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    Pour une fois le titre français est bien meilleur que le titre américain. On sait tous que les hommes politiques ou qui fricotent aux alentours sont plus ou moins pourris. Mais à mon avis la palme revient de loin à cette canaille de J. Edgar Hoover. Il est le concentré de tout ce qui est détestable chez un être humain. Menteur, corrompu, hypocrite et manipulateur, il fut le grand patron du FBI pendant une quarantaine d’années. A cet égard il a été un des hommes les plus puissants qui ont fait l’Amérique. Pendant des années et des années il a couvert les activités de la mafia qui par ailleurs le faisait chanter à cause de son homosexualité. Il a saboté l’enquête sur l’assassinat des frères Kennedy.

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    Hoover et son amant Clyde Tolson qui était aussi son second au FBI 

    Sous le couvert de développer une police fédérale, il a de fait mis en place une police politique qui travaillait au développement des idées d’extrême-droite. Un seul exemple suffit. Quand les frères Kennedy sont arrivés au pouvoir en 1960, Hoover qui les détestait, leur disait que le point le plus important était la lutte contre le communisme. Or évidemment à cette époque le Parti communiste américain qui n’a jamais été très important avait vu ses effectifs fondre. Ses membres étaient évalués à 8000, autant dire un groupuscule, et Robert Kennedy disait que la moitié au moins de ses membres étaient des agents du FBI. Il exagérait à peine. En tous les cas, à cette époque, à New York, le FBI comptait 400 agents attachés à  la lutte contre le communisme, et seulement 4 agents attachés à la lutte contre le crime organisé, la mafia. Hoover prétendait que celle-ci n’existait pas.

    Et toute la carrière de ce sinistre individu était de ce tonneau. On sait aussi que c’est lui qui sabota l’enquête sur la mort de Marilyn Monroe. Et la question qui se pose est : pourquoi une telle canaille a-t-elle pu rester aussi longtemps à la tête d’un organisme aussi puissant ?

    La réponse est double : d’abord parce qu’il avait des dossiers sur tout le monde. Il avait compris le premier l’importance du chantage. Homosexuel lui-même, ça ne le gênait pas du tout d’accumuler les preuves de l’homosexualité d’autrui pour les manipuler. Et ça ne le gênait pas non plus d’afficher une morale chrétienne rigoriste. Mais il avait aussi un sens certain de la publicité : il mettait en scène les arrestations de bandits comme Dillinger pour s’en attribuer le mérite, même s’il n’a jamais été un agent de terrain, et pour cause, son physique ne lui permettait pas. Petit et malingre, il n’a jamais arrêté qui que ce soit. Il supervisait également les films à la gloire du FBI, allant même jusqu’à y apparaître pour leur donner un accent de vérité. Pour tout cela le public l’adorait et les politiciens le craignaient.

    Hoover était très raciste, proche on l’a dit du Ku-Klux Klan. Mais il se murmurait aussi que sa haine des noirs – dont il freina longtemps le recrutement au FBI – venait de ce qu’il avait du sang noir dans les veines !! Une vraie caricature !

    On sait un peu tout ça. Le livre d’Anthony Summers qui a été une source importante d’inspiration pour le roman de Marc Dugain, fourmille évidemment d’anecdotes qui donnent une allure assez répugnante à la politique. Il n’est pas étonnant que ce personnage hors du commun ait été l’objet de nombreux ouvrages. On appréciera particulièrement l’analyse des relations d’Hoover avec la mafia et les pétroliers texans – Summers suggère que Hoover a eu un rôle important dans le meurtre de Martin Luther King. La fin est également pathétique. Même gâteux Hoover restait à son poste et inspirait la crainte à tous les présidents qui n’arrivaient jamais à s’en débarrasser. Sa mort non plus n’est pas claire, il n’y a pas eu d’autopsie, mais Summers affirme qu’il courait des rumeurs à Washington avant le décès d’Hoover qu’il allait être empoisonné ! Evidemment tous ses dossiers secrets ont disparus. Helen Gandy, sa secrétaire avait fait le ménage. Il est possible que tous les dossiers n’aient pas été perdus pour tout le monde et qu’un jour on les retrouve.

    Anthony Summers détaille la complexité des hommes et des femmes qui entouraient Hoover. Il s’attarde sur Clyde Tolson, le dépeignant comme une sorte de parasite qui avait pour principale fonction de traquer les employés du FBI qui avaient plus ou moins fauté. Mais d’Helen Gandy, on ne sait rien, pourtant Hoover lui faisait totalement confiance et c’est elle qui avait la clé du coffre où s’empilaient les secrets plus ou moins ragoutant.

    En France on est habitué aux turpitudes et aux hypocrisies de notre classe politique, mais cela semble presque bénin par rapport à ce qui a pu se passer aux Etats-Unis. On est fasciné de voir les moyens que le FBI mettait en place pour infiltrer et briser les mouvements de gauche, l’acharnement à détruire des personnes qui ne lui plaisait pas, comme par exemple Jean Seberg l’actrice qui était aussi l’épouse de Romain Gary.

    Le portrait de Lyndon B. Johnson est particulièrement savoureux, que ce soit pour ses accointances mafieuses, ou pour sa vulgarité. En parlant d’Hoover, il disait que c’était un putois et qu’il valait mieux l’avoir à l’intérieur de la tente pour qu’il pisse dehors, plus qu’à l’extérieur pour qu’il pisse dedans ! Johnson faisait le malin, mais Hoover le tenait par les couilles. Johnson comme Hoover était habité par une sorte de paranoïa, craignant en permanence de se faire assassiner.

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    Helen Gandy, la secrétaire inamovible d’Hoover 

    Les passages les plus intéressants de ce livre sont relatifs à la chasse aux sorcières où l’on voit Joseph McCarthy en créature de Hoover qui était un des instigateurs les plus importants de cette ignominie. On ne sait pas quelles étaient les convictions véritables d’Hoover sur le plan politique, et si son anticommunisme était sincère ou seulement destiné à la galerie et à s’attirer les faveurs de ceux qui l’employaient, comme par exemple les pétroliers texans dont il était très proche. Ce qu’on sait c’est qu’il avait des accointances dans les milieux d’extrême-droite et qu’il s’arrangeait pour recruter des agents de la même couleur politique que lui.

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    Joseph McCarthy et Roy Cohn, les créatures d’Hoover 

     

    Ainsi pendant des années le FBI a influencé la politique des Etats-Unis, par exemple en faisant chasser les enseignants de l’université qu’il trouvait trop à gauche. On remarque d’ailleurs que cela allait de pair avec le développement des théories économiques libérales enseignées à l’Université de Chicago. Il ne faut donc pas sous-estimer Hoover, c’était peut-être un clown, mais il a joué un rôle inégalé dans la transformation de l’Amérique. 

    Ce sinistre personnage apparaît plusieurs fois dans les ouvrages de James Ellroy, exactement pour ce qu'il était, un manipulateur et un salaud. 

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  •  la-part-des-lions-1.png

    Je suppose que ce film est une sorte de suite à celui de Sergio Gobbi, Le temps des loups qui avait connu un succès satisfaisant. Produit par la firme de Sergio Gobbi, Paris-Cannes-Production, réunissant les mêmes acteurs, Hossein, Aznavour, Minski, on retrouve Georges et André Tabet au scénario, en compagnie de Larriaga. Coproduction franco-italienne, il incorpore aussi une vedette italienne, Elsa Martinelli,  comme dans le temps des loups nous avions Virna Lisi. Le film joue de la même manière des oppositions entre les deux principaux protagonistes, Hossein et Aznavour. Dans le premier ils étaient ennemis, bien qu’ils aient été élevés ensemble, l’un truand, l’autre policier, dans celui-ci ils sont amis, mais l’un est un intellectuel rêveur Eric Chambon et l’autre un truand sorti du rang par la violence. Il y a donc une volonté de continuité. C’est toujours l’enfance qui les réunit.

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    Maurice et Eric vont rendre visite à l’homme qui les a élevés

    Eric Chambon, un homme un peu dépressif, vient de recevoir un important prix littéraire, mais les mondanités l’énervent et il s’en va rendre visite à une vieille personne, un ancien résistant qui l’a élevé avec Maurice Ménard qu’il n’a plus revu depuis longtemps. Mais le hasard faisant bien les choses, il revoie son vieux copain à l’hospice où leur père adoptif termine ses vieux jours. Ils ne se parlent guère, mais ils vont se retrouver rapidement pour l’enterrement. Renouant des relations anciennes, Eric comprend que Maurice est en fait un gangster. Plutôt solitaire, il travaille néanmoins avec Marcati. Mais le coup qu’ils projetaient avorte. Eric a donc l’idée de cambrioler la banque qui se trouve juste en face de chez lui où il possède un coffre individuel.

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    Ils se retrouvent à l’enterrement 

    Le coup réussi plutôt bien, sauf que dans la fuite un photographe ambulant prend un cliché de la main de Maurice. Dès lors la police est sur les dents. Les problèmes abondent car David qui craint qu’Eric ne parle à la police veut le descendre, d’autant qu’il s’apperçoit que celui-ci est surveillé par la police. Mais Maurice intervient, et David meurt. Maurice comprend qu’il vaut mieux qu’il s’éloigne pour un petit moment de la capitale. Pendant ce temps Grazzi mène son enquête et jouant avec les nerfs d’Eric, il pousse celui-ci à le conduire jusqu’à la maison de Marcati. Les gangsters s’enfuient, mais sont rapidement coincés dans la maison d’enfance de Maurice et Eric. C’est évidemment la fin. Si Eric ne sera que blessé, Maurice est tué par la police et Marcati se suicide.

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    Le gang braque la banque en face de chez Eric

    C’est un scénario qui se tient tout à fait bien et qui parfois lorgne du côté de Melville, notamment dans la scène du hold-up, ou les premières retrouvaillent chez Marcati. L’analogie est d’autant plus frappante, que Larriaga utilise Raymond Pellegrin et Michel Constantin, deux anciens du Deuxième souffle. C’est mieux filmé que Le temps des loups, il y a une meilleure prise en compte de l’espace et des décors naturels. Le rythme est bon.  L’histoire recèle des bonnes idées, à commencer par le personnage d’Eric Chambon, écrivain dépressif qui préfère la vie dangereuse des voyous à celle confortable d’auteur à succès. Homme solitaire, il est manifestement à la recherche d’une famille. C’est un intellectuel et c’est lui qui a l’idée d’utiliser des faux cadavres dans le hold-up pour faire peur aux employés de la banque. C’est cette intellectualité qui sera aussi sa perte car elle le fera tomber dans le piège grossier tendu par Grazzi.

    Les autres personnages sont un peu plus classiques, des truands ordinaires. Contrairement au Temps des loups, le personnage de Robert Hossein manque un peu consistance. En effet, si on comprend bien que son but dernier n’est pas l’argent, ses motivations restent tout de même assez obscures.

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    Maurice est obligé de tuer l’irascible David

    Il y a pas mal d’idées intéressantes dans cette histoire à laquelle Jean Larriaga a essayé de donner un accent réaliste, comme ces visites des deux héros à leur père d’adoption. Ou encore cet appartement vide où Maurice est censé vivre et où on ne trouve ni meubles, ni objets personnels. Le truand se veut libre de toute attache et conserver la possibilité de s’enfuir rapidement si les choses tournent mal. Cela sera repris directement dans Heat le film de Michael Mann, bien qu’on ne sache pas s’il s’est inspiré de La part des lions, à moins qu’il y ait d’autres références que je ne connais pas.

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    Maurice annonce à Annie qu’il va devoir s’éloigner 

    Film typique des années soixante-dix, il y a un passage assez savoureux sur les relations de la population avec la police. Quand Grazzi réquisitionne le conducteur d’un engin de démolition pour enfoncer la maison où les gangsters se sont réfugiés, son collègue l’incite à ne pas coopérer. Il n’a pas tord parce que de vouloir aider la police amènera le chauffeur à avoir les jambes écrasées. Du reste les méthodes musclées et sournoises qu’utilise Grazzi pour faire avancer son enquête apparaissent un peu contestable.

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    Grazzi mène son enquête tambour battant

    Le casting est intéressant. Cette fois Charles Aznavour qui incarne l’écrivain, a un rôle un peu plus développé, mais c’est le personnage de Robert Hossein qui paraît cette fois insuffisamment développé. Les deux acteurs sont très bons. Mais Raymond Pellegrin dans le rôle de Ma  rcati est aussi excellent. Il incarne un personnage proche de celui qu’il interprétait dans Le deuxième souffle, et on remarque qu’il n’avait pas besoin de Melville pour se révéler un grand acteur. Michel Constantin est moins bien utilisé, mais peut-être cela vient-il de ce que son rôle n’est pas assez développé. En tous les cas malgré sa présence physique, il paraît presque banal. Quant à Elsa Martinelli dont la carrière s’étiolait, elle ne fait qu’un courte apparition.

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    Les gangsters se réfugient dans la maison délabrée

     

    Au moment de sa sortie, la presse avait salué le film, et plus particulièrement la prestation de Charles Aznavour. Mais contrairement au Temps des loups, le public avait boudé, du moins en France. Quarante années ont passé. Sans atteindre le statut de « classique », le film tient assez bien la route et n’a pas trop vieilli. En dehors de ce film, Jean Larriaga n’a pas fait grand-chose pour le grand écran, il tournera deux ans plus tard Un officier de police sans importance, sur un scénario de l’acteur Marc Porel, toujours avec Robert Hossein qui acceptera un rôle secondaire. Ensuite il se tournera vers la télévision. Peut-être peut on expliquer l’échec de La part des lions par les hésitations entre « film noir » et « film de gangsters », le scénario n’atteignant pas la tragédie comme dans Le temps des loups.

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    Grazzi leur annonce qu’ils sont cernés

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    La maison d’écroule et Eric est blessé

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    Maurice est abattu sans sommation par la police

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  •  le temps des loups 1

    Pour ceux qui pensent que le film noir à la française n’a jamais existé, ce film démentira cette idée trop convenue. Et à une époque où il est de bon ton de trouver du vertu au cinéma de Georges Lautner, on peut finalement trouver quelques qualités à certains films de Sergio Gobbi.

    Robert est un bandit qui rêve d’égaler les exploits de John Dillinger. Il monte des coups très audacieux avec une bande qui lui est particulièrement dévouée. Après avoir cambriolé une bijouterie, ils doivent affronter une autre bande de malfrats qui prétend les arnaquer. La bataille est sanglante et laisse plusieurs bandits sur le carreau. Pendant ce temps, le commissaire Kramer qui a été à l’école avec Robert, est chargé de le capturer. Mais Robert le nargue.

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    Robert et ses amis doivent échanger les diamants contre de l’argent 

    Toute la bande décide de partir se payer du bon temps sur la Côte d’Azur. Et c’est en allant flamber au casino – Robert aime la roulette mais aussi le chemin de fer – qu’il va rencontrer Stella. Une fille à voyou qui aime être éblouie par des hommes audacieux. Pendant ce temps Kramer fait chanter un patron de cabaret pour lui soutirer des renseignements et arriver à localiser Robert. Il va débarquer à Nice.

    Mais la passion ne suffit pas à nourrir son homme, et Robert décide de faire un dernier hold-up, piller le convoi qui ramène l’argent des autoroutes à péage. Mais le hold-up ne se passe pas tout à fait comme prévu, la moitié de la bande est tuée. Robert, Stella et Albert se réfugient dans une auberge où ils prennent les aubergistes en otage. Mais la patronne arrive à prévenir la police. Il est trop tard, ils n’ont plus le temps de s’échapper, une fusillade éclate, Albert et Stella sont tués, Robert est arrêté.

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    Robert prend du plaisir à narguer Kramer

     

    Kramer va essayer d’interroger Robert, mais celui-ci est désemparé par la mort de Stella. Il ne dira rien. Mais après une audition devant le juge d’instruction, Robert s’évade du palais de justice en se déguisant en avocat. Il erre dans Paris à la recherche d’aide pour fuir. En allant voir un ami qui tient un cabaret – le même qui l’a balancé d’ailleurs auprès de Kramer, il va tomber sur Geneviève. Elle lui dit toute son admiration et se propose de l’aider. Mais c’est cela même qui va causer sa perte, car sans le savoir elle ramène avec elle la police et Kramer qui finira par tuer Robert.

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    C’est en allant flamber au casino que Robert va tomber amoureux de la belle Stella

    C’est un bon scénario, il y a du mouvement, de l’action – deux hold-up, un règlement de compte – et toute une galerie de personnages plus vrais que nature. Mais surtout il y a une vérité des situations et des caractères. Stella, Geneviève, sont des filles à voyous, qui se moquent des risques, tant elles sont attirés par des hommes différents et rebelles. Les voyous produisent eux-mêmes leur propre récit : Marco est le compagnon de Robert dont il retranscrit fidèlement les aventures, pensant qu’un jour on le lira. Les voyous flambent leur fric au casino et sont mis en mouvement par ce flot d’adrénaline qui les poussent à se dépasser dans des aventures risquées. Ce ne sont pas des sortes de petits entrepreneurs comme ceux qu'on avait l'habitude de voir avec Jean Gabin. Le portrait de Kramer en tant que flic nostalgique de son amitié avec Robert est nettement moins intéressant, il est larmoyant et assez faux.

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    Stella est une fille  à voyou, elle aime le risque et le jeu 

    Je suppose que ce film a eu un budget confortable car le casting est plutôt relevé. C’est évidemment Robert Hossein qui porte le film sur ses épaules. Et effectivement il a tout à fait l’allure d’un voyou du midi de la France, il en a aussi la démarche et les gestes. Il est très bien. C‘est grâce à lui surtout que le film eut un bon succès. Charles Aznavour est Kramer, mais il n’est qu’un second rôle, une sorte de faire valoir. Virna Lisi – coproduction franco-italienne oblige – est Stella. Si elle a tout à fait la silhouette de son personnage, elle n’est pas aussi éclairante que dans ses autres films. Dans des seconds rôles son reconnaîtra Madeleine Sologne qui joue la mère de Robert. Marcel Bozzufi est Marco, et Felix Marten celui qui trahira Robert. Une mention spéciale doit être décernée  à l’étonnant Albert Minski.

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    Kramer fait chanter un patron de cabaret pour obtenir des renseignements sur Robert 

    Tout est donc en place pour faire un bon film noir. Et d’ailleurs Sergio Gobbi qui est aussi le scénariste, a plein d’idées, comme par exemple l’évasion de Robert qui saute par la fenêtre du tribunal où on l’interroge. Cela ressemble à l’évasion de Spaggiari, sauf que celle-ci eut lieu sept ans plus tard ! Egalement la rencontre de Robert avec Geneviève est une scène clé du film. L’idée de faire participer Stella au dernier hold-up est aussi tout à fait bienvenue. Mais évidemment les bonnes idées ne sont pas suffisantes pour faire un bon film. Sergio Gobbi n’est pas un grand technicien – mais Lautner non plus n’est-ce pas – il peine à donner le rythme. De ce point de vue la deuxième partie, à partir du moment où tout devient de plus en plus difficile pour Robert – est plus soutenue que la première. Le règlement de compte avec la bande qui veut arnaquer Robert est filmé d’une manière peu convaincante. Les hold-up sont un peu mieux mis en scène, notamment le deuxième où Sergio Gobbi a manifestement retenu les leçons de Melville dans Le deuxième souffle.

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    Le dernier hold-up auquel participera Robert est particulièrement sanglant 

    Des scènes inutiles sont rajoutées, comme ces images du temps où Robert et Kramer jouaient ensemble dans la cour de l’école aux gendarmes et aux voleurs. Mais le plus souvent il a du mal à faire le cadre d’une manière satisfaisante. Cela manque souvent de profondeur de champ.

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    La police tuera finalement Stella 

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    Kramer a coincé Robert

     

    Bien sûr ce n’est pas un grand film, mais c’est un film qui se revoit assez volontiers, sans ennui, plus de quarante ans après. Cela aurait pu être un excellent film noir si le scénario avait été un peu plus travaillé – il y a trop de dispersion – et bien sûr un peu plus d’application sur le plan de l’écriture cinématographique. En tous les cas, Sergio Gobbi a tout fait sur ce film puisque non seulement il en a imaginé l’histoire qu’il a scénarisée avec André et Georges Tabet, il l’a réalisé, mais il l’a aussi produit.

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    Robert s’évade à la manière de Spaggiari

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    Evidemment Robert ne peut pas gagner

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  • Kirk Douglas spatacus 1

    Spartacus est un film clé dans l’histoire d’Hollywood. Kirk Douglas qui en a été à l’origine a bien raison de lui consacrer un livre. Non seulement l’histoire présentée par le film est tout à fait subversive à l’époque, elle va à l’encontre des canons du cinéma positif et réactionnaire, mais en outre, le film jouera un rôle décisif dans la fin des listes noires à Hollywood, et par là ouvrira la voie à un renouveau cinématographique qui allait perdurer tout au long des années soixante et soixante-dix. C’est à partir de là qu’on va voir des films un peu plus engagés « à gauche », puisqu’Hollywood était très largement à droite. A ce moment là Kirk Douglas est au sommet de sa gloire, et il vient de connaitre un énorme succès mondial dans Les vikings, film qu'il avait également produit.

    Dans le numéro de novembre de Positif, l’inénarrable Michel Ciment, qui a passé son temps à défendre l’indéfendable Elia Kazan, ne comprend pas très bien le sens de cet ouvrage. Il dénonce pêle-mêle, l’ego surdimensionné de Kirk Douglas, sa propre interprétation de la chasse aux sorcières, et encore le fait que Kirk Douglas ne donne pas plus d’importance à Stanley Kubrick. On pourra l’instruire un peu en lui rappelant que la chasse aux sorcières commence bien avant la Guerre froide, avant même l’entrée en guerre des Etats-Unis dans le conflit contre les puissance de l’axe et quelle a des objectifs différents de ceux de la Guerre froide : il s’agit d’une contre-révolution dans la culture populaire. Le fait que Kirk Douglas ne donne pas vraiment d’importance à Stanley Kubrick vient principalement du fait que Spartacus est d’abord le projet de Kirk Douglas, et ni celui d’Anthony Mann, ni celui de Kubrick.

    1960 est une année charnière, non seulement sort Spartacus qui va être un immense succès, mais aussi Exodus, autre film scénarisé par Dalton Trumbo et réalisé par le grand Otto Preminger avec Paul Newman, et qui connaitra aussi un grand succès populaire dans le monde entier. C’est aussi vers cette époque que l’antisémitisme commence à refluer aux Etats-Unis, et d’ailleurs que commence la lutte pour les droits civiques des noirs. C’est l’année de l’élection de John F. Kennedy qui symbolise ce tournant. 

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    Kubrick dirigeant Kirk Douglas 

    Mais pourquoi ce film a représenté autant de difficultés ? Aujourd’hui, il nous paraît assez banal dans son propos. Mais à l’époque il développait deux idées qui apparaissaient comme subversives : l’exaltation de la collectivité par rapport à l’individu (« I am Spartacus » renvoie à l’image de ses esclaves qui s’approprient collectivement le nom de Spartacus qui va mourir, comme d’un symbole), mais également un antiracisme virulent, représenté par Draba, le géant noir interprété par Woody Strode.

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    Kubrick sur le tournage de Spartacus 

    Kirk Douglas qui a fait une des plus belles carrières à Hollywood, a toujours eu une conscience de gauche assez marquée, sans être un révolutionnaire. Et très tôt il a pu choisir ses films, s’impliquant en tant que producteur dans des productions risquées, comme Les sentiers de la gloire, toujours avec Kubrick.

    L’ouvrage est très bien écrit, même si c’est seulement à 95 ans que Kirk Douglas a entamé sa rédaction. C’est à la fois la retranscription d’un long cheminement semé d’embûches, c’est presque trois ans qu’il fallut pour que le film voit le jour. Et cela dans un climat assez difficile. Il fallut faire face à des difficultés financières, le budget s’alourdissant tous les jours un peu plus à cause des dépassements. Mais il y eut aussi de nombreuses difficultés artistiques. Il fallut remplacer Anthony Mann, et Kirk Douglas ne s’entendit pas très bien avec Stanley Kubrick. Il l’avait déjà engagé sur une autre de ses productions, Les sentiers de la gloire, et le trouvait plutôt génial en tant que réalisateur. Mais Spartacus était son projet, et il dût intervenir parfois violemment contre Kubrick pour lui faire comprendre qui était le patron. Notamment Kubrick avait coupé la scène où l’ensemble des esclaves répète I am Spatacus – ce qui lui valut de recevoir une chaise sur le coin de la figure. Le portrait qu’il dresse de Kubrick est plutôt sans concession. Il le présente comme un arriviste, allant jusqu’à se proposer pour endosser la paternité du scénario, à cause des difficultés que Trumbo avait aves les guignols de l’HUAC. 

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    Spartacus, film à grand spectacle demanda une mise en place soignée des figurants 

    Quand Spartacus fut sur les écrans, une page était tournée – même si la version sortie à ce moment-là avait été édulcorée par Universal qui craignait le boycott de l’American Legion. En effet un nouveau président – John F. Kennedy – venait d’être élu et les conneries de l’HUAC paraissaient maintenant ringardes. Kirk Douglas rappelle qu’au moment de la sortie du films la grand majorité des Américains pensaient que la chasse aux sorcières était une stupidité.

    Outre l’analyse du contexte  politique, l’ouvrage de Kirk Douglas est très intéressant aussi sur la manière dont les studios fonctionnaient, et sur la façon dont des individus comme Kirk Douglas, Burt Lancaster et quelques autres se sont progressivement émancipés de cette tutelle. 

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    Kirk Douglas lors de la présentation de Spartacus dans une version restaurée en 2012 

    Contrairement au vieux Michel Ciment de Positif, je trouve que ce livre est très utile et passionant, non seulement pour toutes les raisons que nous avons dites ci-dessus mais parce qu’il démontre que Spartacus c’est plus un film de Kirk Douglas – producteur et acteur – qu’un film de Stanley Kubrick. La vieille politique des auteurs en prend un coup. Du reste Stanley Kubrick lui-même ne le retenait pas dans sa propre filmographie. Et puis c’est aussi la démonstration que pour faire de grands films il faut aussi avoir un sacré caractère !

     

    Aujourd’hui, 9 décembre 2013, Kirk Douglas a 97 ans. 

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    Le sheriff Tawes exerce dans une petite ville du Tennessee, une bourgade en perdition, pauvre et déglinguée, les ouvriers complètent leurs revenus en faisant les bouilleurs de cru. Tawes s’ennuie, il est las de la vie qu’il mène, de sa femme et de sa famille. Un jour un tombe sur Alam McCain, une jeune fille qu’il arrête parce que son petit frère conduisait une camionnette d’une manière un peu dangereuse. Il la laisse filer, mais il va peu à peu tomber amoureux d’elle. Tawes est un homme un peu vieillissant. Mais c’est aussi le moment que choisissent les fédéraux pour s’en prendre aux fabricants clandestins d’alcool. Il lui faut participer à la chasse, alors qu’il ne rêve que de partir avec Alma. Son adjoint, Hunnicutt, est plutôt jaloux et le surveille. Tout cela finira plutôt mal, Hunnicutt qui essaie de violer Alma sera tué par le père McCain, Tawes dissimulera le corps. Mais Alma préférera partir avec sa famille et le shérif se retrouvera tout seul.

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    Tawes croise la route d’Alma

     John Frankenheimer est un cinéaste sous-estimé, mais sa filmographie est très intéressante et abonde en excellents films, notamment ceux qu’il tourna avec Burt Lancaster. I walk the line est très bon. C’est un film aussi très noir. On n’est guère habitué à voir Gregory Peck tenir le rôle d’un homme rongé par le démon de midi, harcelé par ses propres incertitudes. Assez typique de l’esprit des années soixante-dix, il tente de montrer l’envers de l’Amérique. Non seulement les décors peignent un Tennessee sombre et pluvieux, mais il est aussi peuplé de personnes âgées et perdues qui donnent un cachet d’authenticité à l’ensemble. Même le tribunal apparaît sous un jour assez sordide, et la secrétaire de Tawes est aussi très âgée.  C’est un endroit qui pue la mort et on comprend assez bien que Tawes ne rêve que de s’enfuir. C’est Alma qui lui donne le déclic. Les personnages sont tous très ambigus, à commencer par le shérif qui trompe sa femme. Alma cache aussi qu’elle est mariée et que son mari croupie en prison. La famille McCain aussi, elle se sert manifestement d’Alam pour que celle-ci pousse le shérif à les protéger. Quant à l’adjoint du shérif, qui passe son temps à manger et à espionner son supérieur, c’est probablement le plus glauque de la bande.

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    Alma vient relancer Tawes au tribunal 

    Le FBI représenté par une sorte de clown lubrique, il perd son sens à s’attaquant à des petites gens qui ne font finalement que chercher à survivre. La femme de Tawes, malheureuse et perdue, ne comprend rien de ce qui lui arrive et se réfugie dans la lecture du Reader’s Digest pour trouver des réponses à ses angoisses.

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    L’homme du FBI lance la chasse aux bouilleurs de cru 

    Le titre américain est bien plus juste que le titre français. I walk the line, parle du franchissement de la ligne, mais aussi des hésitations qui l’accompagnent. Et en fait de violence il n’y en a pas beaucoup, même si à la fin l’histoire tourne au cauchemar. Ou plutôt, il faudrait dire que la violence est rentrée. Tawes aura des brusques accès de colère quand il se met à frapper Alma parce qu’elle lui a menti, ou quand il tire sur son père parce qu’il est plutôt désespéré de voir Alam lui échapper.

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    La femme de Tawes ne comprend pas l’éloignement de son mari 

    Le scénario est très bien écrit, il ménage des scènes plutôt mélancolique dans cette Amérique profonde qui s’écroule sur elle-même. C’est le délire du père de Tawes qui veut croire que sa femme et ses filles vont revenir, alors qu’elles sont mortes depuis plus de dix ans. Ou encore c’est ce même Tawes qui médite sur tout ce qu’il a perdu lorsque la propriété familiale a été engloutie sous les eaux d’un barrage.

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    Hunnicutt va tenter de violer Alma 

    L’interprétation est excellente. Gregory Peck joue d’une manière rentrée et sombre cet homme perdu qui s’accroche encore à certaines valeurs. Tuesday Weld, sorte de Lolita, ingénue, joue de son physique encore entre adolescente et femme. Ce sont les principaux personnages du film qui est aussi une histoire d’amour plutôt non-conventionnelle. A leurs côtés on trouve des seconds rôles très intéressants, Ralph Meeker qui joue le père d’Alma et surtout Charles Durning qui incarne le sournois Hunnicutt. Par la suite il se spécialisera un peu dans ce genre de composition.

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    Tawes ne pourra pas empêcher Alma de partir 

    Terminons par la très bonne bande son, presqu’exclusivement faite des chansons de Johnny Cash qui parlent de cette misère de l’existence et des difficultés à la supporter.

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