8 Juillet 2022
Lady in a cage, Walter Grauman, 1964
James Caan est décédé à quatre-vingt-deux ans. Contrairement à ce qui a été dit ici et là, ce n’est pas Coppola qui l’a découvert et rendu célèbre avec The godfather. Il a commencé une carrière d’acteur de premier plan avec Lady in a cage de Walter Grauman où il jouait le rôle d’un pâle voyou qui terrorisait une pauvre femme bloquée dans son ascenseur, jouée par Olivia de Havilland. Si le film n’avait pas eu beaucoup de succès, la performance de James Caan avait été très remarquée[1]. Il enchaina les films à partir de ce moment-là, confronté à John Wayne dans le très médiocre El Dorado, pâle remake de Rio bravo. Plus tard, en 1968, on le retrouve déjà chez Francis Ford Coppola pour le très bon The people rain, film qui n’eut pas un grand succès, mais qui fut salué par la critique comme l’avènement de ce qu’on allait appeler le Nouvel Hollywood. Déjà James Caan se confrontait à Robert Duvall, autre acteur important de la famille de Coppola. Dès à présent les films marquants de sa carrière qu’il gérera en dépit du bon, seront des films noirs. Son physique s’y prêtait en ce sens qu’il représentait une forme de brutalité ambiguë et ironique, distanciée dans sa mise en scène. Sur le plan de sa vie personnelle on a mis en avant ses problèmes avec la drogue et ses origines un peu voyoutes. Mais si cela a sûrement jouer un rôle dans sa manière de faire l’acteur, il n’est pas très intéressant de trop insister là-dessus. C’est donc de l’acteur qu’il faut parler et un acteur c’est pas seulement quelqu’un qui sait jouer, c’est aussi une présence physique.
The rain people, Francis Ford Coppola, 1968
Bien évidemment The godfather lui donna l’occasion de faire un meilleur étalage de son talent[2]. Le rôle était plus important aussi, bien qu’il soit moins présent à l’écran que Marlon Brando ou Al Pacino. Il y incarnait le fils ainé du parrain, Santino, celui qui est sensé prendre la direction à terme de la famille. C’était un acteur d’instinct si je peux dire qui jouait énormément de son corps, et pas seulement parce qu’il avait une carrure athlétique. Il occupait l’espace, sans pour autant en devenir envahissant. Cette impulsivité était en adéquation parfaite avec son rôle dans The godfather. Je passe sur sa participation au cinéma de Claude Lelouch, tous les acteurs tournent dans des daubes, mais Rollerball de Norman Jewison, film sur le sport et la violence dans un monde futuriste, fut un grand succès public et critique.
The godfather, Francis Ford Coppola, 1971
Acteur prolifique, gérant assez mal sa carrière, il s’engagea parfois, et même souvent, dans des productions un peu douteuses. Mais il retrouva de grands rôles, d’abord chez Sam Peckinpah dans The killer elite en 1975. Un film d’espionnage crépusculaire et ultraviolent où il jouait le rôle d’un espion handicapé consécutivement à la trahison de son « ami », interprété par Robert Duvall. Ce film est assez méconnu en France, mais il eut un bon succès aux Etats-Unis. C’est un très bon Peckinpah[3]. Il était accompagné sur ce film de Bo Hopkins, acteur récurrent de la filmographie de Peckinpah qui nous a quitté il y a à peine un mois.
The killer elite, Sam Peckinpah, 1975
Dans The thief¸ de Michael Mann, James Caan incarnait Frank, un casseur à l’ancienne, une sorte d’artisan du crime[4]. C’était un rôle assez compliqué qui préfigurait le mélancolique Neil McCauley qu’interprétera avec brio Roberte Niro dans Heat, du même Michael Mann. C’est un très bon film, avec un jeu sur les couleurs bleutées, mais James Caan surprenait aussi parce qu’il travaillait son rôle avec plus de discrétion, moins d’exubérance dans le jeu.
Thief, Michael Mann, 1981
En 1987 James Caan retrouva Coppola dans Garden of stone, il incarnait le sergent Hazard, un vétéran de la Guerre de Corée qui se posait des questions sur la guerre du Vietnam – le jardin de pierres étant bien sûr le cimetière des soldats tués en service. Il donnait la réplique à Angelica Huston dans un film très réussi, plein de délicatesse et de mélancolie. Ce film n’eut malheureusement aucun succès, mais il valait pourtant le détour, ne serait-ce que par sa volonté de s’écarter des poncifs du type « la guerre ce n’est pas beau » ou « la guerre est nécessaire pour défendre la démocratie ». C’était un contrepoint habile à la démesure de Apocalypse Now.
Garden of stone, Francis Ford Coppola, 1987
Quelques années plus tard, James Caan retrouva un rôle intéressant chez Rob Reiner. Un vrai film noir d’après Stephen King. Le face à face mortifère entre un écrivain à succès et une fan, incarnée par la géniale Kathy Bates qui, sous les dehors d’une brave ménagère sans aspérité, s’ingéniait à assassiner à petit feu son idole pour mieux se l’approprier. En interprétant Paul Sheldon, un habitué de la séduction et du succès, James Caan passait une grande partie du film, allongé, immobilisé comme un enfant qui vient de naître, incapable d'utiliser sa puissance. Le film, habité d’un grand cynisme, fut un grand succès et c’était mérité.
Misery, Rob Reiner, 1990
Par la suite James Caan qui commençait à vieillir eut beaucoup plus de mal à retrouver des grands rôles. Il en fut même réduit à tourner pour Guillaume Canet qui se lança en 2013 dans un remake très inutile du déjà très inutile Liens de sang de Jacques Maillot. Mais en 2000 il trouva un très bon second rôle dans The yards de James Gray. Bien entendu tous les grands acteurs d’Hollywood ont connu des hauts et des bas, et tous, même les plus grands ont joué dans des navets. Mais au bout du compte les excellents films de James Caan qui restent dans notre mémoire suffisent pour dire qu’il a fait tout de même une très belle carrière.
The yards, James Gray, 2000
[1] http://alexandreclement.eklablog.com/la-femme-en-cage-lady-in-a-cage-walter-grauman-1964-a114844670
[2] http://alexandreclement.eklablog.com/le-parrain-the-godfather-francis-ford-copppola-1971-a204147074
[3] http://alexandreclement.eklablog.com/tueur-d-elite-the-killer-elite-sam-peckinpah-1975-a167222854
[4] http://alexandreclement.eklablog.com/le-solitaire-thief-michael-mann-1981-a129428092