• Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949

     Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949

    Inspiré d’une nouvelle de William Irish (Cornell Woolrich), il rappelle un peu par certains éléments Rear windows d’Hitchcock, lui aussi basé sur une nouvelle de William Irish. C’est l’histoire d’un gosse de 8 ans qui a l’habitude de raconter des histoires abracadabrantes et donc ses parents ne le croient plus. Comme il fait chaud, il décide d’aller dormir sur l’escalier de secours. Mais de cet endroit, il va être le témoin d’un meurtre, pour de l’argent les Kellerson assassine un homme et s’en vont planquer son cadavre au cœur d’un immeuble désaffecté qui menace de s’effondrer. Tommy raconte ce qu’il a vu à sa mère qui ne le croit pas et l’envoie bouler. En désespoir de cause, il va jusqu’au commissariat pour dénoncer les Kellerson. La police ne le croit pas plus, mais les Kellerson sont alerté par la mère de Tommy qui a la très mauvaise idée d’exiger de son fils qu’il aille s’excuser auprès des Kellerson. Tommy se retrouvant seul, son père part travailler, sa mère se rend au chevet de sa sœur, les Kellerson projettent de lui régler son compte en provoquant un accident. Mais finalement Tommy échappe à ce nouvel attentat et se sont les Kellerson qui sont défaits.

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    Tommy se fait remonter les bretelles pour avoir prétendu déménager auprès de ses copains 

    C’est un excellent film noir, certainement le meilleur de Tetzlaff qui a surtout été un directeur de la photographie. Ce n’est pas tellement le sujet qui retient l’attention, mais son traitement. En effet, l’action se déroule dans un quartier plutôt pauvre où abondent des immeubles en démolition. Les enfants sont livrés à eux-mêmes et les parents sont saturés de problèmes quotidiens, à commencer par cette nécessité de travailler. Le père n’a qu’un emploi de nuit. Tommy assiste à un meurtre manifestement pour des raisons de pauvreté : les Kellerson n’ont trouvé que ce  moyen pour régler leurs problèmes de la vie quotidienne.

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    Les parents de Tommy le consignent dans sa chambre 

    La première chose qu’on remarque dans ce film c’est l’utilisation des décors très réalistes qui expriment une forme latente de misère et de désespérance sociale. Les enfants jouent dans les rues et les parents plutôt surchargés n’ont guère le temps de s’en occuper. Livrés à eux-mêmes ils inventent des jeux qui peuvent tourner mal. La pauvreté est à tous les niveaux, et on comprend que si les Kellerson sont des assassins, ils le sont aussi par nécessité biologique. Le quartier est délabré, probablement en reconstruction. Et c’est ce délabrement qui est à la fois le lieu du drame – les Kellerson cachent le cadavre dans une partie de l’immeuble qui va s’effondrer – mais aussi la possibilité de jeux pour les enfants. On voit que ce film dépasse le simple film noir, c’est aussi l’appropriation de la ville par un enfant. La confrontation de deux mondes, celui de l’enfance et celui des adultes, est d’ailleurs très explicite, il n’y a pas de passerelles entre les deux. C’est une incompréhension totale, quels que soient d’ailleurs les efforts que les parents font. Le père du petit Tommy se force à la patience, mais ça ne lui sert pas beaucoup à comprendre le drame qui se joue. Finalement celui qui comprend le mieux l’enfant, c’est l’assassin ! Je ne dis rien de la police qui est complètement à côté de la plaque. Si bien que l’enfant ne peut compter quasiment que sur lui-même ! C’est comme si les adultes l’avaient abandonné !

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    Mais Tommy s’en va dormir sur l’escalier de secours 

    L’interprétation est excellente. Le petit Tommy bien sûr, interprété par Bobby Driscoll qui était à l’époque spécialisé dans les rôles d’enfants délurés. Le film est construit autour de lui. Mais il est encadré par des vieux routiers comme Arthur Kennedy qui interprète son père, ou Paul Stewart dans le rôle de l’assassin. Ce sont des seconds rôles qui ont souvent fréquenté le film noir. Les femmes aussi sont très bien. Barbara Hale, la mère de Tommy, est l’exact opposé de la sulfureuse Ruth Roman, complice d’un assassinat sordide.

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    Les Kellerson pensent que leur crime n’a pas eu de témoin 

    C’est un film nocturne, presque l’inverse de Fenêtre sur cour adapté par Hitchcock toujours de William Irish. Le film de Tetzlaff contrairement à celui d’Hitchcock n’a pas de glamour, les acteurs sont rudes, prolétariens, ils n’arborent pas ce profil lisse, hollywoodien de l’insipide James Stewart et de la pâle Grace Kelly. Les décors n’ont pas cette propreté bourgeoise qu’on retrouve dans tous les films d’Hitchcock. Ils manifestent de la crise du logement qui sévissait encore à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. On appréciera les scènes de rue, notamment quand les parents de Tommy l’accompagnent pour lui démontrer qu’il n’a rien à craindre et que sa mère doit bien aller au chevet de sa propre sœur.  Ces scènes semblent avoir été filmées à même la rue, sans que les passants en soient complices. Et bien sûr cela apporte un accent de vérité intéressant.

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    Les parents de Tommy l’emmènent vérifier que l’oncle Charly a bien envoyé un télégramme 

    Le film dure à peine une heure et quart, mais ce n’est pas le suspense qui importe ici. On se doute bien que le petit Tommy va s’en sortir, parce qu’il est astucieux et parce qu’on est de son côté ! Ce qui compte c’est plutôt cette perte de l’innocence. Tommy passe du mensonge comme jeu, à la nécessité de respecter les règles édictées par les adultes. Et on comprend que cela lui est douloureux. Pour ma part je donnerais bien tous les films d’Hitchcock pour ce petit film de Tetzlaff ! Pour ceux qui ne le connaissant pas encore, ils auront la chance de découvrir non pas un chef d’œuvre, mais un film noir très original bourré de qualités sur lesquelles le poids des ans n’a eu guère de prise.

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    Les Kellerson veulent faire un mauvais sort à Tommy

    Une incroyable histoire, The windows, Ted Tetzlaff, 1949 

    Tommy est sain et sauf

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