• Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974

     Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974

    C’est un film des plus étranges, en ce sens qu’il n’a même pas été exploité en salles, c’est pourquoi il n’existe pas d’affiche pour lui. La raison est que l’un des producteurs avait fait faillite, et l’autre était mort ! Ces incidents firent que les juges mirent le film sous séquestre, Bava en ressenti plus que de l’amertume, il sombra dans une profonde dépression car il pensait que ce film était bon et relancerait sa carrière. Et puis il y a aussi que c’est un poliziottesco, ce qui n’est pas le genre habituel de Bava. Mais le poliziottesco est aussi un genre qui reflète à la fois une crise morale et politique de l’Italie, avec la montée d’une violence que plus personne ne semble pouvoir contrôler, et aussi l’effondrement du cinéma dans les salles, à cause de la multiplication des chaines de télévision. Ce qui fait que le cinéma poliziottesco, ancré totalement dans un réel immédiat semble avoir plus de chance de marcher que le cinéma qui fait plus appel à l’imagination. Rappelons qu'à cette époque Bava est aussi en difficulté, il tourne très peu, du moins par rapport à la période précédente. Le film est assez simple dans son intrigue totalement linéaire, même si elle ménage des surprises. Il s’apparente aux road movies américains, aux films de prise d’otages et aux films d’autostoppeur. Tout le long de ce genre de films, les otages qui sont menacer en permanence vont chercher à s’en sortir. 

    Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974 

    Quatre gangsters attaquent une entreprise pharmaceutique pour voler la paye 

    Quatre gangsters attaquent une entreprise de produits pharmaceutiques pour voler la paye des employés. Ils s’enfuient en tirant et blessent mortellement un gardien, tuent un autre homme pour prendre sa voiture et s’enfuir. Un des leurs est également tué. Poursuivis par la police, ils sont coincés dans un parking. Ils prennent deux femmes en otage, l’une est tuée d’un coup de couteau par Bisturi. Ils embarquent la survivante et volent une autre voiture. A un feu rouge, ils agressent un autre automobiliste qui transportent un jeune enfant qui semble malade. Ils veulent que Riccardo les emmène bien qu’il veuille aller à l’hôpital. Dès lors le périple commence. Ils doivent à la fois éviter la police, mais aussi gérer Bituri, celui qui manie le couteau, et Trentadue un géant, qui sont violents et menacent en permanence de violer Maria qu’ils ont embarquée. Maria tentera de s’enfuir mais elle est rattrapée. Dottore qui en marre dcu comportement de Trentadue le blesse mortellement. Ils évitent la plupart des pièges, mais en s’arrêtant pour faire de l’essence, une femme s’impose dans leur véhicule et lorsqu’elle voit que Trenta due est en train d’agoniser, Bisturi la poignarde. Ils se débarrassent des deux cadavres. Ils vont arriver à un endroit où Dottore a garé une voiture de rechange pour sa fuite. Il fait descendre les deux otages et l’enfant. Riccardo comprend que Maria et lui vont être tués. Il dissimule un revolver, descend les deux gangsters qui reste. Mais Bisturi à le temps d’abattre Maria. Riccardo s’empare de la sacoche remplie de billets, prend la voiture de Dottore et s’en va. Arrivé à une station-service, il s’arrête pour téléphoner et on comprend que l’enfant qui est avec lui est en fait le résultat d’un kidnapping et qu’il demande une rançon. 

    Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974

    Les gangsters prennent deux femmes en otage pour s’échapper

    Très souvent, on l’a vu, les films de Mario Bava sont claustrophobiques, l’angoisse venant d’un lieu fermé dont on ne peut fuir. Bien que la manière de filmée soit différente de ce qu’il avait fait dans ses films d’angoisse, c’est encore plus vrai ici. L’essentiel du film se déroule dans une automobile qui roule et qui enferme cinq personnes qui se haïssent. Il faut saisir les tensions, tout en trouvant des angles de prises de vue suffisamment variés pour ne pas ennuyer le spectateur. Le tournage est en décors naturels. Ne possédant pas les facilités du studio, les acteurs ont beaucoup souffert dans ce film, à cause de la promiscuité et de la chaleur étouffante. Au fil du voyage l’automobile devient comme le microcosme de la société toute entière. Tout le monde est l’ennemi de tout le monde. Riccardo est bien sûr hostile à cette bande de crapules, mais ceux-ci sont divisés entre eux. Bien que cruel, Dottore est embarrassé par ses acolytes qui sont d’un niveau inférieur aux siens, frustes et imprévisibles, il faudra les abattre. Bisturi qui se dit l’ami de Trentadue, fait semblant de le pleurer quand Dottore le descend, mais il est content que voir sa part du casse augmenter. Ils sont tous les cinq dans une sorte de bulle, isolé de la société qui est presque par définition hostile et malveillante, au mieux indifférent. On ne peut pas compter sur la pitié que leur état devrait susciter logiquement. Le pompiste les accueille avec un revolver, mais même quand il trouve leur comportement bizarre, il ne téléphonera pas à la police. De la même manière, quand Riccardo sa faire des courses sous l’étroite surveillance de Trentadue, on voit un homme qui trouve leur comportement étrange, mais il n’approfondira pas. Quand ils accueillent dans leur voiture une femme égarée sur la route, celle-ci se met à parler pour faire croire qu’elle leur accorde un intérêt, mais c’est l’inverse, elle s’enferme dans ses propres mots et seul le couteau de Bisturi la fera taire. 

    Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974

    Ils ont emprunté la voiture de Riccardo pour fuir 

    Cette fable cruelle est le reflet de ce que pense Bava du genre humain, il n’y a rien à en entendre. Tout ce que mérite cette engeance, c’est d’aller à la poubelle, c’est ce que feront les survivants en jetant littéralement la femme rousse que Bisturi vient de tuer, au fond d’un ravin. Mais les gangsters ne s’intéressent pas à rien, au contraire ils s’intéressent à l’argent. Ils font des calculs pour savoir comment le dépenser. Riccardo est fortement intéressé par la somme qu’ils ont volée, au point de paraître louche à Dottore, mais pour le spectateur tout s’éclairera à la fin quand on se rendra compte que sous ses airs de bon père de famille, Riccardo est un kidnappeur opportuniste, sans doute encore plus calculateur que Dottore. Ce retournement de dernière minute surprend le spectateur. Le monde se définit en deux catégories, les intellectuels, Dottore et Riccardo, et les besogneux au front bas comme Trentadue et Bisturi qui font des blagues qui ne font rire qu’eux. Trentadue – en italien 32 – s’appelle ainsi parce qu’il se flatte d’avoir un sexe de 32 cm. C’est bien un âne ! C’est aussi un violeur qui ne maitrise pas ses pulsions. 

    Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974

    Maria tente de s’enfuir dans le champ de maïs 

    Bava fonctionne par petites touches pour affiner le portrait de ses protagonistes. Le plus réussi est sans doute celui de Maria. Elle est menacée de mort, puis menacée de viol, martyrisée, torturée par les deux imbéciles qui sont avec elle sur le siège arrière. Au début Dottore trouve ça amusant, mais rapidement il se lasse d’une telle vulgarité, et il tuera Trentadue. A l’exubérance des deux crapules que sont Trentadue et Bisturi, il oppose la froide cruauté de Dottore et le calme de Riccardo. Ces oppositions de caractère va se traduire dans la mise en scène. C’est très fort. D’abord dans les scènes d’action avec un rythme soutenu qui s‘appuie sur un découpage très précis. Si le hold-up est relativement classique dans sa forme, la fuite de Maria dans le champ de maïs l’est beaucoup moins. Elle tient de Apache le film de Robert Aldrich qui date de 1954 aussi bien que de The Texas Chain saw de Tobe Hooper. Elle est très longue et se termine par l’humiliation de Maria contrainte de pisser debout devant ses bourreaux. Je ne sais pas comment Bava a fait pour tourner à l’intérieur même de la voiture, mais il l’a fait avec beaucoup d’ingéniosité. Il donne tout à fait cette impression de martyre de Maria. Bien entendu quelques scènes aèrent le film, comme les passages dans les stations-services qui apparaissent comme de possibles portes de sortie du cauchemar. A croire que dans les stations-services italiennes il n’y a que des gens bizarres, des pompistes jusqu’à des femmes pulpeuses qui draguent ou qui bavardent trop. L’ensemble est filmé d’une manière non-habituelle par Bava. Il y a une absence de préciosité volontaire qui est au fond la leçon du poliziottesco qui se développe à cette époque. Ceux qui n’aiment que le Bava gothique ne s’y reconnaitront pas. 

    Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974 

    Riccardo rencontre une connaissance dans une station-service 

    Il y a très peu d’acteurs dans ce film. D’abord Riccardo Cucciola dans le rôle de Riccardo, c’est la tête d’affiche. Il est toujours très bon. D’ailleurs tous les acteurs sont bons. Lea Lander qu’on avait déjà vue dans Sei donne per l’assassino est ici excellent dane le rôle de cette femme complètement affolée et sans espoir. Maurice Poli, acteur français qui a fait presque toute sa carrière en Italie dans le film b, incarne ici Dottore. Il avait déjà travaillé avec Bava notamment dans 5 bambole per la luna d'agosto, été tenait un petit rôle dans Gli Orrori del castello di Norimberga. C’est sûrement un de ses rôles les plus importants. Les deux brutes sont incarnées par Aldo Caponi dans le rôle de Bisturi et Luigi Montefiori dans celui de Trentadue. Ils sont tous les deux excellents et semblent s’être très impliqués dans le tournage. Marisa Fabbri qui joue le rôle de la femme égarée sur l’autoroute est très bien aussi dans ce numéro qui consiste à en faire des tonnes en parlant de tout et de n’importe quoi pour n’écouter personne ! 

    Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974 

    Le pompiste ne veut pas servir d’essence 

    Le film n’a pas été tout a fait achevé par Bava lui-même pour les raisons qu’on a dites ci-dessus. C’était Lea Lander qui avait récupéré les droits puis qui avait diffusé le film dans un montage très controversé en cassettes VHS. Ce n’est que très récemment qu’on en a sorti une copie propre dans tous les sens du terme en s’appuyant pour le remontage sur le script de Bava lui-même. Tim Lucas raconte cette aventure compliquée dans son ouvrage, le film changeant de format et de titre au fil du temps[1]. Bava aurait-il approuvé le montage final ? Son fils Lamberto l’assure, et je suis assez ebclin à le croire. Quoi qu’il en soit, c’est un excellent film, un de ceux qui me plaisent le plus dans la carrière du réalisateur de La maschera del demonio. Malgré les avanies qu’il dût subir dans le temps, ce film, à cause de sa violence brute, eut une influence notable. Par exemple sur l’excellent Autostop rosso sangue de Pasquale Festa Campanile, avec Franco Nero, qui date de 1977. Mais Tarantino lui-même disait qu’il avait été largement influencé par ce film pour Reservoir dogs, tourné en 1992. 

    Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974

    Ils transportent les cadavres 

    Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974 

    Dottore veut se débarrasser de Riccardo et de Maria 

    Les chiens enragés, Cani arrabbiati, ou, Semaforo rosso, Mario Bava, 1974

    Ricardo s’est débarrassé de ses bourreaux

    PS. Il existe un remake de ce film sorti en 2015 avec Lambert Wilson et Virginie Ledoyen. Réalisé par Eric Hannezo. Ce film n'a pas convaincu la critique et encore moins le public qui ne s'est pas déplacé pour le voir. 



    [1] Tim Lucas, Mario Bava, all the colors of the dark, Video watching, 2007, p. 949 et suivantes.

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