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Le blog d'Alexandre Clément

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975 

Le film sur le rapt et sur le rapt d’enfant est un segment important du film noir. Mais si Fernando Di Leo s’en empare, c’est parce qu’en ce début des années soixante-dix, le rapt était devenu un business florissant en Italie et le cinéma de genre comme le cinéma d’auteur s’était emparé de ce filon. Cependant, ce n’est pas un sujet original de Di Leo, c’est un film de commande. A la base il y a une dispute sur qui a écrit le scénario entre Di Leo et Gastaldi, sur un sujet suggéré par le producteur Juso, à partir d’un évènement bien réel. Gastaldi prétend l’avoir écrit tout seul et que Di Leo est seulement intervenu pour apporter des modifications mineures. Tout cela explique peut-être un peu les déséquilibres évidents qu’on va percevoir dans le film. L’acteur principal de ce film est Luc Merenda, bien qu’il partage l’affiche avec James mason qui ici joue plutôt les utilités et qui est assez peu présent à l’écran. C’est un acteur français qui, n’ayant pas percé dans le cinéma français, en quelques années, au début des années soixante-dix, était devenu un des piliers du cinéma de genre italien, principalement dans le giallo et le poliziottesco. Athlétique, il est souvent utilisé dans des rôles de vengeur teigneux et colérique. Ça ne manque pas ici. Souvent minimisé, ce film concentre pourtant de nombreux thèmes du poliziottesco dont il semble être une quintessence. 

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

Deux enfants sont enlevés devant leur école, en plein jour 

Mario Colella est veuf, mécanicien sur moto, il élève tout seul son fils Fabrizio. Mais lorsque des gangsters enlève le fils de Filippini, un riche promoteur, Fabrizio tente de le défendre, il se fait enlever avec lui. Les enfants vont être détenus, tandis que les tractations vont commencer. Les policiers ont du mal à trouver quelque piste, et le commissaire Magrini soupçonne que des gens influents sont derrière cet enlèvement. Filippini en vérité ne veut pas payer la rançon pour son fils, il va chercher à gagner du temps en faisant comme si les ravisseurs ne l’avaient pas contacté, il charge sa secrétaire Lina de jouer les intermédiaires en cachette de tout le monde. Son but est de ne pas payer les 10 milliards de lires, mais de marchander pour obtenir un rabais. Les ravisseurs sont décontenancés par cette attitude. Et pour débloquer la situation vont tuer le fils de Colella pour faire pression sur Filippini. Ça fonctionne, Filippini va payer. Mais Colella est décidé à se venger. Il va surveiller les agissements des ravisseurs, puis récupérer l’argent de la rançon versée par Filippini. Mais cela ne lui suffit pas, il cherche à remonter jusqu’aux commanditaires à qui il propose de partager la rançon en s’associant avec eux. Grâce à Lina qui joue un double jeu en travaillant aussi pour les ravisseurs, il va avoir rendez-vous avec les pontes de l’IFI, Instituto Finanziario Internazionale. Mais au lieu de se rendre aux exigences de ce groupe, ils les assassinent froidement, et dans la fusillade, Lina est tuée également. A la sortie de l’immeuble où il vient de faire un massacre, il va tomber sur Pardi, l’assassin de son fils qui est un intermédiaire du groupe, et il va le tuer. 

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

Filippini donne une conférence de presse pour parler de l’enlèvement

En première approche, on peut faire une analyse en termes de classes sociales de ce film. Colella est un homme du peuple, il travaille de ses mains pour élever tout seul son fils. Filippini, lui, brasse des milliards, et tente d’en perdre le moins possible, estimant sans doute que la vie de son fils ne vaut pas 10 milliards de lires. Rompu aux combines, le riche promoteur utilise toutes les ficelles de la négociation. Colella, lui, n’a pas ces facilités et va réagir d’une manière violente à la mort de son fils, avec le but d’éliminer les crapules qui l’ont, directement ou indirectement, privé de la vie de son fils. Toute la première partie du film va reposer sur cette opposition qui bien évidemment suscite le dégoût du spectateur. Le second thème, celui-là récurrent et fondateur du poliziottesco, est l’impuissance de la police. Le commissaire Magrini enrage aussi bien en face de la sauvagerie de la bande des ravisseurs, que des puissants qui ne pensent qu’à leur argent. Il approuvera donc la démarche de Colella. Mais derrière tout cela il y a aussi le thème que les petits voyous sont finalement bien moins responsables que les voyous en col blanc qui se cachent derrière une fausse respectabilité. Les gangsters apparaissent dans un système de poupées russes qu’il faut démonter pour comprendre la logique des rapts qui sévissaient à cette époque en Italie. Cette collusion aussi intense entre la haute finance et le gangstérisme est très spécifique de ce pays. 

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

Le commissaire Magrini explique à Colella la complexité de la situation 

Tout cela est assez original. Mais il y a aussi une analyse en termes de caractères. Si Colella et les gangsters qui procèdent au rapt sont clairement définis dans leur rôle, il apparaît qu’un certain nombre de protagonistes sont ambigus. D’abord Filippini qui tire sur la corde jusqu’à ce qu’elle casse. Il est d’ailleurs curieux dans ce scénario que finalement Colella épargne celui qui, par son attitude, est le premier responsable du meurtre de son fils. Sans doute que le scénario serait devenu plus compliqué à faire tenir debout si on avait décidé d’y inclure cette possibilité. Mais il y a aussi le rôle que joue Lina, officiellement la secrétaire de Filippini et qui probablement a renseigné la bande sur son patron et son argent. C’est finalement elle qui est le pivot de l’histoire puisqu’elle joue un triple jeu et qu’elle ment à tout le monde sans trop qu’on comprenne quelles sont ses intentions véritables. Les femmes présentent un caractère négatif. L’épouse de Filippini est totalement hystérique et apparait comme une entrave à la résolution du kidnapping. Curieusement Colella n’a pas de relation féminine, comme s’il s’en méfiait. Il se plein d’ailleurs que sa femme en décédant bien trop tôt l’ait finalement abandonnée et contraint de renoncer à la compétition de moto-cross qui était sa véritable passion. 

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

Colella découvre le cadavre de son fils 

La conduite du récit est assez déroutante. La première partie est extrêmement bavarde et répétitive. Les choses vont bien mieux dans la seconde partie dès lors que l’assassinat de Fabrizio va obliger Colella à agir. Fernando Di Leo va mettre ainsi en œuvre un vrai savoir faire dans les scènes d’action comme dans les poursuites en moto dans Milan et sa banlieue. C’est bien mieux que les insipides gros plans qui soutiennent tant bien que mal un dialogue lourdingue. Ici encore, Di Leo filme les protagonistes qui écoutent et ne parlent pas, tandis qu’on entend ceux qui causent en dehors du cadre. C’est une curieuse méthode, et sa systématisation donne un aspect étrange. Il y a ainsi une très longue scène où on voit le commissaire Magrini filmé en gros plan et qui ne parle pas, bougeant la tête tandis que ses seconds lui font, tout à tour, un rapport détaillé sur la situation. 

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

Colella transactionne avec Pardi pour rencontrer les commanditaires de l’enlèvement 

L’interprétation c’est d’abord Luc Merenda, présent de bout en bout. Toujours un peu crispé, le film met en valeur son caractère teigneux et athlétique dans le rôle du mécanicien Colella. James Masson est totalement terne dans l’interprétation de Filippini. Il a vraiment l’air de n’être là que pour prendre son cachet. Il illustre la stratégie du film de genre italien : accolé à une vedette italienne ou européenne un nom anglo-saxon prestigieux, même si sa gloire est manifestement passée. Il y a cependant quelques rôles secondaires très intéressants. D’abord l’excellent Vittorio Caprioli qui joue le commissaire Magrini avec colère et détermination. Puis Irina Maleeva dans le rôle de la louche Lina. Valentina Cortese est plutôt mauvaise dans un rôle de la femme hystérique de Filippini. Mais c’est sans doute l’écriture du rôle et du dialogue qui l’empêche d’être bonne. 

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

Filippini a retrouvé son fils 

La musique est tout de même assez horrible et lourdingue. Mais si c’est loin d’être du meilleur Di Leo, le film se laisse tout de même voir. La photo est bonne, bien travaillée sur les couleurs et le sujet est intéressant tout de même

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975

Lina est venue voir Colella pour le compte de Pardi 

Colère noire, La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori, Fernando Di Leo, 1975 

Colella a fait un massacre


 

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