• Meurtres dans la 110ème rue, Across 110th Street, Barry Shear, 1972

     Meurtres dans la 110ème rue,  Across 110th Street, Barry Shear, 1972

    Quatre petits malfrats volent l’argent des loteries clandestines que la mafia organise dans Harlem. Mais l’affaire tourne très mal, deux mafieux et trois noirs sont assassinés, et en prenant la fuite ils tuent aussi deux policiers. La police envoie sur place le capitaine Mattelli, un vieux de la vieille,  mais il apprend que c’est le jeune lieutenant William Pope, un noir, qui va prendre la direction de l’enquête pour des raisons politiques, parce qu’on se trouve dans Harlem. L’affaire s’avère compliquée, les voisins déclarent n’avoir rien vu. Par ailleurs la mafia comprend très vite qu’elle doit laver cette offense, non seulement pour punir ceux qui ont osé s’attaquer à elle, mais aussi parce qu’elle ne veut pas perdre la face à Harlem où les gangs noirs montent en puissance et menacent de prendre leur place. Elle va donc dépêcher sur place Nick D’Salvio pour  retrouver les voleurs et les punir. En s’appuyant sur ses affidés d’Harlem, en promettant des récompenses, il va rapidement avoir des résultats. Et tandis que les flics retrouvent la voiture qui a servi au hold-up, Nick tombe sur celui qui conduisait la voiture. Si la mafia se révèle plus rapide pour retrouver les coupables, c’est pourtant la police qui aura le dernier mot. Les voleurs tomberont les uns après les autres après avoir laissé derrière eux une kyrielle de cadavres.

     Meurtres dans la 110ème rue,  Across 110th Street, Barry Shear, 1972 

    Jim assassine froidement l’équipe qui compte l’argent 

    C’est un film qui a eu beaucoup de succès, sans doute parce qu’il sort les noirs des rôles un peu standardisés. En effet, le cinéma américain jusqu’au début des années soixante-dix, accordait deux types de rôles aux noirs, d’abord les bons serviteurs dévoués à leur maîtres, puis au fil du temps les noirs étaient plutôt représentés par des bonnes personnes, plutôt comme les victimes du racisme des blancs. Sidney Poitier battit une partie de sa renommée sur ce type d’interprétations. Au tout début des années soixante-dix, la palette des rôles admissibles pour les noirs c’était considérablement élargie, avec des acteurs comme Jim Brown qui pouvaient interpréter des durs. Et donc peu à peu on va accorder des rôles de policiers débrouillards et dynamiques à des acteurs noirs, mais on va aussi commencer à montrer d’une manière plus réaliste la réalité de la délinquance des afro-américains. Ce film va y participer. Evidemment on va avoir droit à des scènes d’opposition entre les blancs et les noirs. Il y a d’abord celle entre Mattelli et Pope, puis chez les gangsters, celle entre Nick et les gangs de Harlem. Il y a cependant une logique de remplacement dans ces oppositions. En effet, Nick mourra par la grâce de Doc Johnson, le parrain noir qui s’apprête à prendre le relais de la mafia sicilienne représentée par un vieux bonhomme, mais Mattelli mourra aussi, et c’est évidemment Pope le jeune lieutenant noir qui prendra sa place.

     Meurtres dans la 110ème rue,  Across 110th Street, Barry Shear, 1972 

    Le boss décrète la mobilisation 

    On se retrouve donc un peu au-delà d’une simple revendication d’une égalité entre les noirs et les blancs. Le New-York de cette époque était particulièrement amoché, des immeubles délabrés en voie d’effondrement, des rues sales et vides, une vraie misère dans Harlem. L’ambiance est celle de Chester Himes, avec des noirs de la marge tout de même assez extravagants dans leur manière de s’habiller, de parler, de voler. Il ne manque rien pour décrire la vie misérable de Harlem. Il y a bien sûr une fatalité qui est motrice dans la conduite de nos héros de carton-pâte. Rapidement les voleurs vont se rendre compte qu’ils ne s’en sortiront pas. Mais ils conserveront une sorte d’éblouissement d’avoir osé défier un ordre social singulier où les arrangements entre les gangs et la police sont connus de tous.

    Meurtres dans la 110ème rue,  Across 110th Street, Barry Shear, 1972 

    Nick a retrouvé un des voleurs 

    Le film possède de belles qualités cinématographiques. C’est pourtant la seule réussite de Barry Shear qui s’est contenté le plus souvent de tourner pour la télévision des épisodes des séries comme Les rues de San-Francisco où les décors urbains ont une importance décisive. Nous sommes dans cette période singulière qui fait que les réalisateurs portaient une vraie attention aux décors réels. Leur stylisation ultérieure les videra un peu de leur sens. Cela va de pair avec les nouvelles capacités de l’époque d’utiliser des caméras moins lourdes et donc une plus grande mobilité dans les scènes d’action qui sont ici très réussies. Parmi les aspects remarquables du film il y a les affrontements entre les  flics et les mafieux, ou les mafieux entre eux, affrontements qui ne peuvent pas aller jusqu’au bout de leur logique et qui font que ce sont toujours les petits soldats qui paient les pots cassés. Les scènes de violence sont fortes, que ce soit quand Nick éclate un verre dans la figure de Jackson, ou quand il balance dans le vide Logart pour le faire parler. Il y a cependant d’autres aspects moins réussis, par exemple cette fin un peu niaise où on voit dans l’ultime plan du film, tandis que Mattelli meurt, la main du flic noir et celle du flic blanc qui s’étreignent. C’est inutile et lourd.

     Meurtres dans la 110ème rue,  Across 110th Street, Barry Shear, 1972 

    Mattelli se prend de bec avec un parrain de Harlem 

    L’interprétation est très bien. Anthony Quinn toujours égal à lui-même incarne le flic un peu brutal, proche de la retraite, et qui se sent dépassé. Il est excellent comme toujours. Il a été associé à la production du film. A cette époque il s’était éloigné du système hollywoodien qui avait fait sa gloire, et il multipliait les expériences d’acteurs un peu partout dans le monde. Yaphet Kotto n’est pas mal dans le rôle du lieutenant Pope, mais il manque peut-être un peu d’autorité naturelle face à Anthony Quinn. Tony Franciosa est impeccable dans le rôle du mafieux classieux qui fait la chasse aux voleurs dans ses costards bien coupés et son manteau de millionnaire. Parmi les voleurs on regrettera un peu les grimaces d’Antonio Fargas qui interprète un camé, fêtard et grande gueule. Mais c’est peu de choses à vrai dire. Le rythme rapide permet de glisser sur ces quelques fautes de goût.

     Meurtres dans la 110ème rue,  Across 110th Street, Barry Shear, 1972 

    Mattelli qui est proche de la retraite demande à Pope de fermer les yeux sur ses petits arrangements 

    Le film est resté dans les mémoires et a connu un très bon succès critique. Il se revoit avec plaisir. Certains l’ont rapproché des films dits blacksploitation, à cause de la grande quantité de caractères noirs dans un film de ce type. Mais ce n’est pas ce qui le caractérise le plus, c’est d’abord un film noir qui témoigne de l’effondrement de New-York dans une période bien particulière des Etats-Unis.

     Meurtres dans la 110ème rue,  Across 110th Street, Barry Shear, 1972 

    Jim vendra chèrement sa peau

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