• Wind River, Taylor Sheridan, 2017

     Wind River, Taylor Sheridan, 2017

    C’est un film assez inclassable qui emprunte à de nombreux genres. En même temps, il s’inscrit dans une lignée récente du cinéma américain qui met en valeur la glaciation de contrées encore sauvages mais qui semblent mourir sur pied. L’influence de Fargo des frères Coen mais aussi de la série est indéniable. On pense aussi à l’excellent Winter’s bones[1]. En ces temps de réchauffement climatique, comme dans The revenant[2] on traite de la survie de l’espèce sous des températures de moins 20 ou moins trente. Si avant ce film Taylor Sheridan n’a pas fait grand-chose en tant que réalisateur, il faut se rappeler qu’il est le scénariste du très bon Sicario[3]. Il est aussi le scénariste de Comancheria. 

    Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Cory vient d’abattre un loup pour protéger un troupeau

    Cory Lambert est employé par l’office des eaux et forêts. Entre autres choses, il s’occupe d’éliminer les prédateurs qui déciment les troupeaux de moutons. Il a été marié avec une amérindienne avec qui il est séparé. Il s’occupe de son fils qu’il va emmener chez ses grands parents qui habitent dans la réserve. Il apprend qu’un prédateur tue aussi du bétail. Il propose de s’en occuper. Quand il va se rendre sur place pour relever la piste et constater les dégâts, il va trouver d’autres traces qui sont manifestement des traces de pas et du sang. En regardant à la jumelle, il découvre qu’il s’agit d’un corps. Il retourne à la réserve, et emprunte une moto-neige pour aller voir de quoi il s’agit. C’est une femme qu’il connait qui est morte, pieds nus. Il appelle des renforts, et peu après on lui envoie un agent du FBI, Jane Banner. Celle-ci fait les constatations d’usage, puis elle demande à Cory de l’aider à trouver des indices. Ils se rendent chez Martin car c’est sa fille qui est morte. Martin est un amérindien, un ami de Cory aussi. Sachant que Cory va prendre la piste, il lui demande de faire le nécessaire s’il trouve son meurtrier. En vérité elle n’a pas été assassinée, mais violée, et c’est en s’enfuyant que le froid l’a tuée en lui faisant exploser les poumons. Une équipe se forme avec Cory, Ben, le shérif, et Jane. L’enquête va les mener auprès d’une bande de jeunes délinquants dont le fils de Martin fait partie. Ils vont apprendre que Natalie avait un petit ami qui travaillait dans le forage de pétrole. Mais ils vont découvrir peu après que celui-ci est aussi mort dans des circonstances très louches. Finalement tout cela va les amener à l’équipe de sécurité à laquelle le petit ami de Natalie appartenait. Les autorités vont affronter cette équipe car elles ont compris que c’était elle qui avait violé Natalie et tué son ami. Une bataille sanglante va s’ensuivre. Plusieurs personnes vont rester sur carreau. Alors que la police manque de succomber sous les tirs de cette équipe de sécurité, le retour opportun de Cory va leur donner l’avantage. Il abat en effet un à un cette bande moisie. Un seul va s’échapper, mais Cory le poursuit et le rattraper. Il va lui enlever ses chaussures et le faire courir dans la neige, sachant qu’il n’en reviendra pas. 

    Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Le FBI a envoyé Jane Banner pour enquêter 

    Il y a effectivement des incohérences scénaristiques car nous apprenons ce qui s’est passé par le biais d’un flash-back, on ne comprend pas très bien comment la police l’a elle-même appris. La fusillade finale et le retour opportun de Cory est digne d’un western. Egalement après la bataille finale, on ne sait pas très bien qui est mort et qui est blessé. Mais peut-être n’est-ce pas là l’essentiel. Le film brasse de très nombreux thèmes. Cory est un homme solitaire qui ne trouve la force de continuer son parcours malgré les drames qu’il a dû traverser que dans le rapport qu’il entretient avec la nature. C’est un chasseur. Et c’est à partir de cette fonction qu’il tire sa morale. Cela lui permet de distribuer des sentences un peu à tout le monde : à Martin l’indien qui souffre de la perte de sa fille, mais aussi à Jane pour lui donner du courage à traverser un climat difficile. Et puis il y a les amérindiens, et forcément la culpabilité de l’homme blanc qui les a détruits. Cory donne encore une leçon au fils de Martin en lui expliquant que quel que soit le tort commis à l’endroit de sa race, il n’a pas d’autre choix que de continuer à vivre et à se battre. On verra donc des amérindiens qui vivent dans un grand dénuement, refoulés sur les marge de la société américaine qui les a dépouillés de tout. Mais dans l’immensité de ce désert blanc, en dehors d’un silence de fin du monde, il y a le rapport que Cory entretient avec la nature forcément hostile. Beaucoup n’ont pas leur place dans ces paysages, d’abord les employés de la compagnie pétrolière qui sont posés là dans des baraquements insalubres, comme une verrue au milieu de la figure, et puis ces motos-neige qui font des va-et-vient troublants. Une attention importante est accordée au décor désolé dans lequel vivent les amérindiens.

    Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Les enquêteurs cherchent des indices 

    Sur le plan cinématographique, il n’y a pas grand-chose à dire, une belle photo, de larges panoramiques permettent de saisir la densité de l’environnement. Pour le reste ça manque de style – mais on pourrait dire la même chose pout tout le cinéma américain contemporain. Sheridan n’arrive pas à styliser suffisamment ses scènes pour que cela donne du sens. La grammaire cinématographique a été oubliée en cours de route. Certes les scènes d’action sont bien filmées et bien rythmées, mais il n’y en a peu. L’ensemble reste assez mou. Dans les meilleurs moments cela devient méditatif, dans les relations entre Cory et Martin par exemple. Mais cela intervient un peu comme un cheveu sur la soupe, après que le film proprement dit soit terminé puisque les méchants ont été exterminés.

     Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Cory indique à Jane la direction dans laquelle elle doit regarder 

    L’interprétation est bonne, particulièrement Jeremy Renner dans le rôle de Cory. S’il souffre intérieurement, il n’en dit rien ou pas grand-chose pour ne pas s’apitoyer sur lui-même. Il joue les bons pères peu exigeants, l’ami attentionné, et en même temps il peut aussi verser discrètement une petite larme qu’il essuie rapidement. J’avais déjà remarqué la finesse de son jeu dans le très bon film de Ben Affleck, The town. Le rôle de Jane est tenu par Elisabeth Olsen. C’est un rôle un peu dans le genre de celui d’Emily Blunt dans Sicario, en moins tourmenté toutefois. Elle a assez d’énergie, pleure à bon escient, mais elle manque peut-être un peu de charisme. Et puis on sera content de retrouver l’excellent Graham Greene dans le rôle de Ben, le shérif de la réserve. Il est méconnaissable, mais toujours remarquable. La distribution a engagé pas mal d’acteurs amérindiens d’ailleurs. Comment faire autrement ?

     Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Cory et Jane suivent la piste dans la neige 

    C’est dans l’ensemble un très bon film, malgré les lacunes qu’on a dites. La critique l’a encensé d’une manière déraisonnable cependant. Le public a suivi, encore que pour un film aussi sombre il ne faut pas s’attendre à passer les 100 millions de dollars ! Sa présentation à Cannes lui a permis d’atteindre de très bons scores sur les marchés hors des USA et du Canada.  Son défaut est sans doute de n’être ni un film noir, ni un thriller, ni même un western.

     Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Les autorités doivent affronter la société de gardiennage des puits de pétrole

    Wind River, Taylor Sheridan, 2017 

    Taylor Sheridan sur le tournage



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/winter-s-bone-debra-granyk-2011-a114844914 

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/the-revenant-alejandro-inarritu-2015-a125071438 

    [3] http://alexandreclement.eklablog.com/sicario-denis-villeneuve-2015-a119674594 

    « Comancheria, Hell or high water, David Mackenzie, 2016Don Angelo est mort, The Don is dead, Richard Fleischer, 1973 »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :