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Le blog d'Alexandre Clément

He ran all the way, the life of John Garfield, Robert Nott, Limelight Editions, 2003

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Le talent de John Garfield est immense et reconnu. Sa carrière au cinéma a été relativement brève, s’étendant de 1938 à 1952, date de son décès prématuré, il avait à peine 39 ans. S’il est un acteur emblématique du film noir, il est aussi un précurseur dans le jeu et par là, a eu une influence sur un grand nombre de ses collègues, à commencer par Humphrey Bogart dont le jeu va changer à partir du moment où justement Garfield devient une star au statut un peu particulier. Ce qui est frappant dans son jeu, c’est sa spontanéité, sa fraîcheur, cette capacité à laisser croire qu’il vit plus ses personnages qu’il ne les joue. Et pourtant, ainsi que le rappelle Robert Nott, Garfield est d’abord un acteur de théâtre. Gosse de la rue en rupture de ban, promis à la délinquance, il va trouver une famille et une raison de vivre dans le théâtre engagé et d’avant-garde.

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A New York, il fréquente le théâtre d’extrême-gauche, presque tous ses collègues sont membres ou proches du parti communiste, le plus souvent juifs comme lui, juifs en voie d’émancipation si on peut dire. Bien qu’assez peu politisé, il est engagé, mais il ne sera jamais membre du parti communiste. Il faut dire que le principal de sa carrière se fera chez Warner Bros au moment du New Deal. A ce moment-là la très grande majorité du peuple d’Hollywood était à gauche. C’est sa femme qui lui servait de mentor en matière politique et qui, elle, se retrouva encartée. C’est un élève de Lee Strasberg, un adapte de la méthode comme après lui Marlon Brando, James Dean ou Robert De Niro. A New-York il travailla avec Kazan, avec Franchot Tone qui lui aussi devint un pilier du film noir. Garfield appartenait à cette catégorie particulière qui visait tout simplement à faire du théâtre et des films pour changer un monde qui ne leur plaisait pas. Entretenant de mauvaises relations avec son père, il fut aussi très marqué par la disparition dramatique de sa petite fille Katherine. Cette perte douloureuse le renforça dans une orientation de rôles plus sombres.

Il eut comme on sait de très nombreuses relations extra-conjugales, ce qui n’est pas une exception à Hollywood. Mais il eut aussi quelques liaisons avec ses partenaires à l’écran. Parmi celles-ci on retiendra celle avec Gloria Dickson, la Peggy de Je suis un criminel, et surtout celle avec la sulfureuse Lana Turner au moment du tournage du Facteur sonne toujours deux fois. Shelley Winters prétend elle aussi avoir eu une relation sexuelle avec John Garfied sur le tournage de He ran all the way.

D’origine juive, il était né Julius Garfinkle, mais il fit officialiser John Garfield comme son véritable patronyme, il avait été très sensible à l’antisémitisme et au racisme. Il se battra pour les droits des noirs – ce qui lui sera reproché par l’HUAC – et sera un des premiers à mettre en scène ces problèmes dans Body and Soul en 1947. 

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Ici avec Edith Piaf lors de son séjour parisien pour le tournage de Under my skin en 1950

 

C’était un acteur impliqué dans ses interprétations, un homme de passion, au point de se faire producteur pour porter des projets qui lui tenaient à cœur comme par exemple Body and Soul de Robert Rossen, ou le magnifique Force of Evil d’Abraham Polonsky. Deux films qui font partie du panthéon des films noirs. Plus généralement John Garfield a développé un personnage de looser magnifique qui remet en question l’optimisme béat véhiculé par l’American Way of Life – l’anti John Wayne si on veut. Dans la galaxie des stars hollywoodiennes, il est celui qui représente le mieux le doute. Il était très populaire, ses films furent de très grands succès, ce qui ne l’empêchait pas de rechercher des scénarios de qualité qui manifestaient aussi de son engagement.

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Avec John Huston au Stork Club

 

De la vie de John Garfield on connaissait évidemment déjà beaucoup de choses, ses engagements, son goût pour les femmes – ce qui n’est pas quelque chose de bien original à Hollywood – mais l’ouvrage de Nott apporte des détails très intéressants non seulement sur ses années d’apprentissage, mais aussi sur la fin de sa vie et sa confrontation avec les canailles de l’HUAC. Une large partie des auditions est retranscrite dans l’ouvrage. On y voit un John Garfield harcelé, tourmenté, essayant de conserver son honneur tout en évitant la déchéance de la prison. Le livre a eu semble-t-il l’imprimatur de la famille, notamment de la fille de John Garfield, Julie, ce qui n’empêche pas l’auteur d’être sans complaisance avec son sujet. 

 

Il est bien dommage que ce livre ne soit pas traduit en français pour ceux qui auraient des difficultés avec la langue de Shakespeare. Robert Nott aime John Garfield et le décrit comme un personnage attachant qui au fond ressemblait fort à ses héros négatifs qu’il interprétait à l’écran.

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