• Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955

     Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955

    Edgar Ulmer est connu et admiré pour quelques films, comme par exemple Detour qu’on considère à juste titre comme un chef-d’œuvre du film noir de série B[1]. il est très apprécié aussi pour son western très décalé, The naked dawn, qui donna sans doute son plus beau rôle à Arthur Kennedy qui fut tourné aussi en 1955. Dans Detour il avait engagé un acteur assez extravagant, Tom Neal, connu plus pour ses bagarres et ses séjours en taule que pour ses qualités d’acteur. Ici Edgar Ulmer va engager laq sulfureuse Barbara Payton, ancienne compagne de Tom Neal pour laquelle celui-ci s’était méchamment battu avec Franchot Tone, son mari de l’époque, qui lui avait quitté Joan Crawford pour elle ! Tom Neal était un peu boxeur, il s’en tira avec quelques côtes cassées et Franchot Tone partit faire un séjour à l’hôpital, ce qui ne pouvait que ravir les gazettes hollywoodiennes, mais un peu moins les patrons de studio qui voulaient préserver un peu une image assez lisse pour ses employés[2]. Cette jeune femme qui avait tous les talents, et la beauté en sus, ne fit malheureusement qu’une carrière médiocre. Elle ne planifiait pas grand- chose et brûlait surtout la vie par les deux bouts. Marylin Monroe était aussi peut-être une bad girl, mais elle avait totu de même un certain souci de sa carrière. Mais un certain nombre de films surnagent cependant, notamment Kiss me tomorrow goodye[3] c’était le frère de James Cagney avec qui elle avait une liaison – et aussi Trapped de Richard Fleischer où elle se faisait remarquer en bien d’ailleurs[4]. Alcoolique et droguée, elle finira par se prostituer sur les trottoirs d’Hollywood pour se payer sa dose, et succombera à une crise cardiaque à l’âge de 39 ans. Comme Frances Farmer, c’est une martyre d’Hollywood. Elle publiera ses mémoires de misère pour 2000 $[5]. Dans le film d’Ulmer, son physique avait déjà changé, empâtée, elle portait les marques de ses turpitudes. Ce sera d’ailleurs son dernier film avant qu’elle ne plonge complètement dans la débine. Ce film n’a d’ailleurs pas très bonne réputation et est considéré comme très mineur dans la carrière d’Edgar Ulmer. 

    Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955 

    Bert a retrouvé son subordonné Ray 

    Ray Patrick est inspecteur à la section des homicides de Los Angeles, il est appelé pour le meurtre d’un homme, Fred Deane. Celui-ci n’est pas facile a identifié car il a eu la face brulée et les deux mains également. Il serait tombé dans la cheminée ! Tout de suite les soupçons vont se porter sur Eden Lane, une chanteuse de cabaret qui avait semble-t-il une liaison avec ce Fred Deane. Ray va partir à sa recherche. Elle s’est réfugiée à la montagne, dans la Californie du nord. Il va la retrouver au milieu d’une tempête de neige. Il la ramènera cependant, elle sera jugée et condamnée à la peine capitale pour le meurtre. Mais Ray n’est pas très convaincu. En tous les cas il doit l’accompagner par le train à la prison d’Etat. Mais durant le voyage Eden croit reconnaitre Fred Deane. Après quelques moments de tergiversation, Ray décide de retrouver ce fameux Fred Deane. Il s’enfuit donc avec Eden en sautant du train en marche, et atterrit dans une petite ville. Ne sachant pas trop par quoi commencer, il tombe par hasard sur Patsy Flint la co-locataire d’Eden Lane. Il va la pister, et en fouillant sa chambre d’hôtel, il va trouver dans sa valise 5000 $. Il suit ensuite la piste d’un fabricant de céramique qui produit le même type de statue que celle qui est sensée avoir tué Fred Deane. En, visitant l’entreprise, il se fait agresser. Mais quand il revient au motel, Eden a disparu à nouveau.  C’est à ce moment là que Bert arrive et le retrouve pour le mener en prison pour avoir aidé une prisonnière à s’échapper. Mais Ray va le convaincre de poursuivre l’enquête avec lui pour une journée seulement. Leur seule ressource est de suivre la louche Pasty Flint. Cependant celle-ci va être également assassinée. Les deux policiers vont se rapprocher d’un certain Abbott, le propriétaire de l’usine de céramique, qu’ils soupçonnent d’être Fred Deane. Ils cherchent donc un témoin qui pourrait confondre Abbott comme étant aussi Fred Deane. Mais Abbott et sa femme vont prendre le train, juste au moment où arrive madame Sparrow la logeuse d4eden qui reconnait formellement Abbott. Entre temps Eden s’est rendue à la police pensant que personne n’arriverait à faire la preuve de son innocence. Ray sera obligé de démissionner, mais il sera récompensé puisqu’il pourra épouser Eden ! 

    Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955 

    Ray a poursuivi Eden Lane jusque dans un coin perdu de la montagne 

    C’est un scénario un peu bâclé qui ne craint pas les invraisemblances. On retrouve évidemment de nombreux tics du film noir classique : le policier solitaire qui tombe amoureux de la femme qui est sensée être coupable de meurtre, avec l’idée que l’amour est une preuve suffisante d’innocence. L’amitié entre deux flics qui sera mise à rude épreuve par la recherche de la vérité justement. Il y a tout de même cette idée selon laquelle la justice et la vérité sont deux choses très différentes, et que la police lorsqu’elle suit les règles n’arrive à rien. Le personnage principal, Ray Patrick en s’écartant de sa fonction de policier va travailler à la manière des détectives privés, et c’est d’ailleurs ce qu’il annonce qu’il deviendra à la fin du film. Il ne se soucie plus guère des mandats, de violer des serrures rétives, de cambrioler une entreprise parce que c’est la seule manière qu’il a de parvenir à la vérité. Il annonce le conflit qui deviendra récurrent dans les films policiers à venir : un policier efficace est celui qui ne s’embarrasse pas des règles. Les personnages sont peu approfondis, il aurait été plus intéressant me semble-t-il de faire du policier Ray un vrai dépressif, alors que cet état est à peine suggéré. Il est un peu étrange de le voir tomber si vite amoureux d’Eden, dans la mesure où elle a tout l’air d’une roulure qui couche avec le premier venu. Là non plus ça manque de profondeur. Que recherche Eden ? Pourquoi est-elle tombée dans le lit d’un homme riche, vieux et adultérin ? On comprend seulement que Ray se trouve dans le rôle du rédempteur mélancolique, il va racheter les péchés d’Eden quitte à y laisser sa peau. 

    Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955 

    Ray doit amener Eden à la prison où elle sera exécutée

     C’est un film de série B, mais avec un tout petit budget, vraiment tout petit. Il n’y aura pas de scènes d’extérieur. On utilisera des transparences, ou des montages alternant des scènes avec les acteurs principaux et des trains, des avenues, des immeubles. Cette dissociation se voit au premier coup d’œil. Même les décors sensés figurer les bureaux de la police sont très pauvres, étroits où la caméra a du mal à se mouvoir. Les emprunts aux autres films noirs sont très nombreux, à commencer par le flash-back qui permet de faire avancer l’histoire à grande vitesse. Et puis il y a l‘emprunt u paysage de neige au film de Nicholas Ray, On dangerous ground. C’est ce que retiennent ceux qui ont vu ce film rare. Mais les films avec des décors enneigés font toujours leur petit effet. C’est une manière de décaler le genre. Par exemple Day of the outlaws est un western, mais en le situant dans les montagnes enneigées, André De Toth lui apporte une étrangeté qu’autrement il n’aurait pas. Ce n’est pas ce que j’ai apprécié le plus dans le film d’Ulmer. Je trouve que le rythme est très bon. Même si l’abondance des gros plans tente de masquer la misère des décors, Ulmer se rattrape avec un découpage nerveux. Le film était tellement fauché, qu’il n’y a même pas la scène traditionnelle du tribunal jugeant Eden. Mais ça passe et permet de se concentrer sur ce qui est essentiel, ce n’est pas bavard, juste ce qu’il faut, l’inverse de Tarantino en quelque sorte ! Il y a des belles ombres, et puis la première scène d’avant le flash-back, quand nous voyons Bert espionner son ami par la fenêtre vaut le détour. C’est une manière de dire qu’il va pénétrer dans le monde de Ray pour tenter de comprendre ce qu’il lui est arrivé. 

    Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955

    Eden a disparu une nouvelle fois 

    La distribution elle aussi coûte quatre sous. Le rôle principal est tenu par Paul Langdon, un acteur assez pâle qui touche ici le rôle de sa vie au cinéma. Pourtant jeune encore, il a l’air vieux et usé, les traits d’un alcoolique. Mais comme il joue le rôle d’un flic un peu désabusé, ça passe. Et puis il y a notre Barbara Payton dans le rôle d’Eden. C’est son dernier film, manifestement elle ne savait pas trop où elle se trouvait. Elle est raide, empâtée, le regard par en dessous, c’est une déception. Mais son rôle est assez bref. Les interprètes sont tous un peu des has been, Robert Shayne incarne Bert, en tentant de laisser entendre qu’il peut encore marcher et courir comme un jeune alors que nous voyons dans la première scène, quand il retrouve Ray, qu’il a des problèmes avec ses vertèbres ! Il y a cependant quelques bons acteurs, d’abord Tracey Roberts qui incarne la fourbe Patsy Flint qui fait chanter tout le monde. Ou encore la vieille Kate McKenna dans le rôle de la logeuse. Dans l’ensemble ce sont tous des acteurs qui font très peu de cinéma, ils se tourneront vers la télévision. La scène où Ray interroge le pompiste interprété par Harry William Harvey, un acteur solide, habitué des seconds rôles, est aussi très bonne. Il est tout de même remarquable que le film ait pu être tourné avec si peu d’acteurs ! 

    Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955 

    Ray et Bert vont prendre Patsy Flint en filature 

    Curieusement la musique est soignée, c’est du bon jazz d’époque. La copie qui circule en DVD, sans sous-titres, est recadré façon Wide Screen. C’est un peu gênant, parce que j’ai le souvenir d’un autre format 4 :3. Néanmoins si ça ne vaut pas Detour, c’est un film noir bien agréable à regarder. Compte tenu des circonstances, ce n’est pas un mauvais travail d’Ulmer. On peut donc le voir sans regret en se passant des avis trop négatifs sur cette pellicule. 

    Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955

    Sur le quai de la gare ils attendent leur dernier témoin  

     

    Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955 

    Murder is my beat, Edgar Ulmer, 1955 

    Voilà ce que  ça donne si on compare le format original et le wide screen. Voilà pourquoi il faut toujours respecter le format choisi par le réalisateur



    [2] Tom Neal sera impliqué un peu plus tard dans le meurtre de sa femme, il n’évitera la chaise électrique que grâce à l’habileté de son avocat qui avait été payé par ses amis… dont Franchot Tone !. Tout ça pour dire que les acteurs des films noirs de série B sont aussi de drôles de lascars !

    [5] Barbara Payton, I am not ashamed [1963], dernière édition augmentée, Spurl Editions, 2016.

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