• Malavida réédite Bo Widerberg

    Malavida films est une maison de production de DVD qui réédite des films plus que rares, mais de très haute qualité. En ce moment ils se donnent à fond pour une ressortie d’un film complètement oublié et surtout invisible depuis sa sortie en France au tout début des années soixante-dix. Il s’agit d’un film de Bo Widerberg, Joe Hill qui va être projeté au Festival de Cannes le 19 mai.

    Malavida réédite Bo Widerberg  

    Bo Widerberg est un excellent cinéaste suédois dont seulement une filmographie partielle nous est parvenue en France. Ce qu’on en connait surtout, c’est l’aspect social, presque prolétarien, qui nous rappelle d’ailleurs que la Suède avant d’être le modèle de la social-démocratie, a été le théâtre de luttes sanglantes. Adalen 31décrit des conflits sociaux qui pourraient déboucher sur une révolution sociale. Elvira Madigan est une fausse histoire d’amour, une critique plus qu’acerbe des mœurs bourgeoises.

      Malavida réédite Bo Widerberg

    Bo Widerberg était fait pour réaliser un film en hommage à Joe Hill. Ce dernier est un martyre des luttes sociales aux Etats-Unis, un des héros véritables de l’underground américains. Membre du syndicat anarchiste et révolutionnaire IWW qui connut des succès importants et qui visait directement au renversement du capitalisme, il était aussi d’origine suédoise. Il fut victime d’un procès truqué, un peu comme les pendus de Chicago et fut exécuté en 1915. Sa condamnation avait d’ailleurs entraîné des manifestations importantes et violentes. Son souvenir a été perpétué en chansons par les chanteurs de folk songs, et Bob Dylan disait qu’il avait été une source d’inspiration décisive pour son activité. C’est Joan Baez qui interprète la ballade de Joe Hill dans le film. Tout ça pour dire que Bo Widerberg fut au début des années soixante-dix un cinéaste important dans cette fièvre qui s’empara de l’Occident et qui semblait ne vouloir jamais finir. Mais en dehors de ce contexte particulier, il faut se souvenir que les films de Bo Widerberg sont d’une qualité technique irréprochable, à la fois simples et très biens réalisés, dans lesquels le message ne masque pas l’humanité et la poésie.

    Malavida réédite Bo Widerberg

    Aujourd’hui on peut trouver 4 films de Bo Widerberg en coffret chez Malavida, soit en le commandant directement sur leur site, soit en allant jusqu’à leur « Boutika » 6 rue Houdon, 75018 Paris qui a l’air sympa. Le tout pour la modique somme de 48 €. Ça nous permettra de tuer le temps en attendant la sortie en DVD de Joe Hill pour la fin de cette année si on n’a pas la chance de le voir à Cannes. J’ose espérer que ce film recevra l’accueil qu’il mérite. Et que cela encouragera Malavida à nous donner d'autres films de Widerberg.

     

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  • James Ellroy, Perfidia; 2015

    Le nouvel opus de James Ellroy vient de sortir aujourd'hui. 848 pages, 24 euros chez Rivages. On aime ou pas. Ce n'est pas ma tasse de thé, et je ne suis pas arrivé à terminer son précédent roman Underworld USA. Mais tous les goûts sont dans la nature. Pourtant ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Ce qui m'agace c'est l'enthousiasme de commande des journalistes qui ont du avoir un service de presse et qui ne l'ont probablement pas fini. Parce que 848 pages bien tassées, il faut se les faire ! On trouve ainsi un article dithyrambique d'Alain Léauthier dans le dernier numéro de Marianne qui n'est pourtant pas le pire des hebdos. Il annonce la déferlante qui va suivre. Mais notre Léauthier ne s'arrête pas à l'hagiographie, emporté par son élan, il ne s'est même pas rendu compte qu'Ellroy avait dix ans de moins que ce qu'il prétend. Il lui donne 77 ans, alors qu'il est né en 1948 !! Les journalistes sont toujours pareils, ils se font agrafés sur des détails.

    James Ellroy, Perfidia; 2015

    Le reste de l'article est consacré toujours aux mêmes rengaines sur Ellroy, à sa méchanceté, sur le regard soi-disant critique qu'il porte sur l'Amérique. Il oublie aussi la publication antérieure d'un chapitre de ce livre sous le titre Extorsion, livre qui s'apparentait à une extorsion de fonds des lecteurs, puisque le livre entier paru finalement deux ans plus tard ! A défaut d'apprécier le livre, on appréciera au moins le lancement commercial ! Pour le reste attendez vous à voir déferler dans les jours qui viennent des éloges en tout genre, dans L'express, Le Point, Le FIgaor madame, eetc.

    James Ellroy, Perfidia; 2015

     

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  •  Toi le venin, Robert Hossein, 1959

    Souvent regardé comme un bon film noir à la française, Toi le venin est cependant un peu plus que cela. On se laisse emporté par la mécanique de l’intrigue, sans suffisamment prêté attention aux caractères. Soulignons tout de suite qu’il s’agit là d’une des meilleures adaptations cinématographique de l’œuvre de Frédéric Dard, celle qu’il signait de son nom dans la collection « spécial police ». Le film de Robert Hossein est donc indissociable du roman de Frédéric Dard, bien que celui-ci ne soit pas crédité au générique, il en suit parfaitement le découpage du roman.

      

    Toi le venin, Robert Hossein, 1959

    Le sujet est relativement simple, Un homme un peu dans la débine, plutôt vacant, va rencontrer une nuit une femme plutôt nymphomane qui le séduit à bord d’une voiture américaine. Mais il ne verra pas son visage. Assez perturbé par cette expérience, il va retrouver l’automobile, elle appartient à une femme qui vit avec sa sœur handicapée, clouée dans un fauteuil à roulettes, suite à une enfance mal soignée. Elles paraissent      assez riches, et l’opportuniste Pierre va s’incruster chez elles. Il est séduit autant qu’elles le sont. Mais ses projets matrimoniaux qui lui assureraient la matérielle vont être contrariés par le fait qu’il ne sait pas laquelle des deux sœurs est la nymphomane qu’il a croisé cette nuit fatidique. Evidemment tout cela finira très mal, sans qu’on sache vraiment ce qu’il y a derrière ces déclarations intempestive de chacun des protagonistes. Le roman est remarquable. Il se situe si l’on veut à mi-chemin des romans noirs américains neurasthéniques façon William Irish, et des intrigues à la Boileau-Narcejac ou à la Louis C. Thomas qui jouaient à la fois sur la psychologie des personnages et les rebondissements inattendus. C’est cette manière qui fut en son temps la spécificité de Frédéric Dard sous son nom au Fleuve Noir. A cette époque d’ailleurs ces « romans de la nuit » comme les nomme Dominique Jeannerod se vendaient tout autant que les San-Antonio, et en plus ils avaient la possibilité de s’adapter au cinéma. On ne dira jamais assez l’usage que Frédéric Dard fit du fauteuil à roulettes dans ses romans noirs sous différents pseudonymes ! C’était devenu presque une manie. Et que ce soit dans les San-Antonio ou dans d’autres Frédéric Dard – je pense notamment à Toi qui vivais – le handicap engendre un trouble érotique chez le héros.

     Toi le venin, Robert Hossein, 1959

    Pierre Menda croise la route d’une belle jeune femme en manque d’affection 

    Si le scénario apparaît assez traditionnel aujourd’hui dans ses ressorts, la réalisation est remarquable. Hossein joue parfaitement sur les ambiguïtés érotiques des deux sœurs, la sage Hélène et la sulfureuse Éva. Deux prénoms qui sont récurrents dans l’œuvre de Frédéric Dard. Plus encore, le handicap physique d’Eva la rend encore plus sensuelle ! Dans cette sorte de huis clos à trois personnages, on ne sait plus qui manipule qui. Les uns et les autres se croyant sans doute les plus malins mais pourtant succombant à une passion qui est d’abord une attirance charnelle. Car en 1959, la scène d’ouverture qui voit une femme belle et jeune s’exhiber nue dans une voiture était comme le souligne Marina Vlady dans ses mémoires d’une audace folle. Cet érotisme latent, souligné par la musique lascive, est ce qui donne son caractère si particulier au film : l’amour physique y devient une maladie et comme on n’échappe pas à son destin, il va de soi que les velléités des personnages de se conformer à la morale ordinaire sont vaines. Cet étrange trio exerce sur le spectateur une attirance sexuelle évidente. La presque gémellité des deux sœurs y est pour beaucoup.

     Toi le venin, Robert Hossein, 1959

    Il est séduit tout autant par les deux sœurs 

    Une des astuces du film est bien entendu de faire jouer les deux sœurs Éva et Hélène par les deux sœurs, Marina Vlady et Odile Versois. Et cela fonctionne très bien puisqu’elles se ressemblent beaucoup. Robert Hossein maitrise parfaitement les codes du film noir. Il faut dire qu’il est particulièrement bien aidé par la photographie de Robert Julliard, grand opérateur qui travailla entre autres avec Clouzot et René Clément. L’usage de la nuit, des ombres, des escaliers est tout à fait dans la tradition des grands films noirs américains. On n’a pas assez souligné les capacités de réalisateur de Robert Hossein. Sans doute parce que lui-même n’y croyait pas trop et qu’il a été descendu par les couillons de la Nouvelle Vague. Pourtant il utilise très bien la profondeur de champ, y compris pour souligner le caractère étouffant de la villa où les deux sœurs l’ont recueilli. Mais il y a aussi un montage très efficace qui donne beaucoup de modernité au film. Il ne dure qu’un peu plus d’une heure trente, avec une densité étonnante. Ça ne traîne pas ! Les décors sont ceux de la Côte d’Azur, filmée à une époque où celle-ci n’était pas complètement dégradée par le tourisme et la surpopulation. Nice était alors une ville provinciale où la douceur de vivre et la culture des fleurs dominaient.

     Toi le venin, Robert Hossein, 1959

    La mystérieuse Eva espionne Pierre et Hélène 

    L’interprétation est excellente. Avec en tête Marina Vlady, ici décolorée pour renforcer son image de garce minée par une jalousie maladive. Jusqu’ici elle n’avait joué que des rôles de jeune fille bien sous tous rapports, ou de sauvageonne. Et son physique très doux renforce l’ambiguïté du rôle. Elle était mariée à Robert Hossein à cette époque, et c’est lui qui à partir des Salauds vont en enfer mis en scène sa sensualité, bien avant Et Dieu créa la femme, elle représentait cette longue marche des femmes vers leur émancipation sexuelle. Robert Hossein est Pierre, une sorte de paumé qui prétend jouer sur les deux tableaux. Mais il se révélera finalement assez peu malin. Son rôle est, sur le plan psychologique du moins, très proche de Franck Chambers, le héros du Facteur sonne toujours deux fois. Il reprendra ce type de rôle un peu plus tard dans Le monte-charge. Là encore c’est un sujet de Frédéric Dard, et là encore il sera victime de ses illusions, quoique dans ce dernier cas il apparaîtra plus comme une victime que comme un manipulateur. Odile Versois, la sœur de Marina Vlady, complète ce trio. Elle représente tellement le côté sage et conforme à ce qu’on attend de la vie, de l’amour et de la famille qu’on pense pendant longtemps qu’elle est forcément coupable. C’est très réussi.

    Toi le venin, Robert Hossein, 1959 

    Derrière ces jalousies Pierre voudrait bien percer le mystère 

    La sortie de ce film en Blu Ray permet de rendre hommage à l’excellence de la photographie, et finalement de redécouvrir un film que les amateurs de Frédéric Dard connaissent de longue date et qui n’a pas vieilli. On y trouvera en prime une interview de Marina Vlady qui parle du film et des conditions de tournage.

    Toi le venin, Robert Hossein, 1959

    La belle Eva au sommet de l’escalier 

    Le film fut un énorme succès public. La musique lancinante et jazzy du père de Robert Hossein y était pour beaucoup. Pendant des années on pouvait l’entendre dans les juke-boxes ou dans les bals de village. Et les disques qui en furent tirés connurent eux aussi de beaux succès de vente.

     

    Toi le venin, Robert Hossein, 1959 

     

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  •  Les hommes, Daniel Vigne, 1973 

    Oublions le titre un peu bête de ce film et considérons qu’il s’agit d’abord d’une illustration de la guerre des gangs qui a sévi dans les années cinquante après arraisonnement du Combinatie, un bateau chargé de cigarettes, qui mis le feu dans le milieu corso-marseillais et qui s’acheva comme l’indique d’ailleurs le film au tout début des années soixante-dix. Bien entendu les noms ont été changés. Le sujet est écrit par Léo Carier qui est né à Marseille, à la Belle de Mai, et a fréquenté quelques voyous un peu huppés. Cela va donner une touche d’authenticité, justement ce qu’il manquait à La french par exemple. C’est donc un film qui se veut réaliste, même si son axe est une histoire d’amitié entre deux truands corses, Fantoni et Vinciguerra qui s’épaulent dans tous les coups durs. On ne saura pas vraiment si à la base de ces règlements de compte en série, il s’agit de malentendus ou de trahison.

     Les hommes, Daniel Vigne, 1973 

    Les cigarettes sont débarquées comme prévu en Corse 

    Manifestement la structure du récit est influencée par la littérature de José Giovanni. On y retrouve même le personnage de la petite fleuriste qui est sensé éveiller des sentiments amoureux chez un gangster qui est par ailleurs cruel et déterminé. Il y a également cette distance un peu ironique avec les fameux codes de l’honneur qui sont mis en avant par les voyous, mais qui servent tout aussi bien à d’autres visées. Il y a encore des flics plutôt malins qui poursuivent le but de voir des truands plus que chevronnés entre-tuer. C’est une manière pour eux de régler les vieux comptes. Le commissaire Maestracci est d’ailleurs à mi-chemin du commissaire Blot et du commissaire Fardiano, les flics du Deuxième souffle.

     Les hommes, Daniel Vigne, 1973 

    Fantoni semble amoureux de Nunzia la sœur de son ami Francis

    On peut donc dire que dès le départ il y a une bonne base pour faire un film de qualité, même si manifestement le budget n’est pas très important. Il s’agissait alors du premier film de Daniel Vigne qui obtiendra une bonne notoriété avec Le retour de Martin Guerre. C’est cependant un réalisateur principalement de fictions télévisées, et manifestement il n’est pas Jean-Pierre Melville. Le film n’est pas mauvais, certainement bien meilleur que La french. Ne serait-ce que parce qu’il prend au moins la peine de filmer Marseille, et aussi un peu la Corse, sérieusement, ce qui va donner du corps au film. Le film date de 1973, il a été tourné principalement au Panier, avec une escapade vers les Goudes. Au début des années soixante-dix, le Panier n’avait pas encore trop changé, il n’y avait que peu de chose à faire pour lui donner le parfum des années cinquante. Les vieux Marseillais reconnaîtrons le bar des Colonies, la montée des Accoules, ou encore la place de Lenche et son marché. Cependant, un manque de fluidité dans la réalisation nuit au propos. Par exemple, les scènes d’action sont tournées sans grande rercherche, bien trop vite expédiées à mon sens, ce qui ne permet pas d’en faire ressortir tout l’aspect dramatique. Même l’attaque du train n’est pas assez travaillée, elle aurait pu être l’équivalent de l’attaque du convoi dans Le deuxième souffle.

     Les hommes, Daniel Vigne, 1973 

    Nunzia a été enlevée, Fantoni et Vinciguerra vont la délivrer 

    L’interprétation est plus satisfaisante. Michel Constantin interprète un bandit corse, et curieusement ça fonctionne bien. Marcel Bozzufi est son alter ego, il n’a pas à se forcer pour jouer les truands corses, c’est naturel chez lui. Ce sont des habitués de l’univers de Melville et de Giovanni. Ils sont tous les deux très bons. Henry Silva joue le donneur d’ordres américain. Il n’a pas un trop grand rôle, il lui suffit de promener sa silhouette bizarre. D’autres rôles sont très intéressants comme par exemple Marco Perrin dans le rôle du commissaire Maestracci, ou Angelo Infanti qui jouait un garde du corps du Parrain dans le film de Coppola et qui interprète ici d’une manière convaincante Ange Leoni. Vittorio Sanipoli est Grisoni, une sorte de vieux truand qui met de l’ordre dans le bordel du milieu. Nicole Calfan a peut être moins d’utilité, après tout le film s’appelle Les hommes non ? L’ensemble fait penser assez aux films italiens de cette époque les « poliziotteschi ». Notez que si les coupes de cheveux ne sont pas trop en phase avec l’époque, par contre les costumes sont plus conformes et n’ont pas l’air d’avoir été fabriqués seulement pour le film. C’était pour nous rappeler que dans le temps les voyous faisaient aussi assaut d’élégance.

     Les hommes, Daniel Vigne, 1973 

    Le gang des blouses noires attaque un train bourré d’argent 

    Sans être un chef-d’œuvre, c’est un bon film plutôt réaliste sur la vie des bandits dans ce milieu corso-marseillais de légende. Certes il ne s’agit pas non plus d’avoir un récit rigoureux de l’affaire du Combinatie, ce n’est pas le but, et il y manque sans doute une dimension tragique pour en faire un très grand film.

     Les hommes, Daniel Vigne, 1973 

    Le vieux Grisoni tente d’apaiser les tensions entre Ange et Vinciguerra

     Les hommes, Daniel Vigne, 1973 

    Fantoni qui se cache retrouve Vinciguerra

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  •  Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949

    Inspiré d’une nouvelle de William Irish (Cornell Woolrich), il rappelle un peu par certains éléments Rear windows d’Hitchcock, lui aussi basé sur une nouvelle de William Irish. C’est l’histoire d’un gosse de 8 ans qui a l’habitude de raconter des histoires abracadabrantes et donc ses parents ne le croient plus. Comme il fait chaud, il décide d’aller dormir sur l’escalier de secours. Mais de cet endroit, il va être le témoin d’un meurtre, pour de l’argent les Kellerson assassine un homme et s’en vont planquer son cadavre au cœur d’un immeuble désaffecté qui menace de s’effondrer. Tommy raconte ce qu’il a vu à sa mère qui ne le croit pas et l’envoie bouler. En désespoir de cause, il va jusqu’au commissariat pour dénoncer les Kellerson. La police ne le croit pas plus, mais les Kellerson sont alerté par la mère de Tommy qui a la très mauvaise idée d’exiger de son fils qu’il aille s’excuser auprès des Kellerson. Tommy se retrouvant seul, son père part travailler, sa mère se rend au chevet de sa sœur, les Kellerson projettent de lui régler son compte en provoquant un accident. Mais finalement Tommy échappe à ce nouvel attentat et se sont les Kellerson qui sont défaits.

     Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949

    Tommy se fait remonter les bretelles pour avoir prétendu déménager auprès de ses copains 

    C’est un excellent film noir, certainement le meilleur de Tetzlaff qui a surtout été un directeur de la photographie. Ce n’est pas tellement le sujet qui retient l’attention, mais son traitement. En effet, l’action se déroule dans un quartier plutôt pauvre où abondent des immeubles en démolition. Les enfants sont livrés à eux-mêmes et les parents sont saturés de problèmes quotidiens, à commencer par cette nécessité de travailler. Le père n’a qu’un emploi de nuit. Tommy assiste à un meurtre manifestement pour des raisons de pauvreté : les Kellerson n’ont trouvé que ce  moyen pour régler leurs problèmes de la vie quotidienne.

     Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949

    Les parents de Tommy le consignent dans sa chambre 

    La première chose qu’on remarque dans ce film c’est l’utilisation des décors très réalistes qui expriment une forme latente de misère et de désespérance sociale. Les enfants jouent dans les rues et les parents plutôt surchargés n’ont guère le temps de s’en occuper. Livrés à eux-mêmes ils inventent des jeux qui peuvent tourner mal. La pauvreté est à tous les niveaux, et on comprend que si les Kellerson sont des assassins, ils le sont aussi par nécessité biologique. Le quartier est délabré, probablement en reconstruction. Et c’est ce délabrement qui est à la fois le lieu du drame – les Kellerson cachent le cadavre dans une partie de l’immeuble qui va s’effondrer – mais aussi la possibilité de jeux pour les enfants. On voit que ce film dépasse le simple film noir, c’est aussi l’appropriation de la ville par un enfant. La confrontation de deux mondes, celui de l’enfance et celui des adultes, est d’ailleurs très explicite, il n’y a pas de passerelles entre les deux. C’est une incompréhension totale, quels que soient d’ailleurs les efforts que les parents font. Le père du petit Tommy se force à la patience, mais ça ne lui sert pas beaucoup à comprendre le drame qui se joue. Finalement celui qui comprend le mieux l’enfant, c’est l’assassin ! Je ne dis rien de la police qui est complètement à côté de la plaque. Si bien que l’enfant ne peut compter quasiment que sur lui-même ! C’est comme si les adultes l’avaient abandonné !

     Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949

    Mais Tommy s’en va dormir sur l’escalier de secours 

    L’interprétation est excellente. Le petit Tommy bien sûr, interprété par Bobby Driscoll qui était à l’époque spécialisé dans les rôles d’enfants délurés. Le film est construit autour de lui. Mais il est encadré par des vieux routiers comme Arthur Kennedy qui interprète son père, ou Paul Stewart dans le rôle de l’assassin. Ce sont des seconds rôles qui ont souvent fréquenté le film noir. Les femmes aussi sont très bien. Barbara Hale, la mère de Tommy, est l’exact opposé de la sulfureuse Ruth Roman, complice d’un assassinat sordide.

    Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949

    Les Kellerson pensent que leur crime n’a pas eu de témoin 

    C’est un film nocturne, presque l’inverse de Fenêtre sur cour adapté par Hitchcock toujours de William Irish. Le film de Tetzlaff contrairement à celui d’Hitchcock n’a pas de glamour, les acteurs sont rudes, prolétariens, ils n’arborent pas ce profil lisse, hollywoodien de l’insipide James Stewart et de la pâle Grace Kelly. Les décors n’ont pas cette propreté bourgeoise qu’on retrouve dans tous les films d’Hitchcock. Ils manifestent de la crise du logement qui sévissait encore à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. On appréciera les scènes de rue, notamment quand les parents de Tommy l’accompagnent pour lui démontrer qu’il n’a rien à craindre et que sa mère doit bien aller au chevet de sa propre sœur.  Ces scènes semblent avoir été filmées à même la rue, sans que les passants en soient complices. Et bien sûr cela apporte un accent de vérité intéressant.

    Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949

    Les parents de Tommy l’emmènent vérifier que l’oncle Charly a bien envoyé un télégramme 

    Le film dure à peine une heure et quart, mais ce n’est pas le suspense qui importe ici. On se doute bien que le petit Tommy va s’en sortir, parce qu’il est astucieux et parce qu’on est de son côté ! Ce qui compte c’est plutôt cette perte de l’innocence. Tommy passe du mensonge comme jeu, à la nécessité de respecter les règles édictées par les adultes. Et on comprend que cela lui est douloureux. Pour ma part je donnerais bien tous les films d’Hitchcock pour ce petit film de Tetzlaff ! Pour ceux qui ne le connaissant pas encore, ils auront la chance de découvrir non pas un chef d’œuvre, mais un film noir très original bourré de qualités sur lesquelles le poids des ans n’a eu guère de prise.

     Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949

    Les Kellerson veulent faire un mauvais sort à Tommy

    Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949 

    Tommy est sain et sauf

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