• Sang et or, Body and soul, Robert Rossen, 1949

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    Body and soul  a été un des plus grans succès de John Garfield. C’est certes un des inombrables films américains qui dénoncent le milieu pourri de la boxe, mais il va un peu plus loin dans la critique sociale. C’est une histoire de blacklisté. Polonsky, communiste avéré, sera banni des studios et devra attendre de longues années avant de travailler sous son véritable nom. Robert Rossen devra se renier devant la Commission des activités antiaméricaines pour continuer à travailler, et John Garfield qui sera harcelé par le FBI et cette même commission mourra avant d’atteindre la quarantaine. C’est bien après ce genre de film noir représenté par Body and soul que la Commission en avait. C’est ce genre de cinéma qui avait un succès énorme dans le public américain que les réactionnaires de la Commission emmenée par Parnell Thomas et Richard Nixon considéraient comme pernicieux et minant les fondements culturels du modèle américain. Ils n’avaient pas tout à fait tort. Puisqu’en effet ce type de film s’attaquait à al soif de l’argent, à la notion de réussite à tout crin, et identifiait le capitalisme comme un reflet des tendances mafieuses qui traversaient la société.

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    L’histoire est simple, un jeune homme pauvre monte sur le ring pour essayer de s’en sortir et gagner quelque argent, après que son père soit mort dans un attentat contre son épicerie, attentat qui semble être le résultat d’un racket. Il va grimper les échelons de la boxe, mais pour arriver au titre, il doit passer sous les fourches caudines d’un salopard qui ne craint pas de vivre du sang des boxeurs. Charlie Davis à travers mille péripéties va finalement se révolter et trouver le courage de refuser le trucage du combat pour retrouver toute sa dignité.

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    Ça pourrait ressembler à Nous avons gagné ce soir de Robert Wise, sauf qu’ici le héros à une conscience sociale et un destin collectif, et que le héros n’est pas un boxeur déchu et déçu par la vie. On pourrait encore comparer ce film à celui de Mark Robson, Le champion, mais il ne meurt pas et Charlie suit le chemin inverse puisqu’il finti par délaisser le spectacle du monde de la boxe.

    Les trucages dans ce milieu ont toujours été dénoncés comme faisant partie intégrante de ce sport curieux et dangereux. Ici cela va un peu plus loin puisqu’un des boxeurs trouvera la mort au bout d’une combine foireuse.

    Le scénario de Polonsky est d’une grande subtilité et s’applique à faire émerger des caractères très ambigus, mais également des personnages assez nouveaux comme celui de Peg, femme émancipée et décidée à suivre sa propre morale malgré l’amour qu’elle porte à Charlie. L’idée centrale est de faire émerger une conscience sociale dans l’action : Charlie n’est pas un héros, mais il trouve le courage de résister.

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    C’est également un des très rares films sur l’antisémitisme ordinaire. C’est un film de gauche fait par des Juifs de gauche. Robert Rossen, Abraham Polonsky, John Garfield, Lili Palmer et encore Joseph Pevney qui ensuite fera une jolie carrière de réalisateur dont un autre film sur la boxe avec Tony Curtis, sont tous juifs. Dans ce combat contre le racisme ordinaire de l’élite WASP qui du reste méprisait le cinéma comme l’émanation de la vulgarité des studios dominés par les Juifs, le film n’oublie pas la figure du noir, un boxeur qui perdra la vie suite aux magouilles de Roberts.

    L’interprétation est dominée par Garfield bien sûr, le film est fait pour lui, il est au sommet de sa forme. Et c’est grâce au succès de ce film que Polonsky put passer ensuite à la réalisation sur Force of evil, le meilleur film de Garfield selon moi. Mais tous les acteurs sont très bons, bien dirigés, convaincants.

    C’est très bien réalisé, à la manière des films noirs avec des flashbacks, des oppositions en noir et blance entre les quarties misarébles et sombres de la jeunesse de Davis, et les quartiers borugeois à la lumière articicielle et clinquante. Ce n’est pas le meilleur film de Rossen, on lui préférera sur le même thème L’arnaqueur qui est parfaitement maîtrisé. Curieusement, alors que le film avec Paul Newman est basé sur un roman de Walter Tevis qu’il suit presque ligne à ligne, il reprend la même thématique que dans Body and soul. Un jeune champion assez insouciant se laisse griser par son succès, et sa veulerie lui sera aussi révéléé par une femme, même si pour cela il a fallu qu’elle se suicide. Cependant Body and soul est moins désenchanté que The hustler. Et à la fin du film Charlie n’abandonne pas le combat.

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    C’est un film solide sur lequel les années ne semblent pas avoir de prise, même si c’est vrai que ce n’est pas ici qu’on trouvera les scènes de boxe les plus convaincantes.

    Incidemment c’est aussi un des films préférés d’Alain Delon qui l’avait programmé lorsqu’il s’occupait il y a quelques années de faire la promotion d’un cinéma de qualité, ce qui prouve que c'est un homme de goût !

    « L’ennemi public, The public enemy, William Wellman, 1931Pour en finir avec le maccarthysme, Jean-Paul Török, L’harmattan, 1999. »
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