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Le blog d'Alexandre Clément

Frédéric Ploquin & Christine Imbert, Jacky le Mat, Plon, 2023

Frédéric Ploquin & Christine Imbert, Jacky le Mat, Plon, 2023

Jacques Imbert, dit Jacky le Mat, était un des derniers truands d’envergure qui ont donné à Marseille une légende sulfureuse. On l’appelait le dernier parrain, ou des choses comme ça. Mais le fait qu’il soit décédé dans son lit à près de quatre-vingt-dix ans, augmente encore un peu plus son aura. Comme disait Ernst Hemingway, l’important c’est de durer, et Jacques Imbert a duré ! Il est certain qu’aujourd’hui des truands comme celui-là, il n’y en a plus ! Comme beaucoup de truands de cette génération, il n’avait aucune hygiène de vie. Il fumait comme un pompier, s’enivrait dans les boîtes de nuit jusqu’à l’aube, avec finalement assez peu de problèmes de santé. Ceux-ci viendront en effet de son « métier ». Il reçut en 1977 vingt-deux balles dans le corps – sans doute tirées par son ancien associé Gaétan Zampa et ses sbires – mais comme il survécut à cet attentat, cet incident renforça un peu plus sa légende. Franz-Olivier Giesbert tira de cet incident un roman d’une médiocrité rare, qui donna par la suite un film encore plus médiocre de Richard Berry sous le titre de L’immortel, avec Jean Réno dans une transposition moisie de Jacques Imbert et Kad Merad incarnant un misérable ersatz de Zampa. Tout de même, les deux truands ne méritaient pas cela ! Comme disait Jacky Le Mat, « il est complètement con ce film ! » Il est vrai que c’est Luc besson qui a monté ce film. 

Frédéric Ploquin & Christine Imbert, Jacky le Mat, Plon, 2023 

Christine Imbert et Frédéric Ploquin 

Ce livre est écrit à quatre mains, si on peut dire. Il mêle les souvenirs de la dernière épouse de Jacques Imbert et l’écriture de mémorialiste du grand banditisme de Frédéric Ploquin. Christine Imbert connu assez tardivement Jacques Imbert, alors qu’elle avait ouvert un cabinet d’esthéticienne dans le quartier de l’Opéra à Marseille, haut lieu jadis de la truanderie, une sorte de petit village où se mélait le petit peuple de la nuit et les gros poissons de la marloupinerie. Elle lui fit un enfant, Jacky avait alors soixante-dix ans ! Elle ne cache rien ou presque sur les difficultés de son couple, même si elle semble nous dire que pendant de longues années Jacky lui resta fidèle, jusqu’à ce qu’il se laisse tourné la tête par des jeunes et belles marocaines lors de son exil à Marrakech. On a donc deux livres pour le prix d’un, d’une part le témoignage de première main sur la vie intime du truand et d’autre part l’histoire plus ou moins connue de Jacky le Mat dans son métier de grand voyou. Si le témoignage de Christine Imbert ne souffre d’aucune discussion, la partie traitée par Frédéric Ploquin est plus délicate, notamment parce qu’il y a ce que Jacques Imbert a fait d’illégal, et ce qu’on en connaît. Frédéric Ploquin reste sur la réserve. On verra donc Jacky le Mat impliqué dans la guerre contre le clan Guérini, associé pour l’occasion avec Zampa, puis s’associant avec Francis le Belge contre Zampa pour des histoires de drogue et de territoire. La bataille fera après le suicide de Zampa[1] au moins une cinquantaine de morts, et perdurera d’ailleurs après l’assassinat de Francis le belge. Ploquin évite cependant de parler d’un certain nombre d’exploits comme les casses des palaces et des villas de luxe sur la Côte d’Azur, ou encore les extorsions de fonds pour lesquelles il sera condamné. 

Frédéric Ploquin & Christine Imbert, Jacky le Mat, Plon, 2023 

La tombe de Gaétan Zampa au cimetière Saint-Pierre à Marseille 

L’ensemble dresse le portrait d’un homme à la fois violent et généreux dont le moteur semble s’être trouvé bien au-delà de l’accumulation d’un capital. Il traficotait avec Alain Delon dans l’élevage des chevaux. S’impliquant lui-même dans le trot attelé, gagnant même des courses importantes, jusqu’à ce qu’il se fasse exclure des hippodromes pour une sombre histoire de paris. Il aimait bien Alain Delon qui en retour aimait beaucoup les grands voyous. Jacques Imbert aimait la compétition, et en dehors des canassons, il s’adonnait à la voile. 

Frédéric Ploquin & Christine Imbert, Jacky le Mat, Plon, 2023 

Francis Vanverberghe, dit « Francis le Belge » 

C’est un témoignage important et décisif pour l’histoire du grand banditisme marseillais, même si on en apprend plus sur la vie quotidienne de Jacques Imbert que sur les secrets du grand voyou Jacky le Mat, surnom qui voulait dire qu’il était un peu fou, capable de se lancer dans les entreprises les plus folles. En même temps cet ouvrage nous parle d’un Marseille qui n’existe plus, même dans sa légende noire !


[1] Beaucoup ont trouvé le suicide de Gaétan Zampa, certains ont voulu y voir une élimination parce qu’il en savait trop des combines qui impliquaient les truands du coin avec des politiciens. Il est vrfai que l’idée de suicide ne cadre pas vraiment avec la mentalité des grands voyous. Mais en la matière on est sûr de rien, sauf de la date de son décès.

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