• The Sniper, l’homme à l’affût, Edward Dmytryk, 1952

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    C’est un film plutôt curieux. Intéressant, mais finalement assez limité dans son principe. Eddie Miller, interprété par Arthur Franz) est coursier dans une entreprise de blanchisserie. Mais il est avant tout un homme rongé de solitude qui n’arrive ni à se faire des amis, ni à avoir des relations féminines. Cet échec incessant le perturbe au point qu’il a envie de tuer. On ne sait rien de lui. Peut-être est-ce un ancien soldat, car il manie les armes avec une grande précision. Son modus operandi est de se mettre à l’affût et de flinguer sa victime d’un coup précis de carabine. Il ne rate jamais sa cible. Mais il a conscience de son état, il lutte même contre ses mauvais penchants criminels : il se brûle la main droite pour se priver de tuer, ou encore il envoie un message désespéré à la police en la priant de mettre fin à son calvaire. Bien sûr la police finira par l’attraper.

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    Il y a deux niveaux dans cette histoire, la course de Miller à travers la ville de San Francisco, et la traque de la police amenée par le lieutenant Kafka (quel nom) interprété par Adolphe Menjou. Le scénario est cependant assez mal défini. D’un côté il y a l’action, les ruses de Miller, le travail de la police, et de l’autre la réflexion, celle du psychiatre qui balance un discours moisi sur la responsabilité de la société dans la prévention de la criminalité. Cet aspect bavard plombe le film en brisant le rythme de la narration.

    Il y a pourtant quelques très bons moments de cinéma. Particulièrement les scènes d’extérieurs, que ce soit la chasse nocturne de Miller, l’errance d’une femme saoule dans les rues désertes, ou encore la façon vertigineuse dont est filmé San-Francisco à partir des toits des buildings qui dominent la ville. Egalement l’utilisation des rues pentues des collines fera école, on pense à Bullit bien sûr, avec ses maisons étranges posées en équilibre instable. En revanche, les scènes plus intimes sont assez plates, mais cela est probablement dû au casting de second ordre. Seule émerge le personnage de Jean Darr interprété par Marie Windsor dont le physique étrange donne un aspect glamour à un film qui en manque beaucoup. Le jeu outrancier d’Arthur Franz ne compense pas le physique mollasson de l’acteur. Quant à Adolphe Menjou il a l’air de s’ennuyer mortellement.

    Dans ce film les défauts de Dmytryk apparaissent au grand jour. Très souvent, en effet, même dans ces films d’avant la chasse aux sorcières, ses œuvres sont bâties sur des principes, par exemple les flash-backs entrecroisés de Murder my sweet. Ici, c’est le parti pris lourdement assené des rapports aux armes.

    On a beaucoup disserté sur le rapport qu’il pouvait y avoir entre ce film et la vie personnelle de Dmytryk. On sait que celui-ci vendit ses copains à la commission mise en place par McCarthy pour traquer les communistes. On a vu donc dans ce film, comme un appel désespéré de Dmytrik demandant à la police de mettre un terme à ses activités de « gauche », étant lui-même dépassé par les événements. Dmytryk ne fut plus jamais le même homme une fois passé entre les mains de cette commission, il en supportant la honte, mais surtout il ne fut plus jamais le même réalisateur. Le fait qu’Adolphe Menjou, grand dénonciateur de « communistes » soit à l’affiche a été aussi interprété comme la reddition complète de Dmytryk.

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     Je pense que c’est une analyse superficielle, mais il est vrai que après qu’il fut mis fin à son inscription sur la black list, il ne tourna que des films de seconde catégorie. C’est ce film qui marque son retour en grâce auprès des caciques d’Hollywood. Non seulement il est décentré, il se passe à San-Francisco, non à New-York ou à Los Angeles, mais en outre il n’est qu’un film à petit budget. Il marque ainsi la dégénérescence d’un genre.

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    Au final c’est une œuvre décevante de celui qu’on considère, un peu à tort à mon sens, comme un des maîtres du film noir. On reconnaitra au passage une scène dont Melville s’est inspiré, la scène du passage des maniaques qui ont été ramassés par la police face au mur blanc barré de lignes horizontales noires pour marquer la taille. L’ironie du policier qui interroge sans conviction est très semblable à celle qu’on voit dans Le samouraï. 

     

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