• Une femme dangereuse, They drive by night, Raoul Walsh, 1940

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    Voilà un film noir avant la lettre. Adapté d’un roman de Bezzerides, qui travailla aussi sur les scénarios de La maison dans l’ombre et de En quatrième vitesse, c’est une histoire qui a pour cadre le dur métier de camionneur. En cela il s’apparente au film de Dassin, Les bas-fonds de San Francisco, d’autant que les lieux et l’époque sont les mêmes. 

    La figure du camionneur est du reste souvent représentée dans le film noir, aux Etats-Unis comme en France, par exemple Gas-Oil avec Jean Gabin. Cet aspect donne d’ailleurs au film de Walsh un côté prolétarien très intéressant. Toute la première partie reste dans ces eaux-là, deux frères ont acheté un camion et espèrent ainsi devenir leurs propres patrons, à condition de finir de payer le camion. Il n’y a d’abord guère d’intrigue, seulement la description des drames et des petits bonheurs de deux frères qui cherchent un peu de réussite. Mais leur entreprise serait vouée à l’échec s’il n’y avait pas un accident malheureux. Les deux frères perdent leur camion, leur cargaison, et le plus fragile, Paul, incarné par Humphrey Bogart, y laisse un bras. Mais c’est sans compter  sur la duplicité de la femme d’un patron d’une entreprise de camionnage qui incite son mari à embaucher Joe, incarné par Georg Raft. Débute alors l’ascension sociale de Joe, tandis que Paul se morfond sur son bras perdu. Lana Carlsen, interprétée magnifiquement par Ida Lupino, est une femme jalouse qui vise à détourner Joe qui lui-même est amoureux de Cassie, la très tonique Ann Sheridan. Dès lors on plonge dans l’univers du film noir proprement dit : Lana assassine son mari, mais n’arrivant pas plus à obtenir quoi que ce soit de Joe, elle le dénonce à la police comme l’ayant incitée à commettre le crime.

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    Mais Lana est une femme un brin dérangée et sa folie éclatera au grand jour lors d’un procès à rebondissement. La morale est sauve et Joe pourra épouser Cassie.

    L’intrigue en elle-même n’a rien de bouleversant, mais le film est une grande réussite. Très bien et sobrement filmé, il est aussi magnifiquement interprété. Avec une mention spéciale pour les femmes : Ann Sheridan est excellente dans le rôle de la serveuse de bar, propre et honnête, ayant tôt pris l’habitude de se méfier des hommes et de se débrouiller toute seule, Ida Lupino est excellente, passant du rôle de la garce à celle de la folle pathétique et perdue. Les hommes sont moins remarquables. George Raft reste viril et flegmatique, mais Bogart n’est pas encore le grand acteur qu’il va devenir à partir de 1941 avec Le faucon maltais et High sierra. D’ailleurs Ida Lupino et Bogart éclipseront ensuite la gloire de Georg Raft et d’Ann Sheridan par des choix de carrière judicieux.

    On trouve quelques éléments humoristiques, le personnage d’Irish, qui frisent parfois le ridicule.  

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     Mais ce qui domine au final c’est cette succession d’ambiances, le passage de la pauvreté à l’opulence, sans que cela renvoie forcément à l’idée de bonheur. C’est le bras de Paul et la défaite de l’entreprise de Joe qui servent de marchepied à la réussite sociale. Joe le comprend bien qui se trouve toujours à deux doigts d’abandonner, tant la pression de Lana est forte. La peinture du milieu des camionneurs est tout à fait remarquable, restant toutefois dans cette veine sociale que la Warner avait développée dans les années trente en réponse à la crise que traversait le pays. 

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    « La privé, The long goodbye, 1973, Robert AltmanL’esclave du gang, The damned don’t cry, Vincent Sherman, 1954 »
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