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Le blog d'Alexandre Clément

Eva, Joseph Losey, 1962

 Eva, Joseph Losey, 1962

La carrière de Joseph Losey est parsemée d’embûches. Quand il n’a pas de vrais problèmes avec les producteurs ou avec les censeurs de l’HUAC, il se crée lui-même des difficultés. Eva a été exemplaire de ce point de vue. Il semble que ce soit d’abord Stanley Baker qui ait suggéré aux frères Robert et Raymond Hakin qui avaient acheté les droits du roman, d’engager Losey avec qui il avait déjà travaillé par deux fois. Ceux-ci avaient déjà signés des contrats avec Stanley Baker donc et Jeanne Moreau. Les difficultés commencèrent quand Losey voulu refaire entièrement le scénario parce qu’il trouvait que le roman était franchement mauvais et que James Hadley Chase était un écrivain de dernière catégorie, racoleur et j’en passe. C’était avant qu’on ne se préoccupe de la proximité qu’il pouvait y avoir entre Graham Greene, écrivain respecté, et James Hadley Chase qui n’aurait été qu’un prête-nom pour celui-ci. Et puis évidemment ensuite on réévaluera toute la littérature policière, à la fin des années soixante. Pourtant si on y regarde de près, l’ouvrage de Chase est très proche du film de Losey, au moins dans l’esprit, sauf qu’il est dépaysé à Venise et à Rome au lieu de se trouver à Hollywood. La référence à James Hadley Chase que certains considèrent malgré tout comme un maître du roman noir, signifie clairement qu’il s’agira d’un film noir. Le thème est construit autour d’un écrivain médiocre qui « vole » le manuscrit d’une pièce à un mourant pour atteindre le succès. Ce thème concerne à la fois Losey et Chase. Losey parce qu’il connaissait toutes les histoires qui tournaient à Hollywood autour des prêtes-noms qui signaient des scénarios qu’ils n’avaient pas écrits de façon à exploiter la créativité de ceux qui ne pouvaient guère protester parce qu’ils étaient sur liste noire. Et puis James Hadley Chase avait été accusé plusieurs fois d’avoir plagié à la fois Raymond Chandler et James M. Cain, avant d’être soupçonné d’être un simple prête-nom pour Graham Greene[1]. Mais bien entendu le roman comme le film va dépasser cette question sulfureuse. Je crois pour ma part que Losey n’aimait pas le roman essentiellement parce qu’il était considéré à l’époque comme un produit vulgaire de la culture populaire. Il le dénigrait donc par principe parce qu’il se voulait sophistiqué et très cultivé. Officiellement le film est franco-italien, mais produit par les frères Robert et Raymond Hakim qui ont grenouillé dans le cinéma international. Losey les traitera de « marchands de cacahuètes », se plaignant d’avoir été escroqué, son film aurait été aussi dénaturé. Nés à Alexandrie en Egypte, ils ont produit notamment le chef d’œuvre René Clément, Plein soleil, qui lança la carrière d’Alain Delon, mais ils avaient aussi produit avant Pépé le moko, des films d’Antonioni, de Pagnol, d’Anatole Litvak ou encore de Sam Wood, Duvivier encore avec Chair de poule, ou Luis Buñuel dont ils firent de Belle de jour un grand succès ommercial, et un des rares films intéressants de Catherine Deneuve[2]. C’était donc des producteurs très expérimentés et ambitieux qui travaillaient à la fois dans le cinéma haut de gamme et dans le cinéma destiné à un public international. Le film lui-même était très cosmopolite. Joseph Losey était un américain réprouvé, son scénariste Hugo Butler était encore sur la liste noire, même si celle-ci avait beaucoup perdu de sa virulence. Jeanne Moreau était française, bien que sa mère soit d’origine anglaise, Stanley Baker était Gallois, Virna Lisi et une grande partie de la distribution était italienne. La langue de tournage était l’anglais et l’italien. La musique écrite par un français. Mais avec ce film Losey va franchir une étape dans sa carrière et s’éloigner du film noir, ou néo-noir, pour aller vers des réalisations plus expérimentales dans la forme, on passe d’une approche où la forme est dicté par le récit à une approche où le récit n’est plus que le véhicule d’exercices formels. Cela ira en s’amplifiant jusqu’au catastrophique Boom ! qui à force de circonvolutions esthétisantes ne voulait plus rien dire du tout. Mais dans les années soixante, la trituration des formes était une manière de se démarquer de la production courante et de viser un public de plus en plus instruit et de plus en plus cinéphile. Les choses ont bien changé aujourd’hui dans le cinéma occidental où la platitude du style aboutit à une forme d’uniformisation sans grâce, fade pour tout dire. 

Eva, Joseph Losey, 1962 

Tyvian Jones est un écrivain à succès qui mène grand train et boit comme un trou. Il doit aussi se marier avec la belle Francesca qui travaille dans le cinéma. Le réalisateur Branco est aussi amoureux d’elle. Mais un soir de pluie, Eva et son client, pénètre dans la maison de campagne de Tyvian après avoir brisé la fenêtre.  Tyvian arrive peu après et se met dans l’idée de séduire Eva en mettant son client à la porte. Mais celle-ci l’assome et s’enfuit. Dès lors Tyvian va courir après Eva. Celle-ci s’en amuse, lui fait dépenser beaucoup d’argent mais le prévient qu’elle ne sera jamais amoureuse de lui, préférant mener une vie indépendante et solitaire. De rencontre en rencontre, elle va ruiner Tyvian. D’abord celui-ci délaisse Francesca qui en souffre, et Branco qui commence à enquêter sur lui va se rendre compte qu’il est un imposteur. De son côté Tyvian avouera à Eva qu’il prend pour sa confidente qu’il a volé le manuscrit de son frère et que c’est grâce à ça qu’il est devenu indûment riche et célèbre. Mais Eva l’humilie un peu trop, et Tyvian qui se lasse revient vers Francesca pour se marier. Branco la met en garde et lui montre le résultat de l’enquête qu’il a menée sur Tyvian, Francesca l’ignore. Mais le jour de son mariage, Eva lui téléphone et lui demande de la rejoindre à Venise dans un hôtel de luxe où ils pourront flamber tout l’argent qui lui reste. Les choses se passent mal, et Tyvian finalement rejoint Francesca pour la noce. C omme il l’a dans la peau, il va pourtant la retrouver près de Rome dans sa maison de campagne. Mais Francesca arrive et découvre le couple. Elle s’enfuit, et se suicide. Après les funérailles, Tyvian va tenter de retrouver Eva. Il s’introduit chez elle alors qu’elle dort, mais en se réveillant, elle attrape sa cravache et le jette dehors. Il la retrouve ra une dernière fois sur la place Saint Marc à Venise, lui disant qu’il l’attendra, mais elle est avec un autre client et joue les indifférentes, le renvoyant à sa honte et à sa solitude. 

Eva, Joseph Losey, 1962 

Tyvian fait la connaissance d’Eva 

Comme on le voit l’histoire suit le roman de James Hadley Chase, certes il y a des modifications importantes en dehors du dépaysement vers l’Italie. D’abord Eva qui est bel et bien une grue contrairement à ce que dit Losey, n’est pas tout à fait une prostituée, en ce sens qu’elle semble solitaire, donc qu’elle ne travaille pour un maquereau, et qu’au-delà de l’argent elle semble s’être donné comme but singulier d’emmerder les hommes qui couchent avec elle. Ce point est la plus grande différence, mais ne joue pas en faveur de Losey. En effet Chase décrit une femme d’un niveau intellectuel faible, et donc complètement indifférente à tout, une vraie putain sans ambition autre que de gagner son bœuf. En introduisant une telle sophistication du personnage d’Eva, Losey en ruine au fond la crédibilité. Sans doute cela change beaucoup de chose parce que dans le livre le personnage qui porte le nom de Clive Thurston, est certes attiré par l’indifférence d’Eva, mais aussi par son animalité, il veut la séduire et la vaincre physique, soit laz faire jouir. Dans le film on sait qu’il a volé le manuscrit d’un roman à son frère, mais on ne saura pas ce qu’est devenu ledit frère, alors que dans le roman il vole le manuscrit d’un mourant, ce qui a mon sens va plus loin dans la négation de celui-ci pour lui permettre d’endosser une fausse identité. L’autre différence majeure entre les deux œuvres est que chez Chase Thurston a des problèmes d’argent très graves et donc il se ruine littéralement. Or dans le film on voit bien qu’il dépense énormément, mais pas qu’il va bientôt être broyé par le manque de liquidités, ce qui aurait pu être un motif de distanciation d’Eva. Il s’ensuit que Chase décrit un milieu hollywoodien cruel et sans pitié, ce qui explique au fond le comportement de Carol qui veut se marier avec Clive pour se protéger, tandis que le milieu du cinéma italien semble tout de même manquer de cette cruauté, ce qui rend plus mystérieux les raisons du suicide de Francesca. La fin également est différente, dans l’ouvrage, Clive s’est finalement purgé aussi bien de sa passion mortifère pour Eva que de ses ambitions littéraires, il a décidé de vivre petitement à l’abri du succès et de la gloire, ce qui veut dire que non seulement en fréquentant l’ignoble Eva il se punissait d’avoir volé le manuscrit d’un mort, mais que la gloire et l’argent se payaient aussi de ce genre de trouble passion perverse. Si dans le film de Losey la critique de l’argent et des rapports qu’elle engendre est relativement secondaire, dans le roman, elle est explicite et centrale. 

Eva, Joseph Losey, 1962

Eva fait semblant de se confier 

Joseph Losey était très content de ce film, tout en dénonçant les coupures que les producteurs lui avaient imposées. Il considérait que c’était la première étape vers une œuvre originale dont le centre serait la perversité. Cette perversité se trouve dans des rapports sado-masochistes qui seront encore plus explicites dans The servant et plus tard dans Secret ceremony. Je me suis longtemps demandé pourquoi ce film de Losey qui a fait énormément pour sa renommée de grand réalisateur, ne me touchait pas vraiment. La raison est contenue dans le texte issu de la Bible qui défile sur l’écran à la fin : Losey était un puritain contrarié, un homme qui avait des problèmes avec le péché. C’était sans doute le résultat de son éducation. Et c’est peut-être pour ça qu’il se trouvra finalement assez à l’aise en Angleterre. Ce qui attire Tyvian ce n’est pas la beauté d’Eva, Francesca est beaucoup plus jolie et probablement plus intelligente et elle réussit sur le plan professionnel. C’est la méchanceté d’Eva et sa vacuité qui la rende attirante à ses yeux. Cette femme vénéneuse n’a en effet rien pour elle, rien pour attirer quelqu’un de normal. Mais ce qu’elle propose aux hommes – je devrais dire plutôt ses clients – c’est un affrontement du type, jusqu’où pourra tu me supporter, jusqu’ou voudras-tu bien souffrir par moi pour te racheter de tes péchés. C’est en somme une vision psychologisante de la rédemption. 

Eva, Joseph Losey, 1962

Le jour de son mariage Eva téléphone à Tyvian 

Au-delà de l’analyse des relations sexuelles louches avec la perversité, il y a cependant une lutte plus basique entre les sexes. Quoi qu’on pense du film par ailleurs, il y a un trio. Tyvian va être tiraillé entre deux femmes très dissembables. Et il ne sait pas choisir entre le désordre proposé par Eva et l’ordre incarné par Francesca. La jalousie est évidemment à l’œuvre dans cette lutte. Si Francesca est jalouse d’Eva qui ruine aussi ses plans, Eva l’est tout autant de Francesca lorsqu’elle téléphone à Tyvian pour démontrer à Francesca que c’est bien elle qui possède le faux écrivain. Cet aspect n’existe d’ailleurs pas dans le roman où Eva ne s’occupe pas de Carol. Il va y avoir un jeu de masques. Tous les personnages sont masqués et d’ailleurs puisque nous sommes à Venise, on verra aussi Tyvian porter un masque de carnaval. Tyvian est un faux écrivain, Eva une fausse solitaire qui ment tout le temps en prétendant qu’elle s’occupe avec d’autres hommes en attendant son mari qu’elle vénèe. Au casino, elle sera démasquée. Francesca se ment probablement à elle-même quant à ses sentiments envers Tyvian. Eva ment encore quand elle raconte sa vie de misère à Tyvian, prétendant avoir été abusée à l’âge de 11 ans. Mais le mensonge est une protection, et lorsque Tyvian prétend se confesser à Eva, en lui racontant ce qu’il n’ose pas dire à Francesca de son passé, il amène sa propre destruction, Eva le méprise pour sa franchise, son incapacité à se protéger, encore plus que pour tout le reste. 

Eva, Joseph Losey, 1962

La noce, bien que décalée aura tout de même lieu 

Ce film a un rapport étroit et peut être méconnu avec Roger Vailland. En effet Eva ressemble beaucoup à Frédérique de La truite, ouvrage publié en 1964. Or Roger Vailland connaissait Losey et celui-ci mettra en scène le film tiré de La truite en 1982. Dans ce film par ailleurs médiocre, Isabelle Huppert incarne Frédérique, et c’est Isabelle Huppert qui sera Eva dans le remake malheureux de Benoît Jacquot en 2018[3]. Le roman de Roger Vailland, et c’est pour ça que j’en parle ici, traite de la frigidité, cette frigidité que l’écrivain transforme en arme de combat féministe, a un rapport direct avec l’eau. Losey utilise l’eau, d’abord parce que c’est celle-ci qui amène Eva à Tyvian, mais ensuite parce que l’eau c’est Venise et la mort à Venise de Francesca. L’eau n’est pas ce qui réunit, mais ce qui dissout, c’est l’écoulement du temps. L’eau est partout présente, il y a des aquariums, et puis Eva qui passe son temps à se faire couler des bains, peut-être en voulant se débarrasser de ses péchés, ceux qu’elle a commis et ceux à venir. Malgré tout ça, le film est moins le portrait d’Eva que celui de Tyvian, non seulement parce qu’on ne sait pas grand-chose d’elle, mais aussi parce qu’elle est bornée par sa cupidité et sans vraie ambiguité. Tyvian s’interroge en permanence sur ce qu’il est : est-il un homme, un vrai ? Est-il a la hauteur sur le plan sexuel ? Sait-il ce qu’il veut ? Le malaise chez le spectateur, voulu très certainement par Losey qui partage ainsi ses propres angoisses, provient de ce que tous les personnages, sans exception, sont profondément antipathiques. Et particulièrement cette tête à claques d’Eva. Comme si le monde n’était finalement peuplé que de monstres

Eva, Joseph Losey, 1962

Eva a été humiliée car Tyvian l’a giflée 

La mise en scène de Losey est très sophistiquée, très calculée, ne se laisse aller à aucune fantaisie et donc elle est intéressante à étudier, mais cette étude nous laisse à vrai dire un peu de marbre. Tout est symbole chez Losey, on l’a déjà dit pour l’eau, mais il y en a beaucoup d’autres. D’abord le film est saturé de miroirs, vieux tic du film noir, ici ils ont la fonction de prouver le mensonge et l’ambiguïté des protagonistes. Il y en aura de partout. Eva se contemplant comme si elle jouait un rôle tout en étant en même temps le seul public. Certains miroirs sont filmés comme en enfilade, histoire de préciser un peu plus, des fois qu’on n’aurait pas compris, la profondeur abyssale de la détresse de Tyvian. Un des derniers plans du film c’est Eva qui se contemple dans un miroir qu’on vient de lui offrir, tandis que Tyvian tente de l’approcher. Se regarde-t-elle en train de vieillir ? Filmant Venise dans une version non touristique, ou à peine, Losey choisit l’hiver qui rend l’eau encore plus froide. Il va aussi utiliser le blanc, un blanc hivernal qui annonce finalement la mort. Mais au-delà de ces symboles parfois lourdement assénés, il y a tout de même de belle séquences très maîtrisées, comme tous ces mouvements de foules dans les bars ou au casino qui font tourner la tête. Le rythme et le découpage sont très intelligents et maîtrisés. Il multiplie aussi les prises de vue en plongée, ou en perspective légèreemnt plongeante, ce qui donne une meilleure idée de l’espace dans lequel se débattent les protagonistes. Un apprenti cinéaste apprendrait sans doute beaucoup en étudiant ce film d’une manière attentive. 

Eva, Joseph Losey, 1962 

Les funérailles de Francesca sont suivies aussi par Branco 

La distribution c’est, selon moi, d’abord Stanley Baker dans le rôle de Tyvian. Il est excellent, et probablement que sans lui le film n’aurait que peu d’intérêt. Il passe assez facilement du rire aux larmes, de l’affirmation ostentatoire de sa virilité à l’abandon enfantin. Il a la nervosité qu’il faut. Il y a ensuite Jeanne Moreau. Si ce rôle a fait beaucoup pour sa renommée, je la trouve tout de même assez incertaine et peu crédible en femme fatale. On a dit que Losey l’avait filmée amoureusement, lui-même en disait le plus grand bien. C’est une opinion. Mais il montre les signes de vieillissement d’Eva et donc de Jeanne Moreau, ce qui n’est jamais souligné, comme si le charme de l’actrice n’avait pas à être discuté. On se souvient que dans Blind Date, il utilisait déjà Micheline Presle comme une femme un peu vieillissante. Le jeu de Moreau a toujours été un peu chichiteux, compensant ce maniérisme par des sourires qui tombent assez souvent un peu à plat. Ici elle manque selon moi d’épaisseur. Losey lui donnera un petit rôle par la suite dans Monsieur Klein. Ensuite il y a Virna Lisi. Losey ne l’aimait pas, disant qu’elle ne comprenait rien à rien. Mais outre qu’elle est très belle, qu’elle a un regard lumineux, sa seule présence suffit à démontrer l’inanité du comportement dément de Tyvian qui lui préfère une intrigante. Son personnage est sans doute insuffisamment développé. A mon sens cette très belle femme n’a pas eu la carrière qu’elle méritait. Il y a aussi Giorgio Albertazzi qui est curieusement sur l’affiche, mais pas au générique. Dans le rôle de Branco le réalisateur ombrageux, il manque sans doute un peu de puissance. Losey l’emploiera encore dans L’assassinat de Trotsky. 

Eva, Joseph Losey, 1962 

Tyvian s’est fait jeter dehors par Eva 

La musique est principalement de Michel Legrand. A l’origine Losey, grand amateur de jazz, voulait la confier à Miles Davis, mais pour des raisons compliquées cela ne se fera pas. Cette musique est complétée par des enregistrements de la grande Billie Holiday qui chante Willow weep for me, dans une version assez tragique d’ailleurs, car à la fin de sa vie, elle avait perdu le goût d’à peu près tout et sa voix était devenue très grave et grumeleuse.  Losey aimait Billie Holiday et Jeanne Moreau aussi. Ils n’avaient pas tort. La photo de Gianni Di Venanzo est également excellente et accompagne la fluidité du récit. Petite coquetterie, on verra apparaître au tout début du film, Joseph Losey lui-même, accoudé à un bar tandis que Tyvian se donne en spectacle.  

Eva, Joseph Losey, 1962

Eva a choisi une autre source de monnaie 

Est-ce un film noir ? Et le roman est-il un roman noir, bien qu’il ait été publié en Série noire ? Il n’y a pas de crime proprement dit, juste un peut de cette neurasthénie qu’on trouve souvent dans le « noir ». Le film n’a pas très bien marché à sa sortie, Losey en voulait aux frères Hakim qui avaient refusé de l’envoyer au Festival de Venise, il pensait qu’il aurait pu y décrocher un prix. Cependant la critique, surtout en France, a été excellente, et depuis ce film a acquis le statut de classique. On peut le voir, parce qu’il y a beaucoup de choses sur le plan esthétique, peut être trop, mais qu’on ne s’attende pas à un film criminel avec une tension énorme.

 


[1] Thierry Cazon & Julien Dupré, L’étrange cas du Docteur Greene et de Mister Chase, Editions du Lau, 2014

[2] Liz-Anne Bawden, The Oxford companion to film, Oxford University Press, 1976.

[3] Un des problèmes rencontrés était la question de l’âge. Lorsque Jeanne Moreau incarne Eva, elle a trente quatre ans, Isabelle Huppert dans ce même rôle en a 65 ans ! Une femme fatale de 65 ans, c’est sûrement très original ! Mais Benoît Jacquot y a accolé un amant de 30 ans de moins, un peu comme si on faisait interpréter ce film par les Macron !

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L
In cauda venenum. ("Un peu comme si...")
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