• Pascal Dessaint, Le chemin s’arrêtera là, Rivages, 2015

     

    Pour commenter cet ouvrage, je pourrais dire qu’il a obtenu le prix Jean Meckert-Amila 2015 et en rester là. Certainement que dans ce cas le prix est tout à fait justifié. Et comme j’aime beaucoup ce que faisait Amila, je pense que c’est un honneur pour Dessaint que de recevoir un tel prix. En effet il est dans l’esprit certainement l’un des plus proches descendants de Jean Amila si on peut dire. Je me dis par ailleurs que ce roman a une très bonne presse, et donc que cela ne servira pas à grand-chose que de l’encenser.

    L’histoire est celle d’une sorte de tribu des rejetés de la crise et de la mondialisation. Ces perdants-nés n’ont pas plus de passé que d’avenir. Exclus de la société et de son conformisme radical, ils végètent au bout d’une digue, à l’ombre d’une centrale nucléaire. Ils n’ont même plus le statut de consommateurs ordinaires. Cette vie résignée va les transformer peu ou prou en des assassins dangereux qui n’ont pas d’autre solution en vue que de commettre des meurtres.

    On pourrait dire que Dessaint poursuit et rénove à travers le roman noir, la littérature prolétarienne, sauf qu’il y a encore moins d’espoir à l’horizon, parce que cette classe ouvrière se fait littéralement assassiner jour après jour depuis trente ans. Cette empathie pour les vaincus, les rebuts d’une classe ouvrière agonisante se traduit dans l’écriture par une description minutieuse de l’environnement : les lieux, les matériaux sont encore plus importants que les relations sociales et conditionnent les comportements. Les habitants de la digue et des dunes sont aussi morts que la nature. Ils font partie d’un drame écologique que rien ne semble pouvoir enrayer.

    Dessaint montre parfaitement ce que ces rejetés ont perdu, leur travail, leur qualification, leur utilité, leur maison, leurs compagnes et jusqu’à leur dignité. On notera que ce qu’ils perdent cela nous concerne tous parce que notre pays en éradiquant  sa classe ouvrière a perdu un peu de son âme, un peu de sa virilité

     Pascal Dessaint, Le chemin s’arrêtera là, Rivages, 2015 

    Pascal Dessaint recevant le prix Jean Meckert-Amila 2015   

    Dessaint est un homme du Nord. Moi, je suis un homme du Sud, très au Sud même. Et pourtant je reconnais dans la description de cette décomposition ce qui s’est aussi passé par chez nous. S’il venait du côté de Marseille, je pourrais lui montrer des bateaux en train de rouiller, des usines à l’abandon. A la différence près que par chez nous il ne pleut presque jamais et qu’on ne vit pas à l’ombre des centrales nucléaires.

    L’ouvrage est découpé en 27 chapitres et 5 tableaux, à chaque changement de chapitre Dessaint donne la parole à un des personnages de cette histoire. Ils s’avancent comme devant un tribunal. Le fait qu’il utilise la première personne permet à ses personnages de se confesser, de se justifier ou du moins de s’expliquer. C’est une manière qu’on trouve souvent chez les auteurs de romans noirs.

    On remarquera que les personnages en même temps qu’ils se détruisent, détruisent aussi la cellule familiale, ce qui en revient à s’enfermer dans des solitudes mortifères qui fabriquent des cancers et des assassins ! Il y a aussi des scènes étonnantes de la vie d’un port plutôt désincarné, où accostent des énormes méthaniers, des minéraliers, dont la masse écrase encore plus le peu de vie qui reste aux alentours. 

    On l’a compris c’est donc un très bon roman noir, très noir. On pourra cependant lui faire un petit reproche, c’est que tous les chapitres sont écrits dans le même ton, avec les mêmes tournures, alors que les personnages sont tous très différents. Faire parler Mona qui a à peine dix-huit ans, comme son père qui est usé et au bout du rouleau, est un peu bizarre. Mais Dessaint a sans doute volontairement choisi un style sobre et relativement neutre, preuve qu’il n’est pas Amila qui lui travaillait beaucoup plus sur le langage.

    « Tuez Charley Varrick, Charley Varrick, Don Siegel, 1973Elvira Madigan, Bo Widerberg, 1967 »
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