• Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981

     Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981

    Le titre français ne rend pas une image juste du contenu du film. Thief est plus précis. Frank est un voleur, plutôt un perceur très sophistiqué de coffres-forts, mais il est loin d’être solitaire. Il a des amis très solides et aspire à une relation stable et normale avec Jessie. C’est un film de braquage, avec une description minutieuse des techniques utilisées qui s’inscrit dans une longue série dans laquelle on rangera aussi bien Criss cross de Robert Siodmak que Le cercle rouge de Melville. Tous les films de Michael Mann sont très loin d’être bons, on en trouve même de franchement mauvais et ennuyeux. Mais il a réussi dans le genre néo-noir quelques longs métrages qui sortent un peu de l’ordinaire, comme l’excellent Heat. Thief est très bon, et sa réédition assez récente en Blu ray permet de le mieux apprécier encore. 

    Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981 

    Frank perce les coffres 

    Frank travaille dans le casse haut de gamme. Il ouvre des coffres, récupère des diamants et les revend. Il est propriétaire d’une entreprise d’achat et de vente de voitures d’occasion, mais ce n’est qu’une couverture. Il est aussi propriétaire d’un bar. Se sentant vieillir un peu, il aimerait passer à autre chose, et vivre pleinement sa relation avec Jessie. Mais tout ne se passe pas comme il le voudrait. Quoique très prudent, et ne travaillant qu’avec des personnes sûres, les ennuis vont pleuvoir. D’abord il y a son vieux copain Okla qu’il va voir en prison et qui lui demande de le faire sortir rapidement car il se sent mourir et pense qu’il n’en aura pas pour longtemps. Egalement il doit mettre les choses au point avec Jessie qui doute de sa relation avec lui. Mais surtout, le plus pénible, c’est qu’au moment de négocier le produit de son dernier larcin, son receleur se fait assassiner par la mafia. Il va donc commencer par se faire payer l’argent que la mafia a piqué dans les poches de celui-ci. Tout semble aller bien, mais le chef mafieux, Leo qui reconnait en lui un professionnel de haut niveau, lui propose de l’embaucher pour faire des coups classieux et qui rapportent beaucoup. Frank hésite bien sûr, mais, ayant besoin rapidement de liquide, il finit par accepter. Certainement il met là le doigt dans l’engrenage d’un jeu mortel. Et cela d’autant que les flics qui surveillent Leo vont le prendre en charge et commencer à faire pression sur lui pour qu’il leur refile de la thune, un pourcentage sur ses coups. Mais Frank est un dur, un vrai de vrai. Il va faire front à toutes ses obligations : il fera sortir Okla de prison, même si celui-ci mourra pratiquement sur le seuil de la prison, puis ayant éloigné les flics de sa route, il va réaliser un casse très sophistiqué et difficile pour une somme de 830 000 $ avec lesquels il veut disparaitre pour s’en aller vivre avec Jessie sa romance. Tout se passerait bien si Leo n’avait pas l’idée de conserver Frank a tout prix et de ne lui remettre qu’une partie de la somme qui lui revient. Dès lors la guerre entre Leo et Frank est déclarée, forçant celui-ci à se séparer de Jessie pour ne pas la compromettre.

     Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981 

    Frank donne des explications directes à Jessie 

    Malgré quelques faiblesses sur la fin, le scénario, fondé sur un ouvrage de Frank Honimer est solide, arrivant à concilier une intrigue assez complexe avec un dosage rigoureux des scènes d’action et de casse. C’est le premier film de long métrage de Michael Mann qui venait de la télévision. Il choisit une lumière bleutée, sans doute lui aussi, comme beaucoup d’autres, s’est-il inspiré de Melville, et il détaille les casses avec une telle minutie qu’on en comprend tout à fait la technique difficile. On dit que pour ce film Mann a bénéficié des conseils de vrais casseurs de coffres-forts. Une grande partie du film, peut-être la moitié, se passe la nuit. A la différence de The driver dont il tire aussi son inspiration, il choisit de travailler le côté psychologique de l’affaire, tout sera dévoilé de l’enfance sans père de Frank et de sa quête impossible d’une famille. Okla est comme un père pour lui, et il aimerait bien fonder une famille avec Jessie, mais celle-ci est stérile ! Dans l’impossibilité de résoudre cela, Frank va tout détruire autour de lui, allant jusqu’à se séparer de Jessie. On aura droit à plusieurs séquences rondement filmées : les casses bien sûr, mais aussi les poursuites en voiture avec les flics et les règlements de compte vers la fin. Michael Mann maitrise parfaitement le rythme des scènes d’action, grâce à un montage très serré qui multiplie les angles de prise de vue. Il n’y a pas de temps mort, et la frénésie de Frank gagne peu à peu le spectateur ! 

    Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981  

    Okla demande à Frank de le faire sortir de prison

    Le film a été produit par James Caan, c’est donc un véhicule à sa gloire. Celui-ci a toujours connu des hauts et des bas dans sa carrière, jouant même pour Claude Lelouch !, mais il a fait quelques films très intéressants, notamment avec Coppola, Le parrain, bien sûr, mais aussi le fort peu connu Jardin de pierres. Et puis encore le très excellent Tueur d’élite de Sam Peckinpah. C’est peut-être ici qu’il atteint ses sommets. Il est très bon, à la fois très violent et très attachant pour les siens, froid et dur, habité d’une colère rentrée qui finit par l’aveugler. Peu-êttre est-ce son meilleur rôle. Jessie est incarnée par la vieillissante Tuesday Weld : elle est pathétique dans ce rôle de la femme qui a essuyé tous les déboires possibles et imaginables et qui espère toujours qu’une porte s’ouvrira, tout en craignant le pire. Le coup de génie est de faire interpréter le boss Leo par le débonnaire Robert Prosky qui se comporte en bon père pour séduire et attirer Frank dans sa bande, mais qui se révèle un gangster redoutable et intraitable. On retrouvera le trop rare James Belushi dans le petit rôle du comparse fidèle de Frank, mais il n’y a pas grand-chose à en dire. L’ensemble de la distribution est bon. 

    Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981 

    La préparation du braquage est longue 

    Le film recèle cependant quelques défauts dus à l’insuffisance du scénario. Par exemple Frank doit affronter des flics véreux qui veulent le faire chanter, puis il s’en débarrasse très facilement, trop facilement. Car en effet, si les flics le perdent, ils devraient pourtant pouvoir le retrouver à filant Leo qu’ils ont dans le collimateur depuis des lustres. De même, à la fin, lorsque Frank triomphe après avoir décimé la bande de Leo, on ne sait pas s’il va retrouver ou non Jessie. Cette incertitude est-elle voulue ? Mais cela ne nuit pas à l’ensemble. On remarquera que Frank s’humanise et laisse tomber sa méfiance quand Leo lui propose de lui donner un enfant. Il en a les larmes aux yeux, mais sa déconvenue sera d’autant plus grande quand Leo dira à Frank que ce gosse il ne l’a qu’en location ! Car dans ce film il y a aussi une critique sous-jacente de la société de consommation. Tout s’achète et se vend : les bébés, les juges et les policiers, comme les Cadillac et les chemises en soie ! Si bien que les casseurs ne vivent vraiment qu’au moment où ils accomplissent leur tâche professionnelle qui consiste à percer les coffres, mais pas quand ils dépensent leur butin ! La minutie de la description des casses donne un côté prolétarien au film – c’est souvent le cas dans ce genre de film. Frank va rencontrer un ouvrier très compétent qui va lui fabriquer des instruments. Lors de cette rencontre, ils moqueront le contremaître en blouse blanche comme quelqu’un qui ne comprend rien à la tâche. Les casseurs possèdent en effet ce que les bourgeois ne posséderont jamais : une habileté technique dont ils peuvent être fiers. Lors du dernier casse, tandis que ses complices vident les coffres, Frank s’assoit pour jouir du travail accompli. La lutte entre Leo et Frank c'est aussi un peu le miroir de la lutte des classes entre un capitaliste qui entend profiter au maximum de la force de travail et du talent de Frank.

     Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981 

    Frank savoure le résultat de son travail

    C’est donc un film qu’on peut voir et revoir sans ennui, et on saluera au passage la très belle photo de Donald E. Thorin dont s’était là aussi le premier film de long métrage. La critique a été bonne, et le public fut au rendez-vous. Avec le temps le film a pris une patine qui permet de le classer parmi les innovations du genre néo-noir au tout début des années quatre-vingts.

     Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981 

    Leo a dans l’idée de faire travailler Frank pour lui et à ses conditions 

    Le solitaire, Thief, Michael Mann, 1981 

    Avant de régler ses comptes, Frank brûle toutes ses activités

    « The Driver, Walter Hill, 1978Propriété privée, Private property, Leslie Stevens, 1960 »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :