• Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966

    Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966 

    Richard Brooks qui n’est pas attaché à un genre particulier – il a fait des westerns, des films noirs, des films d’aventure etc… – a toujours visé un cinéma populaire qui véhicule des idées sur la société, sur le monde. Ses films sont le plus souvent empreints d’une morale assez simple basée sur le respect d’un certain nombre de principes élémentaires qui s’éclairent dans l’action. Les professionnels illustre l’ensemble de cette méthode. C’est un film qui n’est peut-être pas le meilleur de Richard Brooks, mais qui a eu un grand succès et qui reste encore dans les mémoires.

    Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966  

    Grant demande à Rico et sa bande retrouver sa femme qui a été enlevée 

    Le scénario est assez simple. La femme de Grant – un riche propriétaire terrien – a été enlevée par un bandit mexicain Raza. Pour la retrouver il demande à Rico de réunir une équipe de professionnels, il les paiera grassement. Rico va engager trois baroudeurs, Dolworth, son ami, avec qui il a fait la révolution au Mexique, Hans, un dresseur de chevaux et Jacob, un solide noir qui a, entre autres talents une bonne connaissance des arcs et des flèches. La route vers le repaire de Raza n’est pas sans danger, et ils devront se défaire de bandits mexicains qui veulent les tuer. Mais arrivés aux abords de la petite ville qui abrite Raza et son armée, Rico et Dolworth sont surpris du fait que Maria, la jeune femme de Grant, semble justement au mieux avec Raza. Peu importe, ils vont tout de même l’enlever et la ramener chez Grant. Le retour sera dramatique, pourchassés par la bande de Raza, ils devront tuer leurs poursuivants un à un. Tout ça pour au fond finalement laisser partir Maria et Raza à la barbe de Grant, parce qu’ils ne conçoivent pas qu’on puisse retenir quelqu’un quelque part contre son gré.

     Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966 

    Rico et Dolworth comprennent que la passe est piégée 

    Le scénario n’est pas très compliqué, mais il recèle tout de même la possibilité de faire advenir des surprises et des retournements de situations, Maria est une révolutionnaire amoureuse de Raza, le cruel Raza se révèle aussi un tendre amant. Les professionnels contre toute attente n’iront pas au bout de leur mission. L’histoire provient d’un roman de Frank O’Rourke qui avait déjà inspiré un excellent western de Henry King, Les Bravados. O’Rourke était un auteur prolifique qui signait aussi des polars sous le nom de Frank O’Malley. Mais le traitement qu’en donne Brooks est intéressant, à travers une sorte de code de l’honneur ce qu’on voit c’est la médiation de vieux baroudeurs sur la révolution et leur destin. Bill et Rico ont en effet été tous les deux impliqués dans la révolution mexicaine, mais aujourd’hui ils sont désabusés parce que cette révolution n’a pas donné les résultats espérés et qu’un mauvais pouvoir s’est substitué à un autre mauvais pouvoir. Ils ont pourtant la nostalgie de ces temps lointains où ils croyaient à la révolution, mais c’est aussi bien entendu la nostalgie de leur jeunesse qui leur renvoie à la figure le fait qu’ils ne sont plus aujourd’hui que des hommes de main qui vendent leur savoir-faire au plus offrant. Cette méditation sur la révolution est filmée en 1966, c’est-à-dire à une époque où l’idée de révolution est un peu partout, notamment dans les pays d’Amérique latine, et les mouvements révolutionnaires vont se répandre ensuite dans le monde entier, contestant les pouvoirs établis à l’Est comme à l’Ouest.

    Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966  

    Dolworth est interrogé par les amis des Mexicains disparus 

    On voit qu’à partir d’une trame assez mince, Brooks arrive à monter un discours intelligent sur son époque. Il sait comment tenir en haleine son public, et on peut juger que certaines séquences sont complaisantes, un peu téléphonées, comme la présentation de l’équipe de professionnels qui est une succession de séquences destinées à démontrer les compétences des héros. C’est un film un peu choral qui anticipe d’une certaine façon l’immense succès de The dirty dozen. Cette approche va permettre de contourner la linéarité de l’histoire et faire le portrait de personnages secondaires qui existent en raison de leur humanité, le chevrier qui porte le lait à Maria, Chiquita la pasionaria de la révolution mexicaine qui n’est pas avare de ses charmes et qui déborde toujours d’enthousiasme.

    Evidemment le succès du film – ce qui en fait comme on dit un film culte – repose sur les scènes spectaculaires qui mettent en valeur les compétences militaires de l’équipe de Rico. Ils savent gérer l’affrontement avec les bandits mexicains, se servir de la dynamite pour faire croire qu’ils sont très nombreux. Courageux et disciplinés, ils agissent avec beaucoup de solidarité, et même quand Hans commet la faute de ne pas abattre les chevaux, ils ne lui en tiennent pas rigueur. Car même les professionnels commettent des fautes du fait de leur humanité.

     Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966 

    Raza attaque un train de l’armée régulière 

    Les acteurs sont magnifiques, a commencé par Burt Lancaster qui occupe la première place dans le rôle de Bill Dolworth. Il incarne une certaine forme d’irrévérence aussi bien vis-à-vis de l’ordre établi que des grands principes de la morale et de la révolution. Mais pourtant il n’ira pas jusqu’à vendre son âme pour de l’argent. Lee Marvin est Rico Farlan. C’est ce rôle qui va le faire sortir définitivement des seconds rôles de mauvais garçon et qui va lui permettre de débuter une seconde carrière puisque derrière Les professionnels il tournera un autre film choral, Les douze salopards, puis Le point de non-retour, film qui va initier un nouveau cycle à l’intérieur du film noir. Le grand Robert Ryan incarne Hans, il retrouvera un peu après Lee Marvin dans The dirty dozen. Loin d’être sur le déclin, il tournera encore des films importants comme La horde sauvage ou le méconnu Sept secondes en enfer, ou encore La course du lièvre à travers les champs. Il trimballe sa grande carcasse désabusé dans l’ensemble de ces rôles où il fait merveille. Curieusement c’est Claudia Cardinale dans le rôle de Maria qui semble le moins à son aise. Elle se contente de mettre en avant – c’est le cas de le dire – ses avantages naturels. Jack Palance est bien, comme toujours, mais sans plus. Plus étonnants sont Ralph Bellamy dans le rôle de l’ambigu Grant et Marie Gomez dans celui de Chiquita. Woody Strode comme d’habitude est presque muet et joue de son physique, mais sa présence suffit.

     Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966

    Dolworth menace de tuer Maria 

    Même s’il n’en a pas fait beaucoup, Brooks aime le western, c’est manifeste. Sinon il ne filmerait pas si bien les trains ! Il est tout à fait à l’aise dans les scènes d’action qui justement démontrent bien que notre bande est faite de professionnels qui savent anticiper le danger et y faire face. Il sait utiliser parfaitement la profondeur de champ en multipliant les angles de prises de vue. Il est bien aidé par la magnifique photo de Conrad L. Hall qui gagnera plus tard un oscar pour la photo de Butch Cassidy et le Kid et qui ici utilise à fond les couleurs du paysage, le bleu du ciel, l’ocre des collines ou le blanc du désert de sel. Il ne vise jamais à la subtilité, mais il va directement à l’essentiel, même si ici et là il introduit des pauses dans l’action avec les longues palabres de Bill et Chiquita par exemple.

     Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966

    La traversée du désert est longue et incertaine

     Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966 

    Dolworth est resté en arrière pour ralentir les poursuivants 

    La fin du film satisfera le spectateur car ce que gagnent les professionnels de l’aventure, ce n’est pas de l’argent, mais un surcroît de dignité, ce qui est tout de même bien plus important. L’amour triomphe d’une certaine façon et l’argent est mis en échec.

     Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966 

    Les hommes de Grant attendent le retour de Rico et de ses hommes

     Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966

    Les professionnels, The professionals, Richard Brooks, 1966

     

     

     

    « Mystère à Mexico, Mistery in Mexico, Robert Wise, 1948La dernière minute, Count the hours, Don Siegel, 1953 »
    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :