• Samuel Fuller, Un troisième visage, Allia, 2011

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    Les mémoires d’un cinéaste sont souvent l’occasion de parcourir à toute vitesse l’œuvre de celui-ci et de remettre ses films en perspective.

    Samuel Fuller tient une place singulière dans l’histoire du cinéma. Orphelin très jeune de père, il doit gagner sa vie et travaille assez rapidement comme journaliste criminel. Assez facilement il devient scénariste pour Hollywood – un certain nombre de ses scénarios ne sont pas signés de son nom.

    Et puis il s’engagera dans l’armée au moment de l’entrée en guerre des Etats-Unis. Il fera partie du fameux Big Red One. Il va faire toutes les campagnes, celle du débarquement en Algérie, la Sicile, le D-Day, les Ardennes. Ce très long passage dans l’armée et dans la guerre le marquera à jamais, non seulement ce sera pour lui une source d’inspiration importante, mais c’est de cette expérience qu’il trouvera « le goût de la violence » dans la plupart de ses œuvres.

    La carrière de Samuel Fuller est très inégale et atteint rarement les sommets. Mais c’est un auteur complet, c’est-à-dire qu’il écrit ses propres scénarios, dirige et produit la plupart de ses films. On retient essentiellement de son œuvre un groupe de films qui s’inscrivent dans le genre « noir ». Ils sont souvent originaux - je pense à The naked kiss dont la scène d’introduction est emballante et audacieuse, on y voit une prostituée au crâne rasé donner une raclée à son maquereau. Mais Pick up on the south street malgré son propos ouvertement anti-communiste vaut également le détour.

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    Le second groupe des films réalisés par Fuller se forme autour des westerns. Il en a peu tourné, mais ils ont tous marqué leur époque, que ce soit Le baron de l’Arizona, Quarante tueurs ou Le jugement des flèches. Pour ce dernier film Fuller prétend qu’il a été plagié par Kevin Costner qui réalisera près de quarante années plus tard Danse avec les loups. C’est un mauvais procès qu’il fait à Costner, d’abord parce que les deux films ne s’inscrivent pas dans la même logique : celui de Fuller s’appuie sur un petit budget, avec des acteurs alors peu connus. Ensuite parce que le héros de Costner reste un idéaliste impénitent, alors que celui de Fuller est marqué d’un sombre nihilisme.

    Enfin, Fuller s’est illustré dans le film de guerre. Avec la particularité de montrer l’abjection des combats et le côté misérable de l’action militaire. Un de ses plus intéressants est sans doute Verboten !, dont le titre français est d’une rare imbécilité : Ordres secrets aux espions nazis. En réalité ce film très intéressant parle des difficultés de la fin de la guerre et de l’occupation de l’Allemagne par les soldats américains. Au lieu de prendre le point de vue du soldat américain, c’est finalement celui des Allemands qui est privilégié, au milieu des ruines et des décombres. The big red one est directement une mise en scène de la vie guerrière de Fuller, mais le film est moins convaincant, probablement parce qu’il eut des difficultés à se faire financer.

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    La fin de la carrière de Fuller qui est mort en 1997, sera plutôt triste. Laissé pour compte de l’évolution d’Hollywood, ses projets aboutiront très difficilement, il fera une petite carrière d’acteur dans les films de réalisateurs amis pour boucler ses fins de mois.

    Il faut dire que Fuller par son indépendance farouche n’avait que peu d’amis dans le système économique d’Hollywood. Il avait renoncé aux films à gros budgets parce qu’il pensait qu’ainsi il conserverait mieux son indépendance.

    Le troisième visage est un très gros livre, très bien écrit. Il y a du cœur et de la passion. S’il s’étend très souvent sur des anecdotes de tournage sans intérêt, le passage sur ses campagnes guerrières est très fort. Il n’additionne pas des exploits guerriers – du reste il ne cesse de dire du mal de John Wayne – il fait part de sa sensibilité et des problèmes moraux que cette action dans laquelle il s’est engagé pour de très bonnes raisons lui pose. Toute la nuance de Fuller est là : s’’il mettra de longues années à se remettre de sa démobilisation, il gardera des séquelles tout en regrettant ces temps difficiles.

    Fuller est un démocrate, un rien provocateur. S’il condamne la chasse aux sorcières initiée par McCarthy et sa pègre contre les auteurs et réalisateurs plus ou moins communistes, il n’est pas très clair vis-à-vis du communisme justement. Ce n’est évidemment pas un idéologue et il a plus réfléchit à ses scénarios qu’à la situation politique.

    Il dénoncera cette répression qu’il qualifie à juste titre de fasciste. Il vivra également de très longues années à Paris, préférant vivre et travailler en Europe plutôt qu’aux Etats-Unis où il a été rapidement oublié.

    Souvent animé de bons sentiments, Fuller faisait preuve de naïveté. C’est le cas dans le conflit entre les deux protagonistes de The crisom kimono : le flic blanc déteste le flic d’origine japonaise, mais pas à cause de la couleur de sa peau, parce qu’il a séduit la femme sur laquelle il avait des vues. L’antiracisme de Fuller était souvent assez manichéen.

    Au-delà de toutes ces considérations, Samuel Fuller avait bien un style propre et peu conventionnel : il savait insuffler un rythme propre à ses sujets et excellait dans les ouvertures coup de poing qui scotchaient le spectateur sur son fauteuil.

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