• Sur la trace du crime, Rogue cop, Roy Roland, 1954

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    Le roman de William P. McGivern à l’origine du film 

    Les romans de William P. McGivern ont souvent donné de sujets pour le cinéma, Big Heat de Fritz Lang, Odds against tommorow de Robert Wise ou encore Hell on Frisco Bay de Frank Tuttle. Rogue cop est excellent également. Le scénario est dû à Sydney Boehm qui avait déjà adapté justement Big Heat, et qui ensuite travaillera sur le scénario de Hell on Frisco Bay. Familier des romans de McGivern, il a un goût prononcé pour les scénarios mettant en scène la violence débridée. Scénariste de premier plan il a aussi travaillé pour Raoul Walsh. Il adaptera George Simenon pour Hathaway en signant le scénario de Le fonds de la bouteille.

    Comme le titre l’indique, il s’agit d’un flic qui marche avec des voyous. Sans scrupules, il profite de ses relations pour vivre sur un train élevé. Son jeune frère est également flic, mais à l’inverse, il se contente d’une petite vie bien honnête. Tout va basculer quand ce dernier arrête un voyou de piètre envergure, Fallon, qui a assassiné un dealer qui vendait des doses sur son territoire. En effet le jeune Eddie identifie assez facilement le tueur. Mais son frère, Chris, reçoit l’ordre de la part des voyous qui le payent de pousser son frère à innocenter Fallon. Or Eddie est du genre tétu et incorruptible. Après de nombreuses menaces Beaumonte et Ackerman font assassiner Eddie. Chris va vouloir le venger et va se débrouiller pour les éliminer. Il réussira et retrouvera le droit chemin.

    Si ce n’est la fin un peu convenue et assez invraisemblable, l’ensemble est solide et violent, cynique et inquiétant comme il se doit dans un film noir qui porte le désespoir à fleur de peau. Tous les personnages sont marqués par la vie, les femmes comme les hommes. Aucun ne peut prétendre incarner la rigueur morale, si ce n’est peut-être Eddie.   

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    Le commissariat 

    Incarné par un Robert Taylor vieillissant et marqué, Chris est un flic solitaire et blasé qui connait et utilise toutes les ficelles que la corruption peut lui permettre de tirer. Il est violent et méchant, sait se faire respecter même des truands qui en ont peur. C’est un film de brutes. Il faut voir comme la pauvre Anne Francis se fait traiter par George Raft ! Mais on ne saurait reprocher le réalisme crasseux à un film de gangsters et de flics pourris.

    Néanmoins, Chris n’est pas seulement un flic cynique et corrompu, il a aussi une conscience et un cœur. Il est ému par le sort de Nancy, la maîtresse de Beaumonte, et la mort de son frère lui fait prendre conscience de la vacuité de son existence de flic sans morale. 

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    Les policiers jouent aux cartes 

    Les deux héroïnes  manifestent la même ambiguïté. Nancy est la maitresse de Beaumonte parce qu’ainsi elle n’a plus de soucis d’argent, mais en même temps elle boit et elle se pose des questions pour savoir s’il a aussi un peu d’amour pour elle. Karen sort avec le frère de Chris, mais elle avoue ne pas l’aimer, ne comprend même pas qu’il veuille l’épouser. Pour autant, elle va chercher à aider Chris contre Beaumonte.

    Finalement dans ce jeu de dominos ou tout le monde se méfie de tout le monde, les seuls personnages entiers sont les flics moralisateurs qui ne veulent pas entendre parler des méthodes et de la vie de Chris, le pasteur assez hermétique à toute forme de compassion et bien sûr les gangsters qui s’enferment dans une vision assez bornée des rapports de force et qui ne peuvent imaginer de revenir en arrière sur ce qu’ils ont décidé. Et même si Chris n’apparaît pas très sympathique, il a une mobilité d’esprit et une souplesse dans le comportement qui le rend finalement plus humain que les institutions – le gang, la police ou l’Eglise – qui  le condamnent. 

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    Les marchands de journaux sont un vaste réseau d’indicateurs 

    Toutes ces bonnes intentions ne suffiraient pas à faire de Rogue cop un très bon film si la manière de filmer restait plate et médiocre. Ce n’est pas le cas ici. Certes certaines scènes de rue manquent manifestement de moyens et sentent un peu trop le décor de studio, mais l’ensemble est très bien filmé, avec des idées nombreuses et variées. Par exemple la confrontation de Chris avec les truands est tournée en plans d’ensemble qui font apparaître Robert Taylor plus petit qu’il n’est, mais qui donnent un relief inattendu à des scènes somme toute assez traditionnelles dans ce genre de film.

    Il faut dire que la photographie est due à John F. Seitz, un des grands spécialistes du film noir qui a travaillé avec Billy Wilder, John Farrow ou encore Nicholas Ray. Il trouve des angles inattendus comme dans cette manière de photographier l’étal de la marchande de journaux qui sert d’indicatrice à Chris, ou encore la manière de filmer la violente bagarre de Chris avec le garde du corps de Beaumonte.  

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    Chris cherche à utiliser Karen pour sauver son frère

    Comme on l’a laissé entendre, les acteurs sont très bons. Bien sûr en tête on place Robert Taylor. C’est un acteur en général assez monolithique – surtout quand il joue avec une moustache ! – mais il fait passer ici des changements de sentilments et d’attitude assez remarquables. Il est excellent, et c’est même selon moi un de ses meilleurs rôles. Peut-être parce qu’il n’avait guère l’habitude de joeur les canailles.

    Même George Raft est très bien. Lui aussi laisse pour une fois transparaître ses émotions. Si Janet Leigh porte bien le costume de la blonde froide et en voie de rachat, elle est pourtant moins remarquable qu’Anne Francis dans le costume pathétique de Nancy, pauvre petite fille perdue.

    Sans être un des chefs-d’œuvre du film noir, Rogue cop se trouve dans le haut du panier tout de même, à cause de son rythme soutenu, mais aussi de son esthétique parfaitement assimilée. 

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    Chris manifeste de la sympathie à la pauvre Nancy 

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    Chris veut piéger Beaumonte et Ackerman

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