• San-Antonio, Du sirop pour les guêpes, Fleuve Noir, 1960

     San-Antonio, Du sirop pour les guêpes, Fleuve Noir, 1960

    Le commissaire San-Antonio sur la Côte d’Azur où il passe des vacances va être entrainé malgré lui dans une enquête plutôt embrouillée. Après avoir abordé une fille, une véritable sirène qui sort de la mer, grâce à son physique de cinéma, il la drague dans des conditions curieuses, et la retrouve dans une boite de nuit où il reconnait un pianiste qui lui fait passer un message avant de mourir empoisonné. Dès lors il rentre en relation avec la police locale et prend des initiatives qui le mènent à avoir connaissance de la mort de la fille d’un milliardaire grec et de son père. Il se fera envoyer par avion Bérurier qui va l’assister dans cette tâche et bien sûr il démasquera les coupables.

    En apparence, c’est un San-Antonio de série, et dans les années soixante et il n’avait pas encore atteint le degré de fluidité de sa langue. Il n’empêche que cet opus est intéressant à plus d’un titre. D’abord parce qu’il recycle un certains nombres de thèmes, ou encore il en inaugure certains thèmes qui reviendront dans les années suivantes.

    Ce qui est assez remarquable c’est tout d’abord qu’il se soit inspiré de Georges Simenon, et pas n’importe lequel ! En effet, Du sirop pour les guêpes est clairement démarqué de Liberty bar. Même s’il est aussi très différent. On se souvient que Liberty bar est une enquête de Maigret sur les mêmes lieux où Frédéric Dard passait ses vacances, Simenon habitant un moment à Cannes. Mais plus encore les relations entre Maigret et la police locale qui consomme beaucoup de pastis, à cause de la chaleur, sont tout à fait les mêmes qu’entre San-Antonio et le commissaire Pistouflet, et avec un d’accent provençal. Sachant que Simenon était le meilleur ennemi de Frédéric Dard, et sachant aussi que la pièce qu’a tirée Frédéric Valmain de Liberty bar a été attribuée souvent à Frédéric Dard, voilà qui est assez troublant. A tout le moins curieux.

      San-Antonio, Du sirop pour les guêpes, Fleuve Noir, 1960

    Mais n’insistons pas plus sur cette coïncidence. Il y a encore bien autre chose car ce n’est en rien un plagiat de Maigret. Et d’abord le coup de la cabine de plage qui se retrouvera plus tard dans Initiation au meurtre, un autre roman de Frédéric Dard en 1971 qui sera malencontreusement porté à l’écran par Claude Chabrol en 1976. Mais cette fois la cabine permet un tour de passe-passe entre un homme et une femme. San-Antonio ne sachant pas très bien s’il a été attiré par la silhouette d’un homme ou celle d’une femme. Ce thème du travesti et de la confusion des genres deviendra récurrent dans les années qui suivent Du sirop pour les guêpes.  

     San-Antonio, Du sirop pour les guêpes, Fleuve Noir, 1960    

    Juan-les-Pins à l’époque où Frédéric Dard écrivit Du sirop pour les guêpes 

    L’ambiance est celle de Juan-les-Pins, à cette époque un des lieux de vacances de Frédéric Dard qui ne voyageait pas encore trop et trop loin. Cette ambiance est un peu la même que celle qu’on trouve dans Des anges se font plumer, publié en 1957 qui se passe dans une station balnéaire italienne, ou encore dans La pelouse, retour à Juan-les-Pins qui date de 1962, mais qui est signé Frédéric Dard cette fois.

    Et le roman proprement dit ? Il est très bien, d’une structure classique on procède par élimination des suspects pour arriver au terme de l’enquête.. Encore que pour ceux qui ont l’habitude des aventures du commissaire, le coupable est vite découvert, San-Antonio s’étant encore une fois fait berner par une femme sensuelle, mais un peu cupide. Du reste les femmes ne sont guère à leur avantage dans ce roman, quand elles ne sont pas cupides et sournoises, elles sont plutôt moches. San-Antonio se moque de lui-même en faisant référence à Agatha Christie, figure tutélaire du roman à énigme, et cette mise à distance des codes donne à l’ensemble quelque chose de très moderne.

     

    L’ouvrage marque aussi le basculement dans la société des loisirs et de la consommation : le soleil et la mer, les boites de nuit et les parasols sur la plage, commençaient à diffuser une idée un peu sournoise et insouciante du bonheur à laquelle Frédéric Dard a contribué. On note que le style n’est pas complètement débridé, et que les parties de jambes en l’air n’encombrent pas le livre. L'auteur se moque des chauves et particulièrement de Frédéric Dard !

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