Sortir ce film un peu trop méconnu selon moi en Blu ray est une excellente décision, on l’a dit, ce film est d’une importance capitale pour Mario Bava. Mais la qualité de la réalisation, de l’image nous permet de le ranger, au-delà de son intérêt scénaristique comme un des meilleurs films de Bava. L’image et le son sont excellents. Et même si la réalisation approche d’un réalisme que Bava n’avait jamais vraiment abordé, il y a tout de même un travail très important aussi sur les couleurs. Tout ça pour dire que si beaucoup de films ne méritent pas vraiment une ressortie en Blu ray, celui-là la justifie amplement, parce ce que cela donne une lecture vraiment différente de l’œuvre. Les manières récentes d’éditer les films en Blu ray en font des objets de bibliothèques, les bonus deviennent très importants en donnant une analyse critique de l’œuvre. Ici ils sont très intéressants, construits par de fins connaisseurs de l’œuvre de Bava et du cinéma italien de cette époque, ils nous font par contraste ressentir le vide de la production actuelle, sachant que les gialli et les poliziotteschi étaient produits à la chaîne et qu’aujourd’hui on est bien incapable d’en produire un seul qui ait un peu de force. 

Gérald Duchaussoy et Romain Vandestchele dialoguent autour du film, ils sont deux spécialistes de Mario Bava[1], ils insistent sur les qualités formelles de l’œuvre qui n’apparaissent pas tout de suite au regard parce que Bava vise ouvertement un certain réalisme. Il y a bien entendu une vraie prouesse technique à avoir filmé la plus grande partie du film à l’intérieur d’une voiture, avec seulement quelques poses pour donner un peu d’air aux protagonistes, mais aussi aux spectateurs. Également ils rappellent le contexte politique de l’Italie avec notamment les enlèvements, et donc aussi une violence qui déborde sans limite de son cadre. Ils rappellent aussi fort justement l’importance de l’enfance dans les thématiques de Bava, bien au-delà de son innocence. 

Si Gérald Duchaussoy et Romain Vandestchele insistent plus sur la spécificité de l’œuvre, Olivier Père la resitue dans l’ensemble de la cinématographie de Bava, il revient sur l’originalité du film qui est en effet atypique dans son œuvre, centrée sur gothique et sur le giallo. Au-delà du réalisme du film, il insiste sur une proximité entre ce film et l’œuvre de Peckinpah. Cette réflexion est intéressante, mais je ne le suivrais pourtant pas sur ce terrain dans la mesure où chez Peckinpah la violence est toujours sublimée dans une sorte de lyrisme qu’on serait bien en peine de trouver ici. Pour aller vite, on pourrait dire que chez Peckinpah la violence est la solution, alors que chez Bava elle est le problème ! Olivier Père rappelle qu’Al Lettieri qui avait tourné avec Peckinpah dans The getaway, devait incarner Riccardo, il se serait désisté pour cause de maladie. Mais au fond dans la mesure où Al Lettieri était très habitué à des rôles de criminels, c’était finalement mieux de prendre un acteur comme Riccardo Cucciolla qui poss-de un physique dont on ne se méfie pas, il est petit, habillé comme un bon bourgeois. 

Une édition en Blu ray sans le petit livret qui l’accompagne, est aujourd’hui un peu impensable. C’est Marc Toullec qui l’a réalisé, avec des illustrations bien choisies, mais aussi avec un texte qui résume les enjeux de ce film. Bref un bel objet pour réhabiliter une œuvre trop méconnue. A ranger dans sa bibliothèque !!