• Positif et Michel Ciment reviennent sur la chasse aux sorcières

    Positif et Michel Ciment reviennent sur la chasse aux sorcières

    A l’occasion de la sortie de Trumbo, le film de Jay Roach dont j’ai déjà dit tout le bien que j’en pense[1], Positif revient sur cette chasse aux sorcières de sinistre mémoire. Ça commence plutôt très mal parce que la recension du film de Roach est due à la plume de Ciment lui-même. Or Ciment a toujours défendu ces réalisateurs qui ont balancé, particulièrement Elia Kazan qui ne s’est jamais remis lui-même de cette trahison[2]. Positif n’est plus la revue de notre jeunesse, et elle a évolué malheureusement vers un conformisme affligeant. Michel Ciment est le moteur de cette dérive qu’on pourrait qualifier de droitière. Mais il ne se contente pas de soutenir Kazan, ce qu’on pourrait presque comprendre, il lui faut aussi que maintenant il salisse les dix d’Hollywood. Bien tapi derrière son écran d’ordinateur, les pieds dans ses charentaises, le voilà qu’il explique à des gens qui ont risqué la prison, ce qu’ils auraient dû faire : ils auraient dû parler selon lui et assumer leur adhésion au parti communiste puisque celui-ci était légal. C’est en règle générale ce que disent les gens de droite sur cette question que le plus souvent ils ne connaissent pas. Mais en réalité, cette idée un peu simpliste est démentie par les propres extraits de la correspondance et les propres notes de Dalton Trumbo, que Positif publie. Mais sans doute que Michel Ciment ne les a pas lues ! Or ces notes nous disent que la stratégie de ne pas répondre ressortait du fait que les dix d’Hollywood ne voulaient pas se justifier devant une commission inquisitoriale. Au passage Trumbo signale que même Nixon, pourtant peu suspect de sympathie communiste, se détachera de cette commission et s’en absentera pour ne pas la cautionner dans ses excès.  

    L’aigreur et la méchanceté de Ciment va se retrouver aussi dans la manière dont il dénigre le talent des dix d’Hollywood, seuls deux d'entre eux auraient eu du talent, comme si c’était là la question et comme si lui pouvait en juger. Mais Ciment est quelqu’un qui aime bien les films fascisant de Clint Eastwood sur lesquels il ne se pose guère de questions quant au discours de fonds. Aussi il se permet de taper à bras raccourci sur le film de Roach, Trumbo, le trouvant mal fait – il se contente des plates mises en scène d’Eastwood qu’il prend pour un cinéaste important, ce qui est son droit, même si nous ne partageons pas son avis sur ce point.

      Positif et Michel Ciment reviennent sur la chasse aux sorcières

    Mais après tout, je comprends qu’on puisse trouver le film de Jay Roach insuffisant sur le plan formel. Par contre ce qui est plus contestable est le fait que Ciment justifie indirectement la chasse aux sorcières. Ici il révèle non seulement son engagement droitier, pourquoi pas, mais il fait preuve d’une méconnaissance parfaite du sujet. En effet, il nous dit que les politiciens américains avaient des bonnes raisons de se lancer dans cette chasse aux sorcières parce que Staline et l’URSS étaient devenus des dangers manifestes. C’est parfaitement faux. En effet si Michel Ciment était un peu instruit, il saurait que le lobby d'extrême-droite qui s’est lancé dans la chasse aux sorcières l’a fait avant 1945, très précisément en 1938. C’est seulement parce que Roosevelt a eu un succès formidable et parce que les Etats-Unis sont entrés en guerre après Pearl Harbor, que cette chasse aux sorcières a été mise en sommeil, jusqu’à la mort de Roosevelt. La chasse aux sorcières était initialement le prolongement à Hollywood de la répression des syndicats et des tendances socialistes entre les deux guerres[3]. Je passe sur le fait bien connu - sauf peut-être de Michel Ciment - que la chasse aux sorcières a complètement stérilisé le cinéma hollywoodien et manifestait des tendances antisémites évidentes. 

      Positif et Michel Ciment reviennent sur la chasse aux sorcières

    On a le droit de ne pas connaître un sujet, mais dans ce cas on n’a pas le droit d’en parler. Michel Ciment fait honte à Positif en s’avançant à visage découvert ; il serait temps qu’il prenne sa retraite définitive, n’ayant plus rien à apporter à la connaissance du 7ème art depuis bien longtemps. Voilà ce que c’est que de s’institutionnaliser en écrivant pour n’importe quel marchand de papier – Ciment fait le malin dans des journaux aussi réactionnaires que Le point ou L’express. Mais c’est raté.

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/trumbo-jay-roach-2015-a125132672

    [2] Kazan-Losey, entretiens, édition définitive, Stock, 2009.

    [3] Larry Ceplair, Steven Englund, The Inquisition in Hollywood : Politics in the Film Community, 1930-60, University of Illinois Press, 2003. 

    « Low down, Jeff Preiss, 2014La maison sur la colline, House on telegraph hill, Robert Wise, 1951 »
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