• Le temps du châtiment, The young savages, John Frankenheimer, 1961

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    C'est un film dans la longue lignée des films sur la jeunesse rebelle et incomprise de l'époque. Ça commence plutôt fort, trois jeunes blousons noirs, se précipite sur un jeune aveugle et le poignarde froidement. Ils sont d'autant plus vite repérés et ramassés par la police qu'ils ne se cachent même pas. C'est l'adjoint du procureur Hank Bell qui va être chargé de l'instruction de ce crime. Devant la sauvagerie de cette action, tout le monde les promet à la chaise électrique. Le procureur se frotte les mains car s'ils sont condamnés, il est presque certain d'être élu au poste de gouverneur. la pression de l'opinion publique est également très forte pour que les choses aillent vite. Hank Belle est lui aussi convaincu qu'un tel crime ne mérite pas moins que la chaise électrique. et d'ailleurs les trois voyous sont tellement stupides et arrogants qu'on ne songe pas une minute à les défendre, à leur trouver des excuses. ils représentent la lie de l'humanité. Mais les choses vont devenir un peu plus complexes car Bell est un homme intègre, et en enquêtant sur cette affaire il va en dévoiler toute la complexité, au point de changer par lui même son avis et finalement démontrer au jury que la peine de mort n'est pas la solution.

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    Trois voyous un peu bas du front vont commettre un assassinat

    Sur fond de guerre des gangs, ce qui est en question c'est aussi bien la misère matérielle de ces jeunes livrés à eux-mêmes que le racisme ordinaire. Bell est lui même issue de la communauté italo-américaine, il a transformé son nom passant de Bellini à Bell pour mieux être accepté et progresser dans la société américaine. Il est né dans le même quartier que ces jeunes qu'il poursuit. New-York est une ville pauvre, rongée par la haine entre les différentes communautés qui la composent. Il est d'ailleurs presqu'institutionnellement admis qu'il est bien normal que chaque groupe défende son territoire contre l'intrusion des étrangers.

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    Leur crime commis ils s'enfuient dans le plus grand désordre

    Si le film se veut nuancé, il ne nous épargne rien de la cruauté de ses "jeunes sauvages" qui jouent de leur statut de rebelle vis-à-vis de l'ancienne génération. Si la misère explique leur révolte désordonnée, elle n'est cependant pas une excuse. Les pâles voyous à la limite de l'idiotie savent tout de même provoquer les institutions et renvoyer le discours des psychologues et des éducateurs sociaux pour s'en servir come d'un bouclier. C'est la femme de Bell qui se fait terroriser, puis c'est Bell lui-même qui est victime d'une agression dans le métro. C'est un film sans concession, sans niaiserie superflue come a pu le voir dans le film de Nicholas Ray, Rebel without cause. Cette guerre entre des gangs italiens et portoricains annonce évidemment West Side Story qui sortira la même année. Si le thème est très semblable, évidemment le traitement est différent. Le film de Frankenheimer est grave et réfléchi quand celui de Robert Wise verse dans le sentimentalisme.

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    La presse est là pour jeter de l'huile sur le feu

     John Frankenheimer venait de la télévision lorsqu'il tourna The young savages. Si en France c'est un réalisateur un peu méprisé, aux Etats-Unis il jouit d'une bonne réputation. Il a beaucoup tourné avec Burt Lancaster, mais il est aussi le réalisateur du très bon The manchourian candidate. Dans l'ensemble, il représente un courant humaniste et progressiste. Ici le scénario est l'adaptation d'un ouvrage d'Evan Hunter, plus connu des amateurs de romans policiers sous le nom de Ed McBain, mais plus communément il se nommait Salvatore Lombino. Il était donc d'origine italienne et savait bien de quoi il parlait. Un autre de ses romans, The blackboard jungle, qui portait déjà sur les agitations de la jeunesse avait été porté à l'écran par Richard Brooks et avait connu un très grand succès, notamment le thème musical, Rock around the clock qui donna une dimension de révolution culturelle à la diffusion planétaire du rock n'roll. Evan Hunter est aussi à l'origine du très beau film de Richard Quine, Strangers when we meet.

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    Bell n'hésite pas à se rendre au quartier général des Horsemen

    John Frankenheimer a une grande capacité à filmer les extérieurs, il donne une vie, un contenu à New-York qu'il saisit à travers de longs plans séquences, traversant rapidement les quartiers à la dérive, s'attardant sur les changements d'ambiance. Egalement, il sait très bien saisir les mouvements de foule dans des perspectives longues et fluides.

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     Les Thunderbirds terrorisent la femme de Bell

    La distribution est dominée par Burt Lancaster pour qui le film est fait. Sa force de conviction l'emporte facilement sur les petites facilités du scénario. Son interprétation est comme toujours impeccable, passant de la certitude et de la nécessité de la peine de mort à la prise de conscience de la vacuité de telles méthodes pour améliorer l'état de la société. Shelley Winters est bien dans le rôle de la mère désolée de ne pas avoir su élever son fils comme il aurait fallu. dans un petit rôle ironique, on reconnaîtra Telly Savalas, du temps où il possédait encore une couronne de cheveux. mais dans l'ensemble, ce qui domine l'interprétation c'est le côté ordinaire des acteurs, leur absence de glamour qui les insère encore mieux dans le quotidien difficile des quartiers pauvres. Seul bémol tout de même, les acteurs qui jouent les voyous ont un peu trop des têtes d'imbéciles particulièrement John Davis Chandler qui incarne le chef de cette bande d'abrutis. il aurait été plus productif de les choisir justement plus ordinaires, car la connerie humaine ne se résume pas à des grimaces.

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     Bell reçoit une sévère correction dans le métro

    On sera gré à Frankenheimer de ne pas insister plus qu'il ne le fallait sur le côté procédural du film et d'expédier vivement les débats devant le tribunal au détriment du réalisme parfois. Mais l'ensemble reste très convaincant, notamment parce que le rythme est soutenu.

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     Bell  ira jusqu'au bout pour faire surgir une vérité complexe

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     John Frankenheimer sur le tournage de The young savages

    « Tatanka, Guiseppe Gagliardi, 2011Midi Gare centrale, Union station, Rudolph Maté, 1950 »
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