•  L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946

    Henry Hathaway est un réalisateur sous-estimé, principalement parce qu’il s’est révélé trop éclectique.  Il a officié dans tous les genres avec bonheur, du western au film de guerre, mais il a laissé d’abord sa marque sur le film noir. C’est du reste lui qui révèlera Richard Widmark dans Kiss of death. Parmi les autres films noirs qu’il a dirigés, on note encore les très originaux Fourteen hours et Niagara. Avant que ne débute le cycle du film noir proprement dit, on note le très beau Peter Ibbetson et aussi Johnny Appolo.

     L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946 

    Brad regarde Stauffer s’en aller 

    L’histoire est à double détente. Brad Gilford qui vient de s’installer à New York s’aperçoit alors qu’il se promène avec sa secrétaire qu’il est suivi par un personnage peu discret. Celui-ci le met sur la piste de Jardine, un ex-associé peu scrupuleux avec qui il a eu des démêlés naguère à San-Francisco. Jardine pratique le chantage sur des femmes riches qu’il séduit. Il va avoir une altercation avec Brad, mais peu après on retrouve celui-ci assassiné par Cathcart car Jardine a séduit sa femme et menace de s’en aller avec elle. Brad devra éviter de se faire repérer par la police qui le soupçonne fortement, mais il devra aussi retrouver la piste de Stauffer qui entre temps a été assassiné lui aussi par Cathcart qui ainsi veut éviter les témoins. Brad avec l’aide de sa secrétaire Kathleen remontera la piste de Cathcart et ce dernier sera assassiné à son tour par sa propre femme qui ne supporte pas l’idée qu’on ait tué Jardine. Brad et Kathleen seront blanchis et pourront aller se marier.

     L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946 

    Stauffer raconte à un mystérieux correspondant qu’il a rempli sa mission 

    Le scénario est signé Bernard Schoenfeld qui n’est pas n’importe qui puisqu’il a signé entre autres, Caged et Phantom Lady, deux films noirs majeurs. Manifestement cette histoire de détective lorgne du côté de Raymond Chandler. Le détective est à la fois dégourdi et sujet aux embrouilles avec la police. De même son enquête le mènera à une opposition entre le pauvre détective dont le bureau donne sur le métro aérien de New York et le très riche et très raffiné Cathcart. Evidemment si le film a bien résisté à l’outrage des ans, c’est essentiellement parce que sa réalisation est tout à fait à la hauteur. Toute la grammaire du film noir est là. Que ce soit les jalousies derrière lesquelles on espionne, ou les escaliers qui mènent à des situations pour le moins chaotiques. On notera qu’ici les escaliers ne symbolisent pas seulement les convulsions de l’intrigue, mais aussi l’étalage de la richesse quand il s’agit de la description de la maison de Cathcart. Henry Hathaway s’appuie sur le grand photographe Joseph MacDonald qui travaillera avec John Ford sur My darling Clementine, mais qui travaillera aussi sur plusieurs films noirs, dont les films de Hathaway justement comme Niagara, Fourteen Hours, et sur le film de Samuel Fuller Pickup on South Street.

     L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946 

    Brad envoie Kathleen au cinéma 

    Sans doute le défaut principal du film est qu’il recycle déjà un certain nombre de traits singuliers du film noir, et avec le temps on a l’impression de voir une synthèse des films noirs des années quarante. On retrouve par exemple la fascination pour un portrait comme l’image d’un amour réifié. Mais aussi un certain nombre d’acteurs qui sont devenus des figures du film noir. Clifton Webb qui joue un peu le même rôle ici que dans Laura, ou encore William Bendix qui a joué cent fois dans les films noirs le rôle de la brute épaisse. La majeure partie du film se passe la nuit, ce qui permet de rajouter des jeux d’ombres et de lumières très esthétiques. Mais au-delà de cet aspect réducteur, il y a une grande fluidité dans la mise en scène, quelques scènes de rue bien menées et un rythme soutenu. La mobilité de la caméra fait facilement oublier les grosses ficelles du scénario. On peut regretter d’ailleurs que les extérieurs ne soient pas mieux utilisés dans le film.

     L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946 

    Cathcart présente un superbe tableau à ses invités 

    L’interprétation repose non pas sur les habitués des seconds rôles de films noirs comme on a dit ci-dessus, mais sur le couple Mark Stevens, Lucille Ball. Ce n’est pas un couple très crédible, sans doute parce que Mark Stevens qui a joué dans quelques films noirs importants comme La dernière rafale, n’a pas beaucoup de charisme et ne peut remplacer au pied levé des acteurs habitués à jouer les détectives comme Humphrey Bogart ou Dick Powell. Au tournant des années cinquante il disparaitra des premiers rôles. Ici il essaie de jouer les durs, mais face à la délurée Lucille Ball ça tombe un peu à plat. Plus intéressante est Cathy Downs qui interprète Mary la femme adultère de Cathcart. Bien entendu, Bendix et Webb sont tous deux très bien et font ce qu’on attend d’eux.

     L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946 

    Brad et Kathleen recherchent Stauffer 

    Il ressort quelques scènes remarquables, l’assassinat de Stauffer par Cathcart, la poursuite de Brad par la police, après qu’il ait carrément volé un taxi, ou la visite de celui-ci à son coffre-fort pour y voir ses trésors. Mais bien que l’on range ce film parmi les classiques du film noir, ce n’est ni le meilleur film d’Hathaway, ni un chef d’œuvre, malgré la patine du temps. Cela reste cependant un très bon divertissement, très bien filmé et très bien rythmé, avec toujours un souci de la profondeur de champ. Il ressemble sans doute trop à un produit de série où les surprises et la passion abondent très peu. Parmi les lieux communs emmenés par ce film, il y a la boîte de jazz, symbole d’une liberté sexuelle plus ou moins assumée.

     L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946 

    Kathleen prépare le café

     L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946 

    Ils recherchent un teinturier

     L’impasse tragique, The dark corner, Henry Hathaway, 1946 

    Brad se rend chez Cathcart

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  •  L’inquiétante dame en noir, The notorious landlady, Richard Quine, 1962

    Richard Quine est un réalisateur trop oublié. Cinéaste à succès, il a tourné des comédies, mais il eut aussi du succès dans des films dramatiques. Mais surtout c’est lui qui a le mieux filmé Kim Novak, ce qui n’est pas rien. Sans doute parce qu’il en était amoureux. Ils ont eu en effet une longue liaison ensemble. Au total, ils ont tourné pas moins de quatre films, tous excellents. C’est d’ailleurs Richard Quine qui la fait débuter dans un rôle significatif dans Pushover, un film noir très fort et rondement mené. Et c’est encore lui qui l’emploiera dans son chef d’œuvre Strangers when we meet, avec le génial Kirk Douglas pour l’accompagner. Il a ensuite perdu un peu pied dans le système hollywoodien, passé de mode, il s’est suicidé d’un coup de revolver. Je ne vais pas refaire le panégyrique de Kim Novak, les cinéphiles savent à quoi s’en tenir, seul un crétin comme Hitchcock était capable de la rabaisser, mais il oubliait que Kim Novak avait éclairé Vertigo, un des rares films intéressant qui rehausse une carrière par ailleurs médiocre et dont le seul mérite est de fournir un passe-temps à la classe moyenne inférieure en mal de culture et un modèle pour la Nouvelle Vague qui, si elle était plutôt vague dans ses intentions n’était pas franchement nouvelle, ni dans le fonds, ni dans la forme.

     L’inquiétante dame en noir, The notorious landlady, Richard Quine, 1962 

    Bill Gridley vient louer un appartement chez Mme Hardwicke 

    Madame Hardwicke est soupçonnée de meurtre : son mari a disparu, et tout le monde croit qu’elle l’a assassiné. Démunie, elle loue une partie de sa maison, mais personne ne veut l’habiter. Jusqu’au moment où arrive un jeune diplomate, Bill Gridley qui vient d’être nommé à Londres et qui va rapidement tomber sous le charme de sa logeuse. Mais Scotland yard la surveille en permanence et va demander à Bill de l’aider. Celui-ci est persuadé que Mme Hardwicke est innocente et pense qu’en jouant le jeu de Scotland yard, il contribuera à l’innocenter. Cependant les choses vont se compliquer : Mme Hardwicke a des mystérieux rendez-vous, elle passe des coups de fil étranges. Manifestement elle a un secret. En outre le patron de Bill, Ambruster, est lui aussi partagé entre son souci de respectabilité et son attirance pour Mme Hardwicke. Et puis le mari va réapparaître, et on va déboucher sur une histoire de bijoux égarés au Mont-de-Piété. Mais c’est une comédie et tout se remettra en ordre, Bill et Carlyle vont pouvoir filer le parfait amour et revenir aux Etats-Unis.

     L’inquiétante dame en noir, The notorious landlady, Richard Quine, 1962 

    Scotland Yard demande à Gridley d’espionner Mme Hardwicke 

    Richard Quine s’est souvent illustré dans la comédie légère avec bonheur. Ici il est assisté pour le scénario par Blake Edwards qui lui aussi sera un maître d’un genre purement hollywoodien et qui eut beaucoup de succès dans la première moitié des années soixante et qui apparaissait très moderne, en rupture avec les drames et les films noirs. C’est une parodie de film à énigme, et ce n’est pas un hasard s’il se passe à Londres, en Angleterre, la patrie d’Agatha Christie. Sauf évidemment que le ton est celui d’une comédie romantique. Le scénario est suffisamment astucieux pour retenir l’attention du spectateur qui, s’il ne tremble jamais vraiment pour les héros, se demande en permanence ce qui a bien pu arriver. Le thème est celui de l’amour qui est mis à l’épreuve par les faux semblants de la vie et la confiance qu’on doit nécessairement accorder à la personne qu’on aime. C’est donc bien plus que la critique des conventions sociales qui condamnent avant de juger. Mais on peut considérer qu’au premier chef c’est un chant d’amour dédié à Kim Novak. Tout est prétexte ici à la filmer sous tous les angles possibles et imaginables. On l’admirera dans ses dessous, dans son bain, dans un débraillé qui lui sert à faire le ménage, ou encore quand elle montre ses jupons dans la poursuite finale. C’est donc un film érotique avant tout

     L’inquiétante dame en noir, The notorious landlady, Richard Quine, 1962 

    Bill et Carlyle entament un flirt 

    La manière de filmer rappelle un peu Billy Wilder, et pas seulement parce que les deux acteurs principaux, Jack Lemmon et Kim Novak ont aussi travaillé avec lui. Il y a un côté loufoque, décalé, mais sans doute la méchanceté en moins. Il y a aussi cette façon de filmer très précise, ou rien n’est laissé au hasard. Aidé par une photographie impeccable, ça donne des séquences nerveuses où l’utilisation de l’espace dans la maison autant anglaise que biscornue joue un rôle déterminant puisque ce sont justement les formes architecturales de l’histoire qui expliquent pour une grande partie les quiproquos.

     L’inquiétante dame en noir, The notorious landlady, Richard Quine, 1962 

    Caché dans ma penderie Bill surprend une conversation étrange

    C’est très difficile de réussir un film comme celui-là, à maintenir le rythme sans ennuyer. Et cette réussite repose beaucoup aussi sur les acteurs. Le contraste avec la trouble beauté de Kim Novk et le côté un peu godiche de Jack Lemmon fonctionne très bien. Jack Lemmon était un  spécialiste de ce genre de comédie qu’il honorera aussi bien avec Richard Quine (6 films), qu’avec  Billy Wilder (5 films) ou encore avec Blake Edwards (3 films). Il aura d’ailleurs beaucoup de mal à faire autre chose, même si c’était un acteur de grand talent. Il est parfait ici. Kim Novak joue parfaitement sur son côté trouble et mystérieux, quoiqu’elle démontrera qu’elle sait aussi interpréter des personnages plus carrés comme Moll Flanders par exemple. Ce sont ses rôles dans les comédies qui ont le plus marqué les mémoires. Elle est ici merveilleuse de drôlerie et de finesse, jouant aussi bien les filles délurées que les victimes de la fatalité. Le personnage de Fred Astaire est moins intéressant, il est à la périphérie de l’histoire, mais il est très bien dans ce rôle de faire valoir.

    L’inquiétante dame en noir, The notorious landlady, Richard Quine, 1962

    Ambruster demande à Bill de faire évoluer la situation 

    Le film n’est pas exempt de défauts bien sûr. La poursuite finale est sans doute un peu trop longue et surjouée. Mais c’est peu de chose, il y a tellement de scènes sublimes qu’on passe sur ces détails. La première rencontre entre Bill et Carlyle est remarquable de justesse, entre attirance et méfiance. Le procès est rondement mené avec des coups de théâtre complétement inattendus. Evidemment le clou du film sera le bain de Carlyle qui perturbe complètement le pauvre Bill et qui fait apparaître Carlyle comme une femme simple et plutôt libérée. C’est ce qui fait le prix de ce genre de films. En effet, veuve supposée, meurtrière suspectée, elle poursuit tout de même contre toutes les conventions sociales habituelles sa relation avec Bill, alors qu’elle sait très bien qu’elle est encore mariée. On ne saura d’ailleurs pourquoi elle s’était mariée avec un individu particulièrement horrible.

     L’inquiétante dame en noir, The notorious landlady, Richard Quine, 1962 

    Bill surprend Carlyle dans son bain 

    Certes on peut toujours trouver que ce genre de films manque un peu de profondeur, c’est sans doute vrai, et ce n’est pas le chef d’œuvre de Richard Quine, mais malgré le temps qui passe il apporte toujours une certaine dose d’optimisme et de légèreté. Il sera donc vivement conseillé par les temps qui courent. 

     L’inquiétante dame en noir, The notorious landlady, Richard Quine, 1962 

    Richard Quine, Jack Lemmon et Kim Novak sur le tournage

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  •  MATEWAN, John Sayles, 1987

    Ce film appartient à la longue cohorte des films engagés qui jalonnent l’histoire du cinéma américain. L’action se passe en 1920, dans l’Etat de Virginie. C’est l’ambiance qu’on peut trouver dans le chef-d’œuvre de Dashiell Hammett, La moisson rouge. Le scénario raconte l’affrontement entre des mineurs et un patronat sans foi ni loi qui les exploitent sans retenue et sans vergogne. Pour faire face à cette violence patronale les mineurs ont l’idée de créer un syndicat avec l’aide de Joe Kenehan qui vient à Matewan exprès pour cela. Evidemment cela ne plait pas aux propriétaires de la mine qui n’entendent pas céder un pouce de leur pouvoir sur la ville et qui vont embaucher des tueurs pour terroriser les mineurs. Le bras de fer va aller crescendo, jusqu’à la fusillade finale qui verra la mise en fuite de la milice patronale.

     MATEWAN, John Sayles, 1987 

    Afin de diviser les mineurs, des noirs ont été embauchés 

    C’est d’abord et avant tout un film sur la mémoire qui vise à faire revivre l’histoire du capitalisme dans ce qu’elle a de plus criminel. Il illustre la longue haine des possédants envers les travailleurs, les milles et unes manières qu’ils ont de les exploiter en rognant sur tout, en leur faisant payer les instruments de leur dur labeur, en leur revendant les biens de consommation les plus courants à des prix prohibitifs. Cette haine qui est la contrepartie douloureuse de la richesse, va jusqu’à préférer un long conflit tragique et couteux, plutôt que de trouver des accommodements avec la classe des exploités. Des multiples films ont traité des syndicats et de leurs difficultés à seulement exister aux Etats-Unis, quelle que soit d’ailleurs les périodes auxquelles ils se situent. En règle générale ils exaltent la solidarité de classe et mettent en scène la collusion de la justice et de la police avec les propriétaires. Sauf si comme l’ancien communiste Elia Kazan, on préfère donner des marques de soumission à ses nouveaux maîtres en tournant un immondice comme Sur les quais, ou justement le syndicat est dénoncé en soit et pour soit comme une organisation criminelle. Mais John Sayles heureusement pour lui n’est pas Kazan, même si techniquement il est peut-être un peu moins bon. Et puis la chasse aux sorcières est passée de mode. Cependant il est toujours difficile aux Etats-Unis d’imposer des syndicats dans de nombreux Etats et dans les petites entreprises comme le montrait par exemple The Big One de Michael Moore en 1999.

     MATEWAN, John Sayles, 1987 

    Joe Kenehan vient à Matewan pour structurer le syndicat 

    La lutte syndicale a donné aux Etats-Unis de très beaux films. Par exemple The Molly Maguires de Martin Ritt qui date de 1970 et qui traite des mineurs au XIXème siècle, ou encore du même Martin Ritt, Norma Rae tourné en 1979. Manifestement John Sayles est le continuateur de Martin Ritt. Il a écrit le scénario dans lequel on retrouvera l’arrivée d’un délégué syndical dans ma ville de Matewan, comme dans Norma Rae, ou encore le traitre parmi les mineurs comme dans The Molly Maguires. D’ailleurs, comme Ritt il se base sur des événements qui ont réellement existés, sans doute pour attester de la vérité de son récit face à une Amérique incrédule de temps de violence haineuse de la part du patronat. Renouant avec l’histoire du syndicalisme anarchiste, le film cite volontiers Joe Hill et les IWW qui est décrit en 1920 comme déjà un syndicat sur le déclin. Au passage il y a évidemment un rapport entre Matewan, et le film de Bo Widerberg, Joe Hill, dont nous avons parlé il y a quelques jours[1]. Manifestement l’esthétique de Bo Widerberg a frappé John Sayles et l’a inspiré.

     MATEWAN, John Sayles, 1987 

    Les hommes de Baldwyn viennent expulser des mineurs 

    Le scénario ne se veut pourtant pas manichéen, certes les propriétaires de la mine sont de vraies crapules, mais les hommes de main ne font que leur métier, on verra d’ailleurs une partie d’entre eux se retrouver sans le comprendre au milieu d’une fusillade. Egalement le chef de la police Sid Hatfield, sans partager les objectifs du syndicat protège la ville où il est né comme il peut, et il fera le coup de feu de belle façon contre les hommes de Baldwyn. On remarque au passage que c’est un thème très particulier du cinéma américain, et pas seulement d’un cinéma social : à un moment donné, même si c’est à son corps défendant, il faut se situer obligatoirement d’un côté ou de l’autre de la barricade. C’est plus une question de morale que de politique. John Sayles évite les caricatures d’une histoire d’amour, même si on comprend bien que la veuve Radnor a un penchant très fort envers Joe.   

    MATEWAN, John Sayles, 1987 

     Le traître C.E. Lively participe à l’assassinat d'Hillard 

    L’ensemble est filmé assez sobrement, mais avec une grande maîtrise qui permet de resituer l’action dans un cadre naturel luxuriant qui fait encore mieux ressortir la vacuité de la cupidité des capitalistes face à la beauté d’un pays comme les Etats-Unis. C’est une reconstitution plutôt bien faite, il n’y a pas grand-chose à en dire, sauf qu’on peut trouver tout de même que les mineurs ont l‘air trop bien nourris et présentent des figures peu ridées, insuffisamment fatiguées, alors qu’ils sont exposés au dur labeur de la mine depuis des années. Mais c’est toujours un peu les problèmes des reconstitutions, les costumes sont un peu trop bien repassés et les étoffes n’ont pas ce caractère fatigué et rigide des tissus que portaient les pauvres gens dans ce temps-là. Il y a un didactisme un peu trop appuyé aussi, on nous explique combien il est bel et bon que les travailleurs s’unissent au-delà de leur race et de leur langue. Les noirs sont tout d’abord rejetés, mais à partir du moment où ils acceptent de se syndiquer, ils deviennent des travailleurs comme les autres. On insiste un peu lourdement sur la prise de conscience de la mère d’HIllard qui finira par se rapprocher des Italiens qu’au départ elle méprise.

     MATEWAN, John Sayles, 1987 

    Sid a décidé de s’opposer par la force aux hommes de Baldwyn 

    L’interprétation est très bonne et bien choisie. Il faudrait citer tous les acteurs, car c’est un film choral où chaque personnage a son importance. Chris Cooper est Joe Kenehan le syndicaliste professionnel qui est très bien, tout en finesse. A ses côtés on trouve la trop rare Mary McDonnell dans le rôle de la veuve Radnor et dont le seul frai grand rôle aura été celui de Danse avec les loups. Puis il y a David Strathairn dans le rôle de Sid Hartfield, impavide et glacial, c’est l’homme du devoir et des principes qui n’a pas l’habitude de reculer. Few Clothes est interprété par le très bon James Earl Jones, un grand habitué des seconds rôles, maintes et maintes fois primé. Les plus étonnants sont pourtant le très jeune Will Odham, qui chante aussi dans le film, qui interprète le jeune fils de la veuve Radnor, et puis Kevin Tighe dans le rôle de Hickey, cette canaille brutale et cynique qui se dévoue à la cause patronale, allant de ci, de là, pour briser des grèves ou empêcher la création d’un syndicat. Mary McDonnell et David Strathrain tourneront dans d’autres films de John Sayles.

     MATEWAN, John Sayles, 1987 

    La bataille fait rage dans la ville 

    John Sayles sait très bien filmer les trains – c’est un minimum pour un réalisateur américain – mais il possède tout à fait la grammaire des scènes d’action, et la fusillade finale est de toute beauté, comme une manière de revivifier la longue tradition des westerns, les sauvages étant ici la milice patronale. Il sait aussi satisfaire le public qui applaudit à deux main la déroute des hommes de Baldwyn et la mort de Hickey tiré comme un lapin à travers l’étendage des draps de lit blanc, ce qui permet de photographier de belles taches rouges. On appréciera aussi les longues scènes de prêche du jeune Rdanor qui transforme la Bible en un discours syndical avec une passion qui frise un peu l’hystérie tout de même. Si le film a souvent la vivacité des films d’action, le réalisateur n’insiste pourtant pas sur la violence cruelle du meurtre d’Hillard, ou sur les corps qui tombent et qui s’écroulent dans les fusillades. John Sayles c’est donné un petit rôle, celui du pasteur qui dénonce sur le mode hystérique les rouges et les bolcheviques.

     MATEWAN, John Sayles, 1987 

    Elma tue le sinistre Hickey 

    C’est donc un bon film, même si on peut lui reprocher quelques longueurs, et s’il n’a pas fait un gros succès à sa sortie, il a depuis obtenu une grosse réputation et fait figure dans certains milieux de film culte. On doit saluer le fait qu’aux Etats-Unis quelques réalisateurs aient encore le courage de se lancer dans l’écriture de films sociaux qui dénoncent la violence native du capitalisme.

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/joe-hill-bo-widerberg-1971-a119485218

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  • On ne joue pas avec le crime, Five against the house, Phil Karlson, 1955 

    On pourrait croire que Phil Karlson et Kim Novak tournant un film au cœur duquel se trouve le hold-up d’un casino fasse un bon film. Et bien ce n’est pas le cas. C’est un film très décevant et la déception vient principalement d’un scénario bien trop conformiste. On pourrait même dire que c’est le plus maivais Phil Karlson dans le genre noir. Five against the house s’intercale bizarrement dans une assez longue série de très bons films noirs : en 1952, Phil Karlson a réalisé Kansas City confidential, en 1953 99 River street, en 1955 Tight rope, et cette même année il réalisera The Phoenix City story. Quant à Kim Novak elle n’en est encore qu’au début de sa carrière, elle a seulement joué dans un seul film significatif, Pushover de Richard Quine.

    On ne joue pas avec le crime, Five against the house, Phil Karlson, 1955

    Le scénario est tiré d’un ouvrage de Jack Finney dont certaines œuvres ont été publiées dans la Série noir, mais qui fut principalement un auteur de science-fiction. Il est l’auteur de Invasion of the body snatchers.

     On ne joue pas avec le crime, Five against the house, Phil Karlson, 1955 

    A Reno les quatre mais vont découvrir l’univers frelaté des casinos 

    Quatre amis, vétérans de la Guerre de Corée sont étudiants grâce à un programme spécial du gouvernement qui doit les aider à se réinsérer dans la vie civile. Passant par Reno, l’un d’eux, Ronnie, va avoir l’idée de dévaliser un casino. Le coup met un peu de temps à murir, et en attendant nos quatre compères mènent une vie d’étudiant qui ne les satisfait guère, ça manque d’action. Al file le parfait amour avec Kaye qui s’est faite engagée pour chanter dans un cabaret. Son objectif sera de se marier le plus rapidement possible. Mais Kaye hésite, elle st est effrayée par l’idée de se passer la corde au cou. Al étant excédé de ses hésitations, va décider de partir avec ses amis à Reno. Evidemment ceux-ci ont décidé de réaliser le hold-up, mais ils ne lui ont pas dit. Prise de remords, Kay va les accompagner à Reno, pensant qu’ainsi elle pourra se marier avec Al. Durant le voyage qui se passe dans une caravane accrochée à une voiture, ce qui est assez original, Al et Kay sont mis au pied du mur par Brick qui semble avoir perdu la tête, et sommés de participer au hold-up. Le hold-up réussira, mais Kay dénoncera la bande à la police tandis que Brick tente de s’enfuir en emportant le magot.

     On ne joue pas avec le crime, Five against the house, Phil Karlson, 1955 

    Brick fait du charme à une joueuse de roulette 

    Plusieurs thèmes traditionnels du film noir sont mis à contribution. D’abord celui des héros de la guerre qui rentrent au bercail et qui ont du mal à se réadapter à la vie civile et que les souvenirs de la guerre plongent dans un mal de vivre difficile à surmonter. Ensuite celui d’une bande d’amis qui mettent en route un cambriolage de casino, idée qui sera reprise dans la première version d’Ocean’s eleven en 1960. Mais le scénariste, Stirling Silliphant,  dont c’était ici le premier travail important, a bien du mal à boucler son histoire. Il sera plus percutant dans d’autres films noirs comme Lineup de Don Siegel ou même Tight rope de Phil Karlson. Le déséquilibre du film est double, d’abord le hold-up a beaucoup de mal à se mettre en place, ça se traîne en longueur dans la description d’une vie universitaire qui n’intéresse personne, ensuite, dans lers circonvolutions qui sont sensées nous expliquer le pourquoi du comment il est nécessaire que le hold-up échoue. Si le déroulement du hold-up est très bien mené et filmé, il est aussi assez simplet dans son déroulement. De même le fait que Brick veuille tout seul s’accaparer du magot ne corresponda pas à la psychologie du personnage tel qu’il est présenté dans la première partie du film

     On ne joue pas avec le crime, Five against the house, Phil Karlson, 1955 

    En rentrant à l’Université, les quatre amis font le point 

    Probablement Phil Karlson a-t-il un peu trop tourné en 1955, puisqu’il alignera pas moins de quatre films cette année-là. Certes sa patte est bien là, et la manière de filmer sauve en partie le film du désastre total. Il y a des scènes effectivement assez soutenues, à commencer par le hold-up qui repose plus sur la persuasion que sur la violence, ou encore la poursuite entre Brick et Al qui utilise un garage muni d’un élévateur de voitures. Mais trop d’aspects sont assez pauvres, comme cette idée loufoque de filmer longuement Kim Novak en train de chanter, ou ces face-à-face entre Kay et Al illustrés par des baisers aussi longs qu’insipides – pourtant embrasser Kim Novak ce ne devait pas être une tâche aussi difficile que ça. Le caractère choral du film éclater le récit et désarçonne le spectateur. On ne sait plus s’il s’agit d’une histoire d’amour et de mariage, ou celle d’une folie ordinaire, celle de Brick. Les caractères sont assez peu fouillés.

     On ne joue pas avec le crime, Five against the house, Phil Karlson, 1955 

    Ils sont venus écouter Kay chanter 

    C’est un petit film d’une heure vingt, avec un petit budget. Ce sont presque tous des acteurs de second plan qui sont utilisés, sauf Kim Novak bien sûr, mais à l’époque elle n’a pas fait grand-chose. Elle manifeste une certaine raideur qu’on ne percevait pourtant pas dans Pushover. Elle se rattrapera dans les années qui viennent. Mais Guy Madison est tellement insipide qu’on a l’impression qu’on va s’endormir. Il joue un peu comme une enclume, et on se demande bien ce que Kim Novak peu trouver à un type de son acabit. Du reste elle a toujours l’air de se demander ce qu’elle fait dans cette histoire. Brian Keith a un peu plus de consistance, c’est lui qui joue le rôle de Brick le déséquilibré, et ma foi, c’est sans doute lui le moins mauvais. Il faut dire qu’il a un physique qui surprend. Alvy Moore dans le rôle de Roy est plutôt dynamique, mais il n’a pas grand-chose à faire et son physique parle pour lui. La distribution est complétée par le pâle Kerwin Mathews qui n’aura fait qu’une petite carrière en atteignant ses sommets avec le rôle de Simbad le marin et plus tard en incarnant OSS117. Alvy Moore est bien là pour jouer les contrepoids avec son physique complètement décalé.

     On ne joue pas avec le crime, Five against the house, Phil Karlson, 1955 

    La belle Kay sait charmer son auditoire 

    Il y a quelques belles scènes servies par une très belle photo où les noirs et blancs sont accentués. Mais dès qu’on commence à parler de la qualité de la photo c’est que le film ne recèle pas grand-chose à sauver. Reno est filmé de nuit, magnifiquement, et les scènes de foule dans le casino sont très justes et très vivantes. Il y a aura donc quelque chose de moderne, un peu en rupture avec les films noirs précédents. Si ce n’était pour avoir une vision plus complète de la carrière de Kim Novak et de celle de Phil Karlson, on pourrait très bien se passer de voir ce film.

     On ne joue pas avec le crime, Five against the house, Phil Karlson, 1955 

    Brick et Ronnie réfléchissent au hold-up

     On ne joue pas avec le crime, Five against the house, Phil Karlson, 1955 

    Kaye craint pour la vie de Al

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  •  Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944

    Edward Dmytryk est un cinéaste très surévalué. Il doit cette situation singulière au fait qu’il a contribué au développement d’une conscience de gauche à Hollywood, impliqué à la fois dans le développement du film noir et d’une cinématographie prolétarienne proche du documentaire. Mais bien entendu, le fait qu’il ait trahi tout le monde d’une manière honteuse devant la Commission des Activités Anti-Américaines a changé sa manière de faire du cinéma. Il deviendra un simple technicien avec toutefois quelques réussites L’homme aux colts d’or ou Le jongleur.

      Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944

    Il s’agissait ici d’adapter l’ouvrage de Raymond Chandler, Farewell my lovely, et donc de faire paraître pour la première fois Marlowe à l’écran. Le scénario était de John Paxton, et le film produit par Adrian Scott, ce même Adrian Scott que Dmytryk dénoncera devant l’HUAC pour se refaire une virginité et retourner travailler à Hollywood. Ce ne sont pas des détails, parce que le héros de Raymond Chandler est un homme droit et fidèle qui ne sautait trahir, préférant endurer la prison ou des coups. C’est le deuxième roman de Chandler après Le grand sommeil. En France la traduction a été massacrée par Marcel Duhamel, non seulement quelques petits détails ont changé, quelques scènes ont disparu, mais la langue de Chandler a été complètement modifiée au profit d’un argot parisien très approximatif. Je ne suis pas le premier à le dire, la traduction des œuvres de Chandler a été une honte pour la maison Gallimard, même et peut être surtout quand c’est Boris Vian qui s’en est chargé. Mais comme dans le cas de Jim Thompson la qualité de la prose est telle que les multiples trahisons des traductions par la Série Noire n’ont pas pu la vider complètement, c’est un peu elle qui nous a éduqué au roman noir de haute qualité.

    Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944  

    Marlowe est interrogé par la police 

    Marlowe qui n’a plus d’argent est engagé par le colosse Moose Malloy qui vient de sortir de prison pour retrouver son ancienne amoureuse, Velma qui a mystérieusement disparu. Il commence son travail, mais il va se trouver sollicité par Marriott pour récupérer un collier de Jade de très grande valeur. Les choses se passent mal, Marriott est tué. Marlowe va s’intéresser de près à la famille Grayle dont la femme Helen est la propriétaire du fameux jade. Dès lors les deux affaires vont se trouver liées. Tout en recherchant Velma, Marlowe enquête sur la disparition du collier et va tomber sur un certain Anthor qui lui aussi veut mettre la main sur le bijou. Drogué, battu, séquestré, Marlowe aura toutes les peines du monde pour faire avancer ses enquêtes, mais il va pouvoir compter sur l’aide de Ann Grayle qui déteste sa belle-mère et qui veut protéger son père qu’elle sait fragile car trop épris d’Helen. La confrontation finale résoudra du même coup les différentes énigmes, sans que les différents protagonistes s’en tirent nécessairement bien. Helen Mourra, Malloy aussi.

     Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944 

    Désœuvré, Marlowe s’est réfugié dans son bureau 

    La trame est assez fidèle au roman de Chandler. Mais Chandler n’aimait pas cette adaptation. Il est vrai qu’elle est assez mollassonne. Le rythme n’y est pas. Le peu de scènes en extérieur donne au récit une allure de pièce de théâtre. Ce n’est pourtant pas du tout un film à petit budget, les décors sont soignés et la distribution est plutôt relevée. Cela donne une suite de scènes juxtaposées sans trop de transition, avec pas mal d’incohérences comme cet abandon d’un collier de jade de 100 000 $ à la fin du film dans les mains de la police, ou le télescopage par Malloy interposé entre deux histoires au caractère pourtant très différent. Cependant le film n’est pas complètement raté. Il y a beaucoup de bonnes choses sur le plan cinématographique. La confrontation entre Malloy et Marlowe par exemple, ou les démêlées du détective avec la police. Parmi les figures novatrices, il y a le visage de Marlowe qui a été blessé d’un coup de révolver, affublé d’un énorme pansement qui le défigure. On retrouvera cette façon de faire dans de nombreuses productions du cycle du film noir, et elle sera reprise dans Chinatown de Polanski.

     Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944 

    Moose va lui proposer de rechercher Velma 

    La distribution est emmenée par Dick Powell dans le rôle de Marlowe. Il inaugure avec ce film sa participation au film noir qui se poursuivra, grâce notamment au succès de Murder my sweet, avec le film suivant de Dmytryk, Cornered et un peu plus tard avec Pitfall. Sans doute son physique un peu mou nuit-il à sa crédibilité. Il n’a pas le physique d’un dur, non plus que celui d’un séducteur. Il venait plutôt de la comédie musicale. Il sera par ailleurs remarquable dans The bad and the beautiful, le chef d’œuvre de Minnelli. Mais Marlowe n’a jamais trouvé d’interprète à sa hauteur. Bogart prendra la suite, puis Robert et George Montgomery, puis beaucoup plus tard James Garner, puis Elliott Gould, et enfin Robert Mitchum (deux fois). Beaucoup d’amateur de l’œuvre de Chandler pensaient que Mitchum était l’acteur le plus qualifié. Mais il n’interpréta ce rôle que vieillissant, et sur les deux films auxquels il participa, il y en a un dont l’action est transposée en Angleterre. Chandler quant à lui avait des idées assez précises, il aurait voulu que ce soit Cary Grant qui incarne son héros.

     Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944 

    Marriott demande à Marlowe de l’accompagner 

    Le reste de la distribution est assez chaotique. Certes il y a Mike Mazurki, ce géant à la figure étrange qui fera de nombreuses apparitions dans les films noirs. Son physique parle pour lui et peu importe de savoir s’il sait jouer la comédie. Il est particulièrement bien choisi. Il y a ensuite les femmes. D’abord une Claire Trevor vieillissante qui est sensée enflammer tous les mâles qu’elle croise. Elle est clairement trop âgée pour le rôle. Anne Shirley incarne Ann Grayle. Elle n’est pas mal, mais sans plus. Les canailles qui gravitent autour de cette affaires sont finalement mieux servies, que ce soit Douglas Walton qui joue le petit escroc Marriott ou Otto Kruger qui est le charlatan Amthor.

    Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944  

    Ann semble vouloir protéger son père 

    C’est un des tout premiers films noirs dans le cycle. Peut-être que cette réalisation souffre de ce qu’elle puisse être comparée au roman lui-même, et que la connaissance trop fine de l’œuvre de Raymond Chandler nuit à une appréciation plus juste. Mais outre qu’elle se voit tout de même sans trop d’ennui, elle intéressera nécessairement tous ceux qui se sont attaché à l’œuvre de Chandler et à son héros. En effet si les enquêtes de Philip Marlowe ont souvent été portées à l’écran, ce n’est pas seulement parce qu’elles avaient du succès en librairie, mais c’est aussi parce que dans l’écriture de Chandler il y a quelque chose de cinématographique, de visuel. On sent d’ailleurs très bien qu’il serait impossible que ces enquêtes se passent ailleurs qu’à Los Angeles. Michael Winner s’est risqué à ce genre de fantaisie en 1978 pour un remake de The big sleep avec Mitchum dans le rôle de Marlowe, mais ce fut une grande déception.

     Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944 

    Drogué et séquestré dans une clinique, Marlowe a des hallucinations 

    Un remake de Murder my sweet a été tourné en 1975 toujours avec Robert Mitchum dans le rôle de Marlowe. Ce fil prétendait à un plus grand respect de l’œuvre de Chandler, mais ce fut un fiasco sur le plan artistique et un succès très moyen sur le plan commercial. Cela nous laisse entendre que ce n’est pas une mince affaire que d’adapter Chandler à l’écran, et que probablement ce n’est pas demain la veille qu’on réussira ce tour de force. Sans doute cela provient il du fait que les récits de Chandler sont écrits à la première personne, ce qui leur donne une intimité que les adaptations cinématographiques ne possèdent pas. On se souvient que Robert Montgomery avait tenté dans Lady in the lake, de tourner cette difficulté en usant d’une caméra subjective avec un résultat mitigé[1].

     Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944 

    Le comportement d’Helen est ambigu

     Adieu ma belle, Murder my sweet, Edward Dmytryk, 1944 

    Marlowe prend les choses en main et décide de régler toute l’affaire


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/la-dame-du-lac-robert-montgomery-1947-a114844884

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