• San-Antonio, San-Antonio renvoie la balle, Fleuve noir, 1960

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    Frédéric Dard a connu un peu des vaches maigres lors de son arrivée à Paris, ce qui l’a amené à multiplier les possibilités de gagner de l’argent en écrivant des pièces de théâtres, des scénarios et des dialogues pour le cinéma et encore des petites blagues pour la revue qu’il animait quasimen tout seul, Cent blagues. Je n’oublie pas non plus les nouvelles souvent remarquables qu’il produisait aussi. Cette prolixité se retrouvait dans les nombreux pseudonymes qu’il utilisait ici et là pour gagner enore un peu plus d’argent. En effet, même si les romans policiers se vendaient bien, ils étaient publiés dans des collections peu ônéreuses et donc ne rapportaient que peu d’argent à leur auteur. Il fallait donc pour qu’un écrivain de polar puisse vivre de sa plume qu’il écrive très vite et beaucoup. Pendant longtemps Frédéric Dard écrivait au moins un roman par mois. Il y avait évidemment du bon et du moins bon. Frédéric Dard gardait l’usage de son véritable patronyme pour écouler ce qu’il pensait être le meilleur de sa production. Sous le nom de Frédéric Dard il écrivit toute une série de romans noirs de très haute qualité. A la fin des années cinquante d’ailleurs ces romans dont beaucoup arrivaient à être adaptés à l’écran, avaient au moins autant de succès que San-Antonio.  

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    En effet pour ce dernier le succès ne vint pas d’un coup. Les tirages n’ont augmenté que progressivement, et même si elles ont toujours bien marché, les aventures du commissaire et de ses acolytes n’explosèrent que dans les années soixante. Pour compléter ce que disait déjà Thierry Gauthier au colloque de Dijon cette année, San-Antonio fut un auteur des années soixante. En effet c’est dans cette période que son style va s’affermir, et que prenant conscience de son propre succès, il va admettre enfin que San-Antonio c’est aussi autre chose que de la littérature commerciale. Mais plus encore ces ouvrages marquent une sorte de transition entre la France rurale et pauvre de l’avant guerre et la France dynamique et moderne qui s’en va dans les années soixante vers la société de consommation.

    San-Antonio renvoie la balle est un de ces jalons sur le chemin de la gloire. C’est une histoire policière. Durant un match de football de l’équipe de France, l’arbitre est assassiné de deux balles en plein cœur. Mais également un autre spectateur meurt d’un coup de pistolet. San-Antonio qui assiste au match accompagné de Bérurier, va prendre les choses en mains et résoudre l’énigme. Comme l’arbitre vient des pays de l’Est on pense à une histoire d’espionnage et on a tord. En vérité il s’agit des séquelles de la Seconde Guerre mondiale.

    Entre temps on aura eu droit à l’ambiance d’un match de football et à la visite d’un cirque. Deux loisirs très populaires auxquels Frédéric Dard donne un aspect très français. Car ce qui va dominer c’est cette volonté du commissaire San-Antonio de se présenter comme un représentant de la fierté et de la grandeur de la France. Les remarques désagréables sur les étrangers, et particulièrement les Anglais, abondent.

    Quant au style, il présente ici une avancée significative dans la mise en scène de Bérurier et de ses turpitudes. Les absurdités abondent, et le manque de dignité de Bérurier atteint des extravagances jusqu’ici inusitées. Les jeux de mots sont abondants, mais pas très recherchés. En tous les cas, ce qui domine, c’est la qualité de l’intrigue, on l’oublie trop souvent, la plupart des San-Antonio recèlent une intrigue suffisamment élaborée.

    C’est le 40ème San-Antonio publié au Fleuve noir, et c’est déjà le quatrième de l’année 1960. Il y en aura un cinquième. Cette même année-là, il aura eu le temps d’écrire aussi deux Frédéric Dard, Les mariolles et Puisque les oiseaux meurent. 

    « Vaurien, Jim Thompson, L’atalante, 1986Eric Maravélias, La faux soyeuse, Gallimard, Série noire, 2014 »
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