21 Avril 2021
Without warning ayant bien marché, l’équipe Gardner-Levy-Laven se reforma facilement. Mais cette fois l’ambition était un peu plus élevée, le budget un peu plus important, la durée approchait presque une heure et demie. Et puis on avait pu engager de grandes vedettes, Edward G. Robinson et Paulette Goddard que les grands studios snobaient parce que la chasse aux sorcières, cette vérole, les avaient désignés comme communistes. Ils étaient donc moins chers qu’avant de se faire mettre au purgatoire. Le sujet provient d’un ouvrage de Leslie T. White, auteur prolifique dont aucun n’a été traduit chez nous, mais qui garde un public même encore aujourd’hui outre-Atlantique. Il a travaillé aussi pas mal pour le cinéma. Cet auteur avait été, d’après ce que j’ai cru comprendre, un auxiliaire de la police, ce qui expliquerait son goût pour les histoires de flics. Mais cela convient forcément à Arnold Laven, puisqu’à partir de ce film il va moins s’intéresser aux criminels, et un peu plus à ceux qui les poursuivent.
Un policier surprend deux voleurs de voiture
Alors qu’il fait sa ronde de nuit, le policier Kellog surprend des voleurs de voiture. Il tente de les arrêter, mais l’un d’eux va l’abattre d’un coup de revolver dans le dos. Cependant un croquemort, Hartrampf qui sortait de chez sa maîtresse les a vu. La ville est en émoi, et le capitaine Barnaby qui doit aussi gérer d’autres nombreuses affaires, va faire du meurtre de Kellog sa priorité. Mais Hartrampf, mal conseillé par son avocat, refuse de dire quoi que ce soit. Barnaby décide de contourner la loi pour le garder avec lui. Un autre petit truand, Frankie, propose ses services à la police, à condition d’obtenir quelque avantage dans son futur procès. Il dit qu’il connaît une bande qui va attaquer une banque. En vérité c’est Barkis qui était en taule avec lui qui monte le coup, mais ce même Barkis est celui qui a tué Kellog. Car Barkis et Monte volaient une voiture cette nuit là pour préparer leur coup. En même temps que la police va se préparer pour contrer le hold-up, Barnaby convoque Mona, une mère maquerelle, pour qu’elle lui donne des pistes. De même il poursuit la piste de la maitresse de Hartrampf, car il a compris que celui-ci sortait de l’immeuble. L’attaque va avoir lieu, mais un des gangsters, Marty, va au dernier moment faire demi-tour. Si deux des gangsters sont abattus, des employés de la banque sont touchés aussi par les tirs. Barkis et Monte arrive toutefois à s’enfuir, ils ont pris une employée de la banque, Carol, en otage pour protéger leur fuite. La police à retrouvé la maitresse de Hartrampf, et celui-ci va parler de peur que sa femme apprenne sa liaison. Cependant son témoignage ne servira à rien, il est incapable de reconnaître le tueur, le confondant avec un policier dans une séance de retapissage. En usant de ruse, Barnaby va faire parler Mona qui lui indique Marty. La police l’arrête, mais il refuse de dire quoi que ce soit. Le temps presse, Barnaby menace Marty de la chaise électrique et utilise le témoignage de Hartprampf pour faire pression, celui-ci craque et indique le repère de la bande, un hangar au bord de la mer. Pendant ce temps, Monte est allé chercher un bateau pour prendre la fuite. Carol profitant de l’inattention de Barkis tente de s’échapper. Mais la police arrive enfin, abat Barkis, délivre Carol et arrête Monte.
Le capitaine Barnaby doit gérer de nombreuses affaires
Comme on le comprend le personnage de Barnaby est le centre d’un monde qui s’agite dans tous les sens, et à partir de son poste de chef de la brigade, il va relier les fils les uns avec les autres pour enfin mettre de l’ordre dans le chaos. C’est donc le portrait d’un homme opiniâtre et déterminé. Bien que débordé par son activité, il sait faire preuve aussi d’humanité et accorder de l’attention à ceux qui le méritent. S’il montre de l’intelligence dans son activité professionnelle, ce n’est pas un esprit supérieur qui résout les affaires par la réflexion. Bien au contraire, c’est en agissant suivant un protocole, déployant ses filets, faisant pression sur les uns et les autres, rusant éventuellement avec la loi pour faire avancer la justice. L’astuce du scénario est évidemment de mener plusieurs affaires de front, sans perdre le fil. Sa brigade est cependant un collectif dont il sait se faire apprécier. Il y a sa dévouée secrétaire, Giny qui l’aide à mettre de l’ordre dans son travail, et bien sûr les policiers. Tous les autres caractères sont clairement bien moins dessinés que celui de Barnaby. Les gangsters sont un peu trop sommaires, le seul qui est un peu approfondi, c’est Marty qui n’a même pas les qualités d’un braqueur de banque, il est peureux et préfère vivre sur le compte de sa gonzesse qui fait pute chez Mona. C’est moins risqué et moins fatiguant. Mais tous les truands ne sont pas antipathiques, par exemple le Frankie, un habitué, se propose d’aider Barnaby. On comprend que celui-là n’est pas forcément un mauvais bougre, et qu’il n’est pas du genre à abattre des policiers.
Frankie propose un deal à Barnaby
Dans cet univers, l’honnête Hartrampf n’est pas très coopératif, alors même qu’il s’agit du meurtre d’un policier. Il craint tellement sa femme qu’il ne veut rien dire. L’avocat n’est pas non plus très reluisant qui s’applique à compliquer le travail de la police autant qu’il le peut. Par contre, Mona, la mère maquerelle est amie avec Barnaby, et donc le film ne semble pas condamner son métier, ni les filles qui travaillent pour elle. On voit donc que le scénario vise à montrer la complexité des choses, et ne se contente pas de désigner les bons et les méchants. C’est une manière de se vouloir réaliste. Cependant tout cet aspect semi-documentaire n’est là que pour présenter la traque difficile d’un gang très dangereux. A partir de là on va se balader dans la ville et ses redents. C’est comme deux mondes qui ne se fréquentent que par à-coups. Les gangsters travaillent et vivent plus particulièrement la nuit, le plus possible à travers des regards. Mais il y a des passerelles entre deux mondes qui voudraient s’ignorer. Parmi ces passerelles, il y a l’argent, celui de la banque, mais aussi la police comme si les truands étaient finalement un mal nécessaire pour que la société trouve son équilibre.
L’avocat Foreman demande au croquemort de ne rien dire
La mise en scène est très soignée, mêlant opportunément les décors naturels et le studio. On retrouve cette manière particulière à Arnold Laven de saisir les rues de Los Angeles dans leur quotidien. Grâce à la photo une nouvelle fois de Joseph Biroc, il retrouve peut-être plus que dans son film précédent les codes du film noir, avec un jeu d’ombres intéressant, aussi bien dans la scène où Barnaby veut faire parler Marty, que dans la scène de l’entrepôt d’où Carol tente de s’enfuir. Le hold-up est filmé à la grue, par en dessus, comme c’est souvent le cas chez Laven quand il veut saisir le mouvement d’une manière presque géographique. Il y a de longs plans pour montrer comment la bande s’organise et attend le moment où elle passera à l’acte. C’est filmé sur Santa Monica Boulevard, à une époque où on pouvait tout de même se garer encore facilement !
Les gangsters attaquent la banque
L’interprétation c’est bien sûr Edward G. Robinson dans le rôle de Barnaby. Comme je l’ai dit, à cette époque il avait beaucoup de mal à trouver du travail, et sans doute le film de Laven dans lequel il est remarquable de justesse l’a sans doute aidé à relancer sa carrière. Il est étonnant que malgré sa toute petite taille il arrive à donner une impression d’autorité. Paulette Goddard qui ne trouvait de rôle, n’a ici que peu d’espace pour donner toutes les facettes de son talent. Elle incarne Mona avec un enthousiasme un peu surjoué, mais elle n’est pas très présente à l’écran. Les seconds rôles sont souvent des acteurs qui étaient déjà dans le premier film de Laven. Edward Binns qui jouait le flic dans Without warning est ici le gangster Barkis. Adam Williams qui était le sérial killer tourmenté de Without warning s’est assagi et est devenu le membre peureux de la bande, Marty. Tous les deux sont excellents. A leur côté on trouve Lee Van Cleef qui commençait sa carrière mais qui tournait beaucoup, usant de son physique très particulier. Je ne voudrais pas oublier l’excellente K. T. Stevens dans le rôle de la secrétaire de Barnaby, celle qui l’aide et le materne finalement. Les personnages féminins sont limités à leur plus simple expression. On n’oublie pas les personnages drôles, Hartrampf est incarné par Porter Hall dont le physique est suffisant pour justifier son emploi, et puis Jay Adler qu’on voyait à cette époque dans une grande quantité de films noirs et qui est ici le débonnaire Frankie. Harlan Warde qui déjà dans Without warning jouait un policier, reprend du service dans un rôle un peu similaire.
Mona se fait emballer par la police
Le film est bon, très travaillé, mais il lui manque un petit peu d’âme tout de même. Mais il se voit très bien, sans ennui, je lui préfère bien entendu Without warning qui est plus subtil quant à la complexité des personnages, sans doute parce que Laven faisait porter son regard plus sur le criminel que sur ceux qui le traquent. Il y a ici un rythme rapide et une densité qui soutiennent l’intérêt du spectateur jusqu’au bout.
Marty ne veut pas parler
Carol tente d’échapper à Barkis