• Le vampire de Düsseldorf, Robert Hossein, 1965

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    Robert Hossein reste toujours un cinéaste sous-estimé, le public se souvient de lui surtout pour son rôle de Peyrac dans la série des Angélique, et bien sûr pour les grands spectacles qu’il a montés au théâtre. Pourtant c’est un des cinéastes les plus originaux dans le domaine du film noir en France. Il a pratiquement débuté sa carrière d’acteur dans le domaine du noir au cinéma, jouant les seconds rôles dans Du rififi chez les hommes de Dassin, mais aussi au théâtre avec sa collaboration avec Frédéric Dard, collaboration qui durera pratiquement jusqu’à la mort de ce dernier.

    Peu de ses films ont eu l’honneur de plaire à la critique. Lui-même ne s’est pas trop pris au sérieux en tant que réalisateur. Durant sa longue carrière il a mis seulement une quinzaine de films en scène. Aujourd’hui encore il considère que le seul film valable qu’il a réussi à tourner est Le vampire de Düsseldorf.

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    Peter est un homme soigné de sa personne 

    Le film d’Hossein est basé sur une histoire vraie, celle de Peter Kurten qui fut un serial killer sévissant un peu partout en Allemagne, et enfin à Düsseldorf. Disons le tout de suite le film n’a pas grand-chose à voir avec l’histoire véritable de Peter Kurten. Dans la réalité Kurten était un homme marié, très violent, qui avait fait de la prison pour des meurtres sordides et des viols. Dans le film il est au contraire un homme solitaire en quête de quelque chose de vague mais qui pourrait être de la compréhension et de l’amour. Le titre du film ne cherche pas à racoler les amateurs de films d’horreur, mais c’est parce que c’était comme cela qu’en Allemagne on désignait Peter Kurten, bien avant qu’il ne soit capturé et exécuté.

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    Toujours très poli, il n’aime pas qu’on le remarque 

    Peter Kurten est amoureux de la chanteuse de cabaret Anna. Un peu perverse, un peu entraîneuse, elle se moque de lui, mais finira par lui céder et aura même avec lui des élans de tendresse. Ce qu’elle ne sait pas par contre c’est que ce monsieur bien habillé, un peu raide et renfermé mène une triple vie. Le jour il est ouvrier, le soir il perd son temps dans les cabarets et la nuit, il assassine des jeunes femmes qu’il choisit au hasard de ses déambulations. La police est sur les dents,  d’autant que le meurtrier les nargue volontiers. Peter Kurten est rusé, il évite les pièges que lui tend la police. Pourtant il fera preuve d’imprudence et quand Anna découvrira qu’il est un assassin, elle le dénoncera à la police. Celle-ci cherche à le piéger dans le cabaret où chante Anna, mais Kurten va y mettre le feu et tuera la chanteuse.

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    Peter Kurten tombe sous le charme d’Anna une chanteuse de cabaret 

    Le film se lit à plusieurs niveaux. D’abord il met en rapport direct les pulsions meurtrières de Peter Kurten avec la montée du nazisme et de la violence qui l’accompagne. Si la situation politique et sociale explique les gestes du meurtrier, elle ne les excuse pas pour autant. Ensuite il y a une histoire d’amour tortueuse entre une jeune femme un peu vulgaire et cynique et un psychopathe particulièrement dangereux. Le film relie parfaitement ces deux niveaux. A cet égard on peut le rapprocher de M de Joseph Losey, qui plus encore que le M de Lang insiste sur la relation entre la situation sociale, la solitude du meurtrier et les pulsions meurtrières. Et d’ailleurs ici les meurtres de Peter Kurten apparaissent comme presque bénins face à la barbarie nazie qui commence à poindre.

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    Anna comprend très vite le pouvoir qu’elle a sur Peter Kurten 

    Dans l’œuvre de Robert Hossein, c’est un film assez atypique parce que le personnage de Peter Kurten est parfaitement antipathique. En effet Hossein qui a joué plus souvent qu’à son tour des personnages de bandits, de voyous et même de tueurs n’a jamais incarné une âme aussi noire. Il s’était plutôt cantonné à des personnages certes violents, mais toujours auréolés d’une aura romantique. Malgré cela, il y a une empathie pour Peter Kurten, justement parce que c’est un homme complètement perdu, un homme qui ne peut pas être racheté.

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    Anna aime se moquer des sentiments de Peter 

    C’est donc le portrait du mal en général dont Kurten n’est qu’une forme passagère. On verra dans le film une répression ouvrière féroce où l’armée n’hésite pas à tirer sur des ouvriers désarmés, en laissant plusieurs sur le carreau. Mais la misère n’est pas qu’une misère ouvrière, elle est aussi dans l’attitude de ces jeunes filles qui cherchent désespérément un travail et qui, ce faisant, vont se jeter dans la gueule du loup et en mourir. Ou encore elle git dans cette dégénérescence d’une bourgeoisie qui s’encanaille dans les bas-fonds sans retenue.

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    Peter Kurten est un ouvrier pas très intéressé par la politique 

    C’est assurément le film de Robert Hossein le mieux maîtrisé sur le plan technique. Il sait jouer des effets de lumières, apprivoiser la nuit, mais aussi utiliser les plans larges et profonds qui donnent de l’ampleur à son propos. Il s’appuie d’ailleurs sur l’excellente photo d’Alain Levent. L’utilisation de l’écran large donne une allure très moderne au film.

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    Peter ne peut contrôler ses pulsions criminelles 

    Au cinéma c’est le grand rôle d’Hossein. Pas seulement parce que le film est très bon, mais parce qu’il a un jeu assez inhabituel. Il a adopté une démarche raide et emprunté, un visage presqu’immobile, un vêtement étriqué, alors qu’à l’époque il jouait des rôles de jeune premier. Les épaules voutées, les bras pendant le long du corps, il avance inexorablement dans le crime à la manière d’un automate. Son jeu minimaliste lui permet de laisser voir toute sa détresse quand il se sent bafoué par la femme qu’il aime. Son interprétation très originale est pour beaucoup dans la réussite du film. Il faut le voir aussi dans l’église adopter un sourire rusé, comme s’il avait trouvé là une manière d’inspiration pour continuer sa sanglante saga. Ou encore quand il ruse pour se faire ouvrir la porte de sa future victime qui ne peut pas se méfier d’un homme qui met en scène sa détresse, pleurant presque.

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    Peter trouve son inspiration dans une église 

    A côté de lui c’est le jeu de Marie-France Pisier qui apparaît un peu pâle. Il faut dire qu’elle a des difficultés de par son physique à incarner une fille vulgaire et cynique. Elle est plus intéressante d’ailleurs quand elle se laisse aller à des élans de tendresse, qu’elle parle doucement à Peter Kurten comme pour se faire pardonner sa cruauté envers cet homme qui se meurt d’amour.

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    Dans un moment de relâchement Anna se laisse aller 

    Un dernier mot sur la musique très bonne comme toujours du père de Robert Hossein. Il reprend d’ailleurs un thème qu’il avait écrit pour le seul et unique film réalisé par Frédéric Dard, Une gueule comme la mienne.

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    La police recherche le vampire de Düsseldorf 

    Le succès de ce film, tant sur le plan critique que sur le plan commercial, intervient après qu’Hossein ait mis en scène deux autres films, toujours avec Marie-France Pisier, La mort d’un tueur et Les yeux cernés qu’il avait tournés un an plus tôt, consacrant l’idylle qu’il entretenait à l’époque avec la comédienne.

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    Après avoir mis le feu au cabaret, Peter tuera aussi Anna



     

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  • Commentaires

    1
    Tanchelme
    Mardi 21 Juillet 2015 à 11:23

    Bonjour!

    Pour apprécier le film, il faut tout de même passer à travers un problème majeur: l'Allemagne vue par un réalisateur français. Dès le début du film, on voit une manifestation ouvrière qu'on situerait plutôt dans le sud de la France voire de l'Italie mais c'est heureusement assez court. Un peu plus tard, on fait la connaissance de Marie-France Pisier dans un numéro de cabaret d'autant plus long que et la reconstitution et l'actrice sont laborieuses et très peu crédibles. Je n'ai pas pu aller plus loin...

    Il est possible qu'en 1965, cela passait très bien parce qu'on était une quinzaine d'années avant un retour d'intérêt pour l'Allemagne de Weimar et des débuts du nazisme et donc moins amené à comparer, entre autres, la Pisier avec l'Ange Bleu.

    Bref, nous ne sommes pas d'accord mais cela n'enlève rien au fait que j'apprécie beaucoup votre blog.

    Merci à Vous.

     

    2
    Mardi 21 Juillet 2015 à 18:34

    Je comprends ce que vous dites. C'est un film que j'ai revu plusieurs fois, et je suis frappé surtout par la solitude de Peter Kurten. Il est à peu près certain aussi que Peter Kurten le vrai n'ai pas grand-chose pour susciter de la compassion. Mais l'idée générale d'Hossein est d'expliquer et de comprendre ce que les sommes de frustrations de tout ordre peuvent engendrer sur des esprits fragiles. Les meurtres sont dans le film toujours la conséquence des rebuffades qu'il encaisse. Je trouve aussi que la composition d'Hossein est remarquable.

    Maintenant c'est sûr que ce n'est pas un film qui se veut une vérité matérielle directe. Il n'est pas sûr d'ailleurs que M le maudit de Fritz Lang auquel on l'a comparé à sa sortie soit plus réaliste de ce point de vue. Il n'est guère crédible en effet que le "milieu", tout allemand qu'il soit se mobilise pour traqué un criminel à moitié fou. Je lui préfère dans le genre M de Joseph Losey.

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