• POURQUOI LE CINEMA FRANÇAIS EST-IL AUSSI MAUVAIS AUJOURD’HUI ?

    La réponse se trouve peut-être partiellement dans l’article de  Vincent Maraval que vient de publier le journal Le monde. http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2012/12/28/les-acteurs-francais-sont-trop-payes_1811151_3208.html et que je vous conseille vivement d’éplucher. Le monde lui-même considère que c’est une violente charge, mais personnellement je trouve que ce n’est pas encore assez violent.

    Le cinéma français est mauvais parce qu’il croule sous le pognon et qu’il n’a ni l’objectif de rentabilité, ni celui de plaire. Récemment un mauvais acteur de seconde catégorie, mais qui a amassé une fortune, a défrayé la chronique pour s’être exilé avec sa cassette outre-Quiévrain. Mais cette prise de position extrême-droitière, si elle est plus que condamnable, ne doit pas masquer le fait que tout le métier du cinéma est gangréné par l’appât du gain.

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    Tant que ces dernières années le nombre des entrées était en progression, finalement tout le monde semblait y trouver son compte. On voyait même des commerçants comme Luc Besson tenter de dire que les films français ne pouvaient rivaliser avec leurs concurrents américains, à cause de budgets trop étriqués. Les productions de Luc Besson tendent à démontrer à contrario, que plus les budgets sont élevés, et plus la qualité des films est médiocre pour ne pas dire plus. Mais aujourd’hui les recettes se tassent un peu et comme les budgets ont continué d’être rongés par l’inflation – le secteur ne connaît pas le mot austérité – les « grands » films ont été des fiascos. En deux mots comme en cent, les budgets français sont surdimensionnés par rapport à leur marché potentiel. Ces gens là vivent au-dessus de leurs moyens et de leur talent, grâce à un système bien huilé. Or si quelques films français visant à faire exploser le box-office accaparent la majeure partie des investissements cinématographiques, cela veut dire que de très nombreux films moyens ou petits ne pourront pas voir le jour et trouver leur public. En renforçant les budgets des films soi-disant promis à un énorme succès – sans que le plus souvent le surcoût n’apparaisse à l’écran – on tue la création potentielle et surtout on procède à une uniformisation des produits.

    Dans la tribune de Maraval on apprend que les films français ont un budget moyen largement supérieur à celui des films américains : quand le coût moyen d’un film américain tourne autour de 3 millions d’euros, son homologue français est d’environ de 5,4 millions. Ce qui n’est évidemment pas justifié par la différence de taille des marchés, ni par la notoriété des vedettes.

    Il ressort que le système vit avec des préfinancements – avances sur recettes (CNC) ou avances des chaînes de télévision (publiques et privées d’ailleurs, toutes doivent cracher au bassinnet) – qui font que la rentabilité est assurée pour le producteur. Au passage, il est faux de dire comme le fait Maraval, que le cinéma français est subventionné, en ce sens que les avances sur recettes ne sont pas alimentées par un impôt général, mais par une taxe spécifique prélevée sur le prix du billet. Mais c’est un détail. En fait ce système n’est pas une étatisation de la production fondé sur l’impôt, mais un racket organisé par un « syndicat » au sens mafieux du terme.

    A partir de ce moment-là, le système cinématographique français qui n’a plus aucun intérêt à son propre succès devient une affaire de combinaisons plus ou moins douteuses : on est acteur ou réalisateur de père en fils - Audiard, on passe du métier de comique pour noces et banquets à celui d’acteur dramatique – Gad Elmaleh. Depardieu ne rapporte un peu d’argent qu’une fois sur trois ou quatre et encore, mais il continue à tourner, alors que de son aveu même ce métier ne l’intéresse plus – s’il l’a jamais intéressé. Ce qui veut dire que faire un film comme acteur ou réalisateur, n’a aucune importance artistique, mais permet d’accumuler du « capital primitif » qu’on va faire ensuite fructifier dans les commerces, des hôtels ou des propriétés viticoles. En 2011, on a vu l’ubuesque guerre des Guerres des boutons. Ou deux films sans aucun intérêt ont englouti, au nom de la concurrence sans imagination chère aux eurocrates, des dizaines de millions d’euros pour un résultat qui a laissé le spectateur qui est pourtant bon enfant, complètement indifférent.

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    Il n’est donc plus étonnant que le monde du cinéma soit devenu aussi réactionnaire – ah ! le parterre des soutiens à Sarkozy ! Dès lors ce caractère réactionnaire de ceux qui font le cinéma au jour le jour va finir par se traduire dans les œuvres qu’il s’autorise à mettre en mouvement. Le mépris que la profession entretient vis-à-vis de son outil de travail fait qu’aujourd’hui le cinéma français est bien moins audacieux dans tous les sens du terme que le cinéma américain qui pourtant ne se porte pas très bien non plus. La majeure partie de ces films ne trouve d’ailleurs jamais son public et de nombreux films tournés restent sagement dans leur boîte ou sont présentés devant des salles vides. Il y a quelques années Toscan du Plantier se plaisait à présenter le système cinématographique comme une sorte de casino : on faisait trois films pour qu’un rapporte et couvre les frais des deux autres. Cette curieuse analyse qui confond division et probabilité n’a plus court aujourd’hui : c’est seulement un film français sur dix qui rapporte de l’argent.

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    C’est comme si un système de cooptation s’était mis en place, une sorte de franc-maçonnerie qui s’accapare les postes les mieux rémunérés et empêche le renouvellement artistique de la profession. Je ne connais pas d’époque pour le cinéma français où ses acteurs de premier-plan étaient aussi laids, aussi vieux, sans aucun charisme. Mais la qualité technique des films français participe aussi à l’effondrement de la culture dans notre vieux pays : jamais les films n’ont eu si peu de style, l’image est plate et convenue, et aucun des réalisateurs français de premier plan ne semble posséder un style propre, identifiable. Ce jugement ne pourra qu’être conforté par les tendances récentes de la critique qui ont désigné sans trop se poser de questions The artist ou De rouille et d’os comme des œuvres très originales. Il est incroyable qu’on puisse obtenir le qualificatif d’ « auteur » sans plus de qualification que ça. On me dira qu’il en va de même dans la littérature et que des écrivaillons qui ont à l’évidence beaucoup de mal avec la grammaire et l’usage d’un dictionnaire des synonimes arrivent encore à vendre des livres justement dans un moment où la librairie est en crise. Comme le disait si bien Alphonse Boudard dont l’ouvrage Cinoche donnait déjà quelque idée de la décadence de ce milieu, « on n’a jamais fini de tout voir » !

    Mais le cinéma est à l’image de la société, et si la société française mérite une nuit du 4 août, il va de soi que celle-ci doit emporter avec elle cet amalgame d’assistés qui pullulent dans le secteur et qui arrivent à bâtir des fortunes sur la crédulité d’un peuple de moins en moins éduqué, à la manière des charlatans ou des prophètes de fin du monde.

    « Il pleut toujours le dimanche, It’s allway rains on Sunday, Robert Hamer, 1947Hommage à Robert Hossein »
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