• Quentin Tarantino, Les 8 salopards, The hateful 8, 2016

     Quentin Tarantino, Les 8 salopards, The hateful 8, 2016

    Le cinéma clinquant de Tarantino ne m’a jamais beaucoup amusé. On peut invoquer la nécessaire légèreté pour renouveler la manière de filmer, ou encore la distance prise avec un genre – ici le western – mais le résultat reste toujours aussi médiocre. Sans doute cette médiocrité tient-elle autant à la manière de filmer qu’à la faiblesse du scénario, la complaisance ridicule avec la violence et l’étalage de l’hémoglobine. Bien entendu on peut me dire que si je n’aime pas Tarantino, je n’ai qu’à pas me déplacer et regarder ses films. Mais en réalité je suis toujours très intrigué par les films que la critique encense, par ces réalisateurs qui sont présentés comme des talents singuliers. J’essaie de comprendre pourquoi on dit sur leur compte de telles bêtises. 

    Quentin Tarantino, Les 8 salopards, The hateful 8, 2016

    Major Marqui Warren demande à John Ruth de l’amener dans sa diligence 

    Un chasseur de primes, John Ruth, accompagne en diligence Daisy Domergue qui doit être pendue à Red Rock. Sur la piste enneigée qui le mène à cette ville il va croiser un autre chasseur de primes, Marquis Warren, un ancien soldat qui a fait la Guerre de Sécession. Celui-ci se rend aussi à Red Rock pour toucher les primes des cadavres qu’il accompagne. Puis ils vont aussi prendre en route Chris Mannix qui lui doit rejoindre Red Rock pour trouver une place de shérif. Le blizzard aidant ce petit équipage va devoir s’arrêter dans le relais de Minnie. Mais celle-ci n’est pas là. A sa place il y a plusieurs personnes qui paraissent très louches à John Ruth. Dès lors va démarrer un huis-clos dont le but va être de comprendre qui est qui, et quel est le piège qui est tendu à John Ruth.

    A partir de ce moment le film va basculer dans une sorte de polar à la Agatha Christie, les différents suspects étant éliminés les uns après les autres. Le tout sera émaillé de scènes très sanguinolentes. Et les différents protagonistes de cette histoire sans intérêts mourront. On fera remarquer que cette histoire qui se voudrait à tiroirs est plutôt mal menée et que tout de suite on a compris le fin mot de l’histoire. C’est donc un faux suspense comme c’est aussi un faux western.

     Quentin Tarantino, Les 8 salopards, The hateful 8, 2016

    John Ruth se méfie de Mannix 

    La première remarque qu’on fera sur la forme est que le film est abominablement long. On pourrait dire qu’il est deux fois trop long, avec un entracte. Mais voilà Tarantino aime faire du remplissage comme ces écrivains qui sont payés à la ligne, et il gonfle à n’en plus finir les dialogues de digressions répétitives qui empêchent l’histoire d’avancer et fatiguent le spectateur. Ce qui fait qu’au bout du compte on n’a pas un western, les extérieurs ne comptent presque pas, ni un suspense, les ressorts de l’histoire sont vite éventés, mais plutôt du théâtre filmé à la manière de « Au théâtre ce soir », avec des effets très violents et sanguinolents pour masquer la mollesse de l’action. Une partie de l’inspiration semble provenir de La chevauchée des bannis d’André Toth, le magnifique western enneigé qui mettait aussi en scène une bande de brigands. Mais évidemment la différence est que le film de Toth est rigoureux et précis, construit sur un scénario solide. Ce n’est pas parce qu’on rajoute des dialogue et des digressions que cela amène une histoire plus complexe. Ici c’est même l’inverse, les rajouts permanents ne font que mettre en évidence la pauvreté du propos. C’est pourquoi la mise en scène essaie de compenser cela en mettant en scène des caricatures, des bouffonneries, ou en insistant sur le côté gore de l’histoire, ceux qui ont été empoisonné – comme dans des romans anglais – vomissent des litres de sang sur les autres personnages. Je passe sur la lourdeur de l'antiracisme militant de Tarantino qui, s'il satisfait sa bonne conscience lasse vite.

     Quentin Tarantino, Les 8 salopards, The hateful 8, 2016

    Mannix tente de se réchauffer 

    La distribution se veut originale. Kurt Russell qui n’est que rarement mauvais incarne ici John Ruth. Le moins qu’on puisse dire est qu’il manque d’entrain pour cette loufoquerie, à mon sens il n’a pas très bien compris dans quel type de film il s’était retrouvé. Samuel Jackson est Major Marquis Warren, l’ancien officier noir de la Guerre de Sécession. Il grimace beaucoup, éclate de rire à tout propos, roule des yeux gros comme des billes de loto. Bref, sous le couvert naïf de donner la part belle à un « nègre » Tarantino le ridiculise et revient aux pires clichés sur les nègres. Les provocations dont il use pour faire sortir le vieux général sudiste de ses gonds sont très lourdes et convenues. Le troisième larron, Mannix, est incarné par Walton Goggins qui en rajoute des tonnes dans les outrances. Il relève les sourcils appuie les mimiques, comme au théâtre pour bien que les personnes du fond comprennent les intentions. Mais on suppose que c’est ce que demandait Tarantino. On retrouve aussi Michael Madsen, un habitué des Tarantino dans le rôle d’un tueur, mais ici, reteint et empâté, il a perdu son côté un peu inquiétant et semble complètement éteint. C’est seulement Jennifer Jason Leigh qui a un peu de consistance, je veux dire qu’elle ne ressemble pas trop à un pantin désarticulé comme les autres acteurs. Tim Roth joue les « anglais subtils », il plisse la paupière pour nous montrer combien il est rusé dans les questions qu’il pose à John Ruth et Marquis Warren.

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    Oswaldo Mobray pose des questions sur le sort réservé à Daisy Domergue 

    Peut-on sauver quelque chose de ce désastre ? Sans doute non, et seule la photographie de Robert Richardson est bonne, encore que la surabondance des scènes d’intérieur ne prête guère aux exploits. l'idée de tourner en 70 mm présentée comme très originale, n'apporte pas grand-chose. Le film a eu un budget de plus de 40 millions de dollars. C’est un gros budget, rien à voir avec les trois francs six sous des westerns italiens dont Tarantino dit s’inspirer. La critique ayant été très tiède, il n’est pas certain qu’il rentrera dans ses frais. Ceux qui aiment les westerns sous la neige retourneront voir Le chevauché des bannis, ceux qui aiment les intrigues policières qui se passent dans l’hiver neigeux des campagnes préféreront Un roi sans divertissement de François Leterrier.

     Quentin Tarantino, Les 8 salopards, The hateful 8, 2016

    Ruth et Warren renouvellent leur alliance 

    Tarantino a affirmé qu’il ne ferait que 10 films. The hateful eight étant le huitième, s’il dit vrai nous n’aurons plus que deux réalisations à supporter dans le futur. C’est la seule bonne nouvelle qu’apporte ce film. Eastwood, Tarantino, et dans un autre genre Jacques Audiard font partie de cet ensemble de réalisateurs cabotins qui ont tout misé sur les effets et le discours pré et post production. Cela leur permet d’avoir l’oreille de nombreux critiques qui croient en leur talent. Mais la seule chose qu’ils démontrent c’est que le cinéma moderne est bien plat, sa grammaire s’est disloquée et il ne reste qu’une impression de vide sans fond. 

    « L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946Robert Aldrich, L’ultimatum des trois mercenaires, Twilight's Last Gleaming, 1978 »
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  • Commentaires

    1
    Samedi 19 Mars 2016 à 19:28
    J'ai fais un article sur mon blog sur ce film. C'est très intéressant d'avoir d'autres point de vu, c'est drôle il y'a toujours quelques détails divergeant. C'est pourquoi j'ai partagé ton article à la fin de mon article pour pouvoir permettre à mes lecteurs de lire d'autres avis ! Merci en tout cas de ta critique !!
    2
    Dimanche 20 Mars 2016 à 08:55

    Merci pour ce commentaire, il y a beaucoup de points où nous nous rejoignons, la lourdeur des dialogues, la longueur du film. Il faut dire que je n'ai jamais été un fan de Tarantino qui reste pour moi un cinéaste de l'effet. mais il n'est pas le seul. Pour ma part je trouve le cinéma d'aujourd'hui assez mauvais, et le cinéma américain en pleine dégénérescence. Certes on trouve encore de bons films, même aux USA, mais l'ensemble n'est pas fameux. Je vais jeter un œil sur ton blog.

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