• My gun is quick, Victor Saville, 1957

     My gun is quick, Victor Saville, 1957

    Deuxième épisode des aventures du détective Mike Hammer, c’est encore du Victor Saville ! On va donc retrouver le détective teigneux, sa secrétaire Velda et son alter ego, le policier Pat Chambers. C’est le dernier des quatre films qui seront produits par Parklane Pictures Inc. Tous les films que cette firme, sans doute montée par Victor Saville lui-même,  a produits sont basés sur des romans de Mickey Spillane, c’est également elle qui a produit le film de Robert Aldrich. Adaptées à l’idée de série portée par les livres de Mickey Spillane, les affiches, très belles, de ces quatre films portent une image similaire de violence et de sexe, clairement identifiable, avec l’idée de fidéliser la clientèle. Le film d’Aldrich avait été un bon succès commercial et critique, on cherchait donc à reprendre la formule. Mais évidemment Victor Saville n’était pas Aldrich. Se première idée était de refaire encore un film avec des moyens financiers extrêmement réduit. Pour ce troisième épisode de la saga de Mike Hammer, on changeait une fois de plus de visages pour les personnages récurrents de la série. 

    My gun is quick, Victor Saville, 1957  

    Le roman choisi par Saville pour être porté à l’écran est comme pour I, the jury, une trame qui s’inspire une nouvelle fois d’Hammett et plus particulièrement de The maltese falcon, avec cette histoire du trésor à retrouver qui était déjà dans le premier ouvrage de Spillane. A cela s’ajoute l’ingrédient du détective intègre qui vient au secours d’une malheureuse prostituée – sans succès toutefois. Les romans de Mickey Spillane sont tellement mal écrits qu’ils sont recherchés pour cela, avec la question récurrente : comment peut-on écrire comme ça ? Mais pour les adaptations cinématographiques, le style de Mickey Spillane ne compte pas. L’importance est qu’il soit connu, qu’il vende beaucoup. La production des films tirée de ses œuvres est adaptée à son public, celui des classes inférieures assez peu instruites, à la recherche d’un délassement. Ce serait presque le même public que celui des adaptations de Chandler ou d’Hammett, mais il y a deux différences. Ici on ne cherche pas à tirer le public vers le haut, au contraire, on descend vers lui en flattant ce qu’on croit être ses plus bas instincts, de même on ne cherche pas à se rallier une partie de la classe moyenne et donc de la critique cinématographique qui en est l’émanation. Ce n’est pas quelque chose de neuf et toutes les industries culturelles sont plus ou moins contaminées par cette tendance. Mickey Spillane qui en était le parangon, pensait épouser l’air du temps. Sa brutalité et son anticommunisme surjoué qui était déjà obsolescent au moment où il s’y complaisait, découvrira, avec un vrai flair commercial cependant, le sens des mots et le poids des images. Au début des années soixante-dix, il avait écrit un ouvrage au titre très aguicheur, The erection set, et sur la couverture duquel il avait collé la photo de sa femme nue comme produit d’appel[1] ! 

    My gun is quick, Victor Saville, 1957  

    Le plus étrange est sans doute que le scénario ait été écrit par Richard Collins, un ancien membre du parti communiste qui avait travaillé sur Journey into fear, parfois abusivement attribué à Orson Welles, et sur Song of Russia. Placé sur la liste noire, il resta quatre années sans travailler, puis il donna quelques noms que tout le monde connaissait d’ailleurs et cela lui permit de retrouver du boulot comme scénariste. Il se réorienta vers la télévision, devint un producteur et un scénariste à succès dans cette discipline. Plus tard il a affirmé qu’il regrettait d’avoir dénoncé ses collègues et qu’il portait ça comme une croix, mais il n’est pas le seul dans ce cas. Il fit ensuite de rares incursions dans le cinéma, on lui doit cependant l’excellent scénario de Pay or die, tourné en 1960 par Richard Wilson avec Ernest Borgnine dans le rôle de Joseph Petrosino, un policier newyorkais qui a réellement existé et qui entra en lutte avec la main noire, soit la mafia. Il sera assassiné en Sicile. 

    My gun is quick, Victor Saville, 1957 

    Mike hammer défend la rouquine 

    Mike Hammer qui rentre fatigué d’une mission s’arrête chez Shorty pour boire un verre. Là il rencontre une rouquine qui semble-t-il n’a pas d’argent et qui se prostitue, n’ayant pas réussi à se faire engager dans le cinéma. Ils sympathise, mais survient un individu, Louis, plutôt du genre barbiquet qui la menace. Mike évidemment lui file une trempe et le chasse du bar. Il donne un peu d’argent pour qu’elle puisse s’acheter des souliers et qu’elle prenne le car pour retourner dans son patelin d’où elle n’aurait jamais dû partir. Un peu plus tard, alors qu’il a retrouvé son bureau et sa secrétaire, la police le convoque. Son ami pat lui signale qu’on vient de retrouver la rouquine, assassinée. Mike est choqué et se promet de mettre la main sur le meurtrier. Mais il a remarqué que la bague qu’elle portait lorsqu’il l’a rencontrée, n’est plus à son doigt. Par Shorty, il apprend que la jeune femme vivait dans un meublée avec une nommée Maria, une chanteuse de cabaret. Il va la voir, et la séduit, mais il ne consomme rien du tout avec elle. Avec Maria ils vont ensuite interroger un Français, muet, qui leur indique la piste d’un vol de bijoux. Mais quand il veut en savoir plus, ce Français est assassiné, il a été projeté par la fenêtre de son appartement. Presque sous ses yeux. Il voit alors le fameux Louis qui s’en va. Il le suit et arrive jusqu’à une jeune femme riche, Nancy Williams, qui dit ne pas comprendre et qui chasse de sa maison Louis qu’elle a présenté comme son employé. Mike entame un flirt un peu poussé avec elle. Mais il continue à enquêter sur la mort de la rouquine et va tomber sur Holloway, un ancien colonel de l’armée qui a passé dix ans en prison. Celui-ci croit qu’il a retrouvé la collection Venacci dont provenait la fameuse bague. Ils s’associe plus ou moins. Mais un autre gang auquel appartient Louis est sur le coup. Entre temps Maria qui semblait s’intéresser elle aussi aux bijoux se fait assassiner. Après s’être fait rouster par les gangsters alors qu’il venait inspecter le logement de Maria, il revient chez Nancy qui le soigne. Il continue sa quête et apprend finalement qu’un certain Teller vient d’arriver pour négocier les bijoux. Mike le suit, mais il manque se faire assassiner par un grutier et Teller s’en va avec Louis. Dans sa voiture, il se branche sur la radio de la police et apprend qu’il est recherché. Il se rend chez Nancy et assiste à la levée des deux corps, ceux de Tellet et de Louis. Il retrouve Holloway et tous les deux suivent la piste des marins. Sur le port, ils retrouvent la bande des Français. Une fusillade s’ensuit, longue et meurtrière, Holloway est tué, mais il a le temps de voir Mike revenir vers lui avec les bijoux. Il retrouve alors Nancy et comprend qu’elle est dans le coup, et qu’elle a tout monté pour s’approprier les bijoux. Mike est dégouté, bien qu’elle lui ai dit qu’elle n’a pas tué la rouquine, elle avoue pourtant les meurtres de Maria, de Teller et de Louis. Elle supplie Mike de partir avec elle pour le Mexique où ils pourront se la couler douce. Mais Mike refuse et les bateaux de la police arrivent. 

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    Dans une boite de nuit, Mike va à la rencontre de la chanteuse Maria 

    Dans ce scénario de nombreux stéréotypes vont être recyclés. Le final est, comme dans I, the jury emprunté à The maltese falcon. Malgré la passion qu’il a pour Nancy, il la livrera à la police. Retrouver les bijoux de la collection Venacci est également issu du même modèle. Holloway qui veut s’approprier le trésor est semblable à Gutman. S’il entretient des relations difficiles avec Pat Chambers, Mike Hammer n’est pourtant pas tout à fait opposé à la police qui, chez Hammett ou chez Chandler, est vue comme particulièrement corrompue et bornée. De même la défenestration fait penser à Chandler, The high windows, comme le fait qu’il se fasse manipuler par sa propre cliente, idée qu’on trouve aussi dans The maltese falcon. A défaut d’une grande inventivité, Mickey Spillane connaît ses classiques. On va retrouver aussi le vieux club de jazz avec la chanteuse sexy, un peu noire, mais pas trop, la rouste pour le détective trop curieux, et la fourbe femme fatale, ambiguë à souhait puisqu’on ne saura pas si elle a seulement joué avec Mike, ou si elle l’aimait sincèrement. Mais après tout ces ingrédients peuvent très bien se retrouver dans un bon film, à condition qu’ils aient un peu de sens. Que veut dire ce film ? On ne sait pas trop si c’ets le portrait d’un homme en colère, ou la démonstration qu’on ne peut pas faire confiance, ni aux femmes, cela va de soi, ni à la police, ce qui est moins évident. On a l’impression que tous les Français sont mauvais, ou tordus. Je ne sais pas d’où venait cette façon singulière de dénigrer la France, est-ce une conséquence du fait qu’elle avait perdu la bataille face à l’Allemagne en 1940 ? On n’en sait rien. 

    My gun is quick, Victor Saville, 1957

    Il va la voir dans sa loge  

    On retrouve évidemment le machisme – quoiqu’un peu fatigué tout de même – de Mike Hammer. Quand il s’adresse à sa secrétaire, il lui donne de manière condescendante un « Hi, beauty » répétitif qui désamorce justement ce machisme affiché. Il est ici présenté comme un séducteur, la rouquine l’embrasse, Maria veut coucher avec lui, et il séduit Nancy. Avec les deux premières qui sont pauvres et peu sophistiquées, il se retient, il se refuse, mais avec Nancy qui présente toutes les apparences de la richesse, il daigne passer enfin à la casserole ! Vu sous cet angle c’est excessivement drôle. On peut dire que pour un détective il n’est pas très perspicace puisqu’il choisit de se donner à la plus fourbe et la plus mauvaise. J’en ai oublié une : Dione qui lui donne la clé de son appartement, mais là encore il n’y arrivera pas, au lieu de passer par la porte, il passera par la fenêtre, une voie dérobée, comme s’il hésitait à y aller franchement. Comme dans I, the jury, c’est le portrait d’un peine-à-jouir. C’est à tel point qu’on se demande si au fond il ne vend pas Nancy à la police pour ne pas être au pied du mur et être obligé de faire son devoir conjugal. Il évite aussi Velda qui aimerait bien se faire sauter. Autrement dit, il n’est pas seulement un peine à jouir, il est aussi un allumeur ! Si on considère que le seul intérêt de la prose de Spillane était le sexe et la violence dans leur crudité, on ne peut qu’être déçu, c’est ni très violent, ni très sexualisé. Comme on le comprend ce qui aurait pu transcender une telle intrigue, c’eut été de faire exploser les situations vécues par Hammer, d’en faire un vrai sauvage. 

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    Le Français a été assassiné 

    Si la réalisation est plutôt appliquée, compte tenu de son budget étriqué, il lui manque surtout de la rage et de l’envie. Cependant, Victor Saville qui se dissimulait ici sous le nom de George White et qui est le véritable réalisateur, avait essayé de retenir les leçons, sur le plan formel, qu’Aldrich lui avait donné en adaptant Kiss me deadly. D’abord il va utilisé le format 1,85 :1, alors qu’I, the jury, c’était du 1,33 :1. Ce qui donne d’emblée une vision plus moderne du film noir, d’autant que le film utilise très souvent des éléments naturels de décor, notamment les installations du port de San Diego et quelques plans larges de Los Angeles en évitant les lieux trop connotés comme le Bradbury Building qui sont aussi des lieux très fermés. Cette volonté d’aérer le film induit de filmer des véhicules, des bateaux, comme autant de moyens d’échapper à l‘enfer de la ville, représentée par ces bretelles d’autoroutes qui semblent décrire une forme de labyrinthe dont on ne peut sortir. Mais cela est insuffisant, et le rythme reste particulièrement mauvais. On dit souvent que ce film est aussi mauvais que I, the jury. Ce n’est pas tout à fait vrai. Au fond ce qui faisait le charme du film d’Harry Essex, c’était une sorte de misérabilisme nuiteux, magnifié par la photo de John Alton, avec des accès de rage et d’emportement qui donnait un côté particulièrement hystérique au film. 

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    En poursuivant Louis, il va rencontrer la belle Nancy Williams 

    Soyons justes, il y a tout de même quelques bonnes scènes. Par exemple celles qui se passent sur le port et particulièrement quand Mike Hammer prend en filature le dénommé Teller. Il y a alors des prises de vue en plongée qui donnent la mesure du travail prolétaire qui se déploie en ces lieux. Ou encore lorsque Hammer vient espionner ce qui se passe chez Nancy, alors que la police cerne la maison et le recherche. Il y a un jeu d’ombres et de lumières particulièrement adéquat aux progressions furtives du détectives dans la nuit. Lorsque le détective prend Teller en filature, c’est pas mal filmé du tout, avec cet aspect labyrinthique des autoroutes et la façon d’Hammer de se dissimuler pour suivre Louis plus facilement. Les scènes d’action sont cependant un peu bâclées et auraient mérité mieux. Quand dans le bar Hammer bouscule Louis qui est venu chercher la rouquine, il ne le massacre pas à coups de poings comme il le devrait, mais le menace seulement de son pistolet. 

    My gun is quick, Victor Saville, 1957

    Holloway explique pourquoi il veut les bijoux 

    Cet aspect aseptisé de la réalisation est renforcé par la distribution qui est bien plus lisse et moins chaotique. Cette fois c’est Robert Bray qui interprète Mike Hammer. Cet acteur de grande taille qu’on a pu présenté au début de sa carrière comme le nouveau Gary Cooper, fut essentiellement un acteur de télévision. Particulièrement borné, il n’eut aucun talent pour gérer sa carrière. Ancien héros de la Guerre du Pacifique, il termina sa vie misérablement en se baladant ici et là dans un mobil home avec son épouse. C’est je crois le rôle le plus important qu’il a obtenu dans sa vie. Il n’est pas franchement mauvais, il est lisse et terne, ce qui est pire car au moins le médiocre Biff Eliot avait un côté hystérique et allumé qui donnait un peu d’épaisseur au rôle. Le sommet de son activité d’acteur fut atteint par le rôle du garde forestier ami de Lassie dans la série télévisée éponyme. On dit que ce rôle lui plaisait parce qu’il aimait les bêtes et que les bêtes l’aimaient. Mais il se disputa avec les producteurs et se fit virer de la série. Victor Saville avait un art consommé pour faire des films avec des bouts de ficelle. Il allait donc piocher ses acteurs dans le fin fond des catalogues. Nancy Williams est incarnée par Whitney Blake, actrice de télévision. Elle n’est pas laide, et on comprend qu’elle a appris à jouer. Mais elle est lisse et on croit très difficilement à la folie sexuelle qui s’empare d’Hammer en la voyant. Elle s’anime juste vers la fin. L’essentiel de sa carrière s’est fait pour elle aussi à la télévision. 

    My gun is quick, Victor Saville, 1957 

    Chez Nancy il cherche encore Lou 

    Booth Colman est Pat Chambers, le policier un peu mou mais copain avec Mike Hammer. Acteur de petite taille par contraste avec Robert Bray, il n’a pas l’air d’un enquêteur, mais plutôt d’un expert comptable. Jan Chaney qui avait un physique intéressant incarne la rouquine très bien. Cette actrice disparaitra rapidement des tablettes, ayant semble-t-til comme la rouquine qu’elle incarne échoué à se faire une place au soleil d’Hollywood. Gina Coré, une actrice d’origine argentine, est Maria, la chanteuse de jazz au physique de métisse. Elle est intéressante, mais son rôle est très bref, et elle aussi disparaitra après quelques petits rôles à la télévision. 

    My gun is quick, Victor Saville, 1957 

    Teller vient d’arriver pour acheter les bijoux

    Volontairement produit de série, My gun is quick rate son objectif et ne semble pas avoir accueilli les faveurs du public. La musique est plutôt bonne, du jazz californien, et va bien avec le style que Saville voulait donner à son film. Mais on retiendra la belle affiche ! Curieusement on trouve de belles copies de ce film, alors que pour I, the jury, ce n’est pas possible. Mike Hammer va être abandonné par le cinéma. Il va faire l’objet de séries télévisées plus ou moins regardables à partir de 1958. Il reviendra sur grand écran, avec Girl hunters en 1963 sous la direction du vieux routier Roy Rowland, avec Mickey Spillane dans le rôle de sa créature, Mike Hammer, puis en 1982 avec un remake de I, the jury, avec le pâle Armand Assante dans le rôle du célèbre détective, sous la direction du téléaste Richard T. Heffron. 

    My gun is quick, Victor Saville, 1957

    Mike va livrer Nancy à la police 

     



    [1] Paru en français sous le titre Le dogue chez Fayard en 1972.

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