• Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974

     Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974

    Castellari, qu’il s’agisse de westerns spaghetti, des films de zombies ou de poliziotteschi ne prend pas de gants et va à l’essentiel, que ce soit dans le message qu’il veut faire passer, ou dans la manière de filmer. Il cittadino si ribella est d’abord un film de genre, mais qui implique politiquement et moralement le spectateur, bien qu’il ne soit pas reconnu en France comme un des maîtres du poliziottesco comme Lenzi ou De Martino, l’œuvre de Castellari mérite le détour. Franco Nero a beaucoup tourné avec lui. Notez que chaque fois qu’on regarde un film de Castellari, on voit que la trame des histoires qu’il met en scène peut tout à fait convenir à un western spaghetti ou à un poliziottesco. Il a connu quelques succès importants, dans le genre western spaghetti comme Keoma, toujours avec Franco Nero, mais aussi avec La battaglia d'Inghilterra avec Frederick Stafford en 1969. C’est un très bon technicien, très habile dans les scènes d’action auxquelles un découpage serré donne toujours un rythme intéressant. Le titre indique tout de suite le programme : un citoyen ordinaire va prendre les choses en mains pour palier les carences de la police. C’est d’ailleurs cette même année que va émerger le personnage de Paul Kersey incarné par Charles Bronson dans le film de Michael Winner, Death wish. Selon Franci Nero les deux films sont indépendants, lorsque Il cittadino si ribella a été mis en chantier, le film de Michael Winner n’était pas encore sorti. Ce qui veut dire que cette question de la remise en cause de la justice et de son fonctionnement était à peu près le même des deux côtés de l’Atlantique.

    Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974

    Carlo est pris en otage par les braqueurs de la poste

    Alors que Carlo Antonelli est allé porter de l’argent à la poste pour alimenter son compte, il assiste impuissant à un hold-up violent. Pour protéger leur fuite les braqueurs le prennent en otage, poursuivis par la police, et le laissent sur le port après l’avoir battu méchamment pour changer de voiture et prendre la fuite. Carlo a été humilié, et il trouve que la police est bien molle dans sa lutte contre le crime. Il va donc décider de faire justice lui-même tandis que sa fiancée tente de l’en dissuader. Mais il est très maladroit, et en fréquentant les bas-fonds de Gênes, il se fait repérer et maltraiter à nouveau. Changeant de tactique, il va s’allier avec un truand de petite envergure qu’il fait chanter après l’avoir pris en photo en train de dévaliser une bijouterie. Il va finir par remonter la piste en repérant une liaison entre un bandit de grande dimension, trafiquant d’armes et propriétaire d’un tripot également. Il prévient la police afin que les forces de l’ordre les prennent sur le fait. Mais quelqu’un a prévenu les gangsters, et ceux-ci parviennent encore à s’échapper. Ils vont rattraper Carlo et le séquestrer, c’est Tommy qui au péril de sa vie va le délivrer. Après ce fiasco Carlo va mettre une autre tactique au point, il disparait laissant entendre qu’il possède des bandes magnétiques compromettantes, son but étant d’isoler les braqueurs de banque. Et ça va marcher, la police commence à remuer, organisant des rafles un peu partout et les braqueurs n’arriveront plus à trouver d’appuis. Mais ils ont pourtant de la ressource et vont coincer d’abord Tommy avec qui Carlo s’est lié d’amitié. Ils découvrent la planque de Carlo et menacent de le tuer. Mais Carlo arrive à s’extraire de sa tanière. Une bataille sanglante va suivre. Tommy est blessé au milieu de l’usine, Carlo va tuer les trois gangsters les uns après les autres. Mais Tommy va décéder de la suite de ses blessures. La police qui ne veut pas étaler son incompétence va obliger Carlo à signer un communiquer flatteur pour elle où il dira que la police a bien résolu l’affaire, mettant en déroute une bande de truands très organisée. 

    Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974

    Carlo ne comprend pas les atermoiements de la police 

    Le film s’ouvre sur une série de cambriolages et d’exactions qui montrent que la ville de Gênes n’est plus sûre de quelque c ôté qu’on le regarde. C’est dans ce contexte abimé qu’on va trouver maintenant Carlo à la poste où il vient déposer son argent. Le thème général est donc l’exaspération d’un citoyen ordinaire face à l’inefficacité de la police et de la justice. C’est un homme seul qui va chercher des appuis, il ne les trouvera pas auprès de sa compagne Barbara, ni auprès des institutions, mais seulement auprès d’un truand peu ordinaire. C’est d’ailleurs souvent le cas chez Castellari, cette idée qu’il y a de bons truands à l’ancienne et des saligauds qui ne travaillent pas proprement ! On la retrouvera dans Il grande racket. Autrement dit quand les institutions ne fonctionnent plus on se doit d’en créer de parallèles. Ça va donc bien au-delà de l’examen d’un individu qui a soif de vengeance. En effet en rester seulement à l’humiliation que Carlo a subie ce serait se vautrer dans le négatif. Or le message de Castellari qui sera repris à la fin par un autre citoyen ordinaire qui se plaint lui aussi des insuffisances des institutions, c’est de dire que es citoyens doivent prendre en charge leurs problèmes sans attendre tout de l’Etat et de sa police. Il vient donc la question suivante : un citoyen passif qui ne fait que voter et qui n’agit pas, est-il encore un citoyen ? A-t-il encore le droit de se plaindre ? Le scénario se divise en deux parties distinctes, dans la première, nous avons Carlo qui s’interroge sur l’ambiguïté de son propre comportement. Dans la seconde il devient sûr du bien fondé de sa croisade. Si les braqueurs de banques sont particulièrement mauvais, Tommy est plus ambigu. D’ailleurs il racontera son histoire comme la conséquence d’une fatalité qui l’empêche de vivre normalement et honnêtement. 

    Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974 

    Il fréquente des bars louches en espérant trouver une piste 

    Carlo est un homme seul, mais il va rencontrer une amitié solide avec Tommy. On notera que pour atteindre ce point, il a dû mettre de la distance dans sa relation amoureuse avec Barbara. Il la giflera. Le sens de cette gifle a été discuté. En effet on peut la voir comme le moment où Carlo va s’engager dans une croisade sans issue, et donc le moment où il rejoint la sauvagerie de ceux qu’il prétend combattre. Mais on peut la voir aussi comme une rupture d’avec son passé. C’est-à-dire que dans la nécessité de se lancer dans une action dangereuse, il doit éloigner Barbara. Il y a donc bien un trio formé par Carlo-Tommy et Barbara. On verra d’ailleurs Carlo intervenir chez Tommy pour le sortir d’une séance de baise et pour se l’approprier. Comme souvent chez Castellari, les relations sexuelles sont condamnées comme un dérivatif qui éloigne le « soldat » de sa mission essentielle. Cependant la faiblesse du scénario est révélée par le peu de détail que nous avons sur les gangsters. Ils n’ont pas de caractère, à part le fait qu’ils sont intrinséquement mauvais, fainéants par nature ! Curieusement c’est Carlo qui assume la nécessité de la rédemption, son périple dans Gênes est un long chemin de croix. Et à chaque station s’ajoute les stigmates du martyre. Il est blessé de tous les côtés, emprisonné, traîné littéralement dans la boue, et à chaque fois il doit se redresser pour réaffirmer sa foi en lui-même. 

    Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974 

    Il va envoyer les photos à Tommy pour le faire collaborer à son enquête 

    Le scénario présente de nombreuses lacunes et semble parfois tourner en rond, avec la répétition des scènes d’humiliation. C’est surtout visible dans la seconde partie du récit que je trouve moins bonne. L’ensemble est sauvé essentiellement par le savoir-faire de Castellari et la superbe photo de Carlo Carlini qui a travaillé pour tout le monde et dans tous les genres et sous-genres du cinéma italien, et qui avait même été l’assistant de René Clément sur Au-delà des grilles. Ce qui domine d’abord c’est cette volonté de donner de la couleur locale au film, cela se traduit par un choix consciencieux des décors naturels, mais aussi par un travail sur les teintes pastellisées des couleurs où dominent les bleus et les verts. Il y a de vraies prouesses techniques, non pas dans ces scènes tournées au ralenti quand Carlo tente d’échapper à la voiture qui le poursuit, mais plutôt quand la police essaie de rattraper les braqueurs de la poste à travers une circulation infernale sur le front de mer, sachant que Gênes est d’abord une ville étalée sur la côte, avec très peu de débouchés. La fusillade finale est organisée à l’intérieur d’une usine, avec des plongées et des contre-plongées qui font immanquablement penser aux westerns traditionnels où les embuscades sont un élément décisif de l’histoire. Le rythme est très vif, les scènes d’action excellemment découpées. 

    Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974

    Carlo et Tommy sont suivis par les gangsters 

    Le film est un véhicule pour l’interprétation très controversée de Franco Nero dans le rôle de Carlo. En effet, il est particulièrement pleurnichard, ne garde jamais son sang-froid, ce qui n’est pas habituel de cet acteur qu’on a connu moins expansif. C’était la star du cinéma de genre en Italie dans les années 60-80. Même s’il a tourné avec des grands réalisateurs certifiés « auteurs », comme Buñuel, c’est bien dans ces séries qu’il a amassé la gloire et la fortune. On annonce d’ailleurs qu’il va retourner encore avec Castellari dans une suite lointaine de Keoma aux Etats-Unis ! On le voit ici les yeux rougis, toujours au bord de la crise de nerfs. Sans doute est-ce voulu, mais c’est un parti-pris discutable. Il est secondé très bien d’ailleurs par Giancarlo Prete dans le rôle de Tommy. Barbara Bach incarne Barbara la fiancée de Carlo, mais elle n’a pas grand-chose à faire et reste dans un registre très passif. Plusieurs acteurs habitués du genre se retrouvent au générique, Renzo Palmer incarne l’inspecteur un peu borné qui ne sait pas répondre aux attentes de Carlo, Romano Puppo sera un des braqueurs sadiques qui tourmentent Carlo. 

    Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974 

    Carlo est une nouvelle fois battu par les braqueurs de la poste 

    Si l’ensemble est très agréable à regarder, un peu long tout de même, c’est loin d’être un des meilleurs films de Castellari et de Franco Nero. Mais il a eu du succès aux Etats-Unis sous le titre de Street law où on s’en souvient encore ! il a également au-delà de ses qualités artistiques propres une importance historique dans le cinéma italien. La musique est par contre vraiment horrible et difficile à supporter. 

    Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974

    Tandis que les gangsters menacent Tommy, Carlo est arrivé à s’échapper 

    Un citoyen se rebelle, Il cittadino si ribella, Enzo G. Castellari, 1974

    Carlo est choqué par la mort de Tommy

    « Le séquestré, Sequestro di persona, Gianfranco Mingozzi, 1968Il testimoni deve tacere, Giusepe Rosati, 1974 »
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