Joe fera tomber son revolver au bord de la piscine, elle s’en emparera et le caressera comme un objet précieux ! Le symbole est un peu grossier. Certes le père est jaloux de voir sa fille lui échapper, mais il est dans l’obligation de faire contre mauvaise fortune bon cœur. 

    Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952 

    A Tijuana, Joe va retrouver Pete Harris 

    L’ensemble est très violent et très rythmé. Et c’est cette violence qui va démontrer tout le savoir-faire de Phil Karlson. Comme on le sait celui-ci a une grande capacité à filmer dans des espaces réduits, et là encore il arrive grâce à un montage très astucieux à faire sentir le poids de la gifle ou celui des coups de poing que nous voyons arriver en pleine face. La photo de George Diskant est excellente, et contrairement à ce qu’on a pu lire ici et là, elle manipule correctement la grammaire visuelle du film noir. Par exemple dans ce plan en profondeur de la salle de jeu clandestine où Joe va retrouver Pete Harris. Ou encore dans les interrogatoires policiers que subit Joe. Certes les noirs et blancs sont peut-être moins tranchés, mais il y aune manière de placer les sources lumineuses qui est tout à fait dans la logique du film noir classique. On peut voir et revoir ce film, on en apprendra beaucoup sur l’art du montage ! 

    Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952

    La partie de poker est tendue 

    L’interprétation est très bonne. D’abord l’excellent Preston Foster dans le rôle de Tim Foster, le policier déchu et inquiet de l’image que retiendra de lui sa fille après sa mort. Il a rarement eu un premier rôle, sauf dans Hunted de Jack Bernhard, un vrai petit film de série B celui-là. Ensuite il y a le monolithique John Payne dans le rôle de Joe Rolfe. Dans le fond il n’a pas besoin de subtilité étant donné sa position dans l’action, et surtout dans le fait qu’il doit dissimuler en permanence ce qu’il ressent, y compris pour Helen pour arriver à ses fins. Les trois gangsters qui accompagnent Foster dans son aventure sont Lee Van Cleef, Jack Elam et ses drôle d’yeux et Neville Brand. Quel trio ! Ce sont des gueules comme on dit, ils n’ont pas besoin d’en faire beaucoup pour exprimer toute leur canaillerie. Ils sont excellents, et Lee Van Cleef n’arrête pas de prendre des baffes avec un sourire carnassier rentré. Il attendra cependant Sergio Leone et Per qualche dollaro in più en 1965, pour devenir, en vieillissant, un héros sympathique. Neville Brand n’est pas seulement une gueule, c’est un excellent acteur, et si ici cela ne se voit pas trop, c’est évident dans The Scarface Mob de Phil Karlson qui sera sans doute son seul grand rôle[3]. Il a beaucoup tourné avec ce réalisateur. Ici il mâche du chewing-gum ! Coleen Gray joue le rôle d’Helen, et franchement ce n’est pas terrible. Elle sourit bêtement en permanence, comme si elle voulait nous démontrer qu’elle a toutes ses dents. Son jeu est minimal et sans relief. Mais enfin comme elle n’est qu’un faire-valoir, on s’en accommode. Il y a par contre des scènes très sensuelles et enthousiasmantes qui tiennent à la serveuse mexicaine jouée par Dona Drake. Celle-ci était une actrice d’origine afro-américaine, mais qui se prétendait d’origine mexicaine. Elle ira même jusqu’à apprendre l’espagnol pour rendre cette légende crédible. C’est une histoire un peu semblable à Imitation of life ! Mais les acteurs sensés ici incarner des Mexicains sont bons, que ce soit elle ou Mario Siletti qui joue Tomaso le propriétaire de l’auberge où le drame se noue. Don Orlando qui était lui aussi d’origine italienne sera le chauffeur de taxi mexicain avec un accent hispanique très prononcé ! 

    Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952 

    Foster voit d’un très mauvais œil que sa fille s’intéresse à Rolfe 

    Si ce n’est pas le chef d’œuvre que certains veulent y voir, Kansas City Confidential est très bon et passe très bien le cap des années. C’est dû essentiellement à la rigueur de la mise en scène. Ce n’est pas un film de série B, et si le buidget n’est pas très important, il n’est pas maigre non plus. Le film a très bien marché, mais à cause d’un imbroglio judiciaire, il est tombé dans le domaine public. C’est pour cette raison qu’on en trouve toute une série de copies de très mauvaise qualité. Celle que publie Sidonis qui se spécialise dans le film noir de ces années-là, est excellente.  

    Le quatrième homme, Kansas city confidential, 1952

    Helen arrive juste à temps 

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    Les gangsters vont sur le bateau pour le partage

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