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Le blog d'Alexandre Clément

Jean-Luc Godard est décédé à 91 ans

Jean-Luc Godard est décédé à 91 ans  

Jean-Paul Belmondo, Jean Seberg, Jean-Luc Godard, sur le tournage d’A bout de souffle 

Jean-Luc Godard était un réalisateur très controversé. Il avait débuté sa carrière d’une manière fulgurante avec A bout de souffle en 1960 qui avait connu un succès inattendu, recyclant les éléments du film noir, y compris la musique de jazz due ici à Martial Solal, et surtout donnant à Jean-Paul Belmondo l’occasion de faire étalage de son abattage en improvisant. Cinéphile convaincu, il avait appris des rudiments de technique cinématographique en visionnant des films, et particulièrement des films noirs. Les romans noirs, comme les films noirs seront assez longtemps une source d’inspiration pour lui, avant qu’il ne décidât d’abandonner le cinéma pour faire autre chose qui s’apparentera plutôt à des tracts mis en forme avec des images animées. Ça donnera Bande à part, Pierrot le fou et Alphaville. Il détournait en quelque sorte une littérature et un cinéma populaire. Bande à part se disait une adaptation de Dolores Hitchens, Fool’s good, traduit à la série noire sous le titre Pigeon vole. Pierrot le fou était censé être une adaptation de Lionel White, Obsession, traduit à la série noire sous le titre, le démon d’onze heure. On se demande d’ailleurs bien pourquoi avec de tels écarts par rapport aux romans d’origine les producteurs payaient des droits à la série noire. Son cinéma s’inspirait des formes alternatives adoucies, notamment du cinéma lettriste. Ça donnera la succession d’écrans noirs dans Alphaville, écrans noirs inspirés certainement de Guy Debord et de son film Hurlements en faveur de Sade, film auquel il avait piqué l’idée d’une voix morne et sentencieuse pour commenter les images. De Debord il empruntera aussi le suicide, puisqu'on dit que suite à ses multiples pathologies il aurait eu recours à l'assistance au suicide. Souvent présenté comme un réalisateur révolutionnaire dans les formes, on oublie le plus souvent ce qu'il doit à ses prédécesseurs qui eux n'existaient pas dans "le système". C'est en vérité d'une révolution épate-bourgeois qui a pignon sur rue dans les colonnes de Télérama. Certains le trouvent génial, "un classique" ai-je entendu, d'autres extrêmement nul et emmerdant. 

Jean-Luc Godard est décédé à 91 ans

Akim Tamiroff, Eddie Constantine, Aphaville, 1965 

Vers la fin des années soixante, il devint de plus en plus militant, et de moins en moins populaire. Plus il tentait de parler d’un cinéma prolétaire, et moins le prolétaire s’intéressait à lui. La diffusion de ses films devenait de plus en plus confidentielle, mais ils ne coûtaient pas très cher. Plus il vivait en retrait du système, sans couper les ponts toutefois, et plus une certaine critique le prenait pour modèle. Il a eu jusqu’au bout beaucoup d’influence sur les réalisateurs français qui apprenaient le cinéma dans les écoles du type IDHEC, avec les conséquences qu’on sait sur cette incapacité latente de créer un cinéma à la fois intéressant et populaire. L'idée de la Nouvelle Vague était que la technique ne comptait pas, du moment qu'on avait des idées. A partir de 1966 il s’orienta vers la révolution culturelle telle qu’elle était prônée par les maoïstes. Curieusement il était bien moins critiqué par la presse bourgeoise que par la mouvance révolutionnaire. La première le regardait comme une sorte d’enfant un peu agité, la seconde comme un homme prétentieux qui se trompait sur à peu près tout. Ces dernières années, l’idée de révolution sociale ayant à peu près disparue de la surface de la planète, il avait pris des positions nettement antisémites, comme Ken Loach ! Dans un roman intitulé Courts-circuits (2009), Alain Fleischer raconte qu’en aparté, lors d’une pause, Jean-Luc Godard aurait lâché cette phrase à son ami et interlocuteur Jean Narboni, ex-rédacteur en chef des Cahiers du cinéma : « Les attentats-suicides des Palestiniens pour parvenir à faire exister un Etat palestinien ressemblent en fin de compte à ce que firent les juifs en se laissant conduire comme des moutons et exterminer dans les chambres à gaz, se sacrifiant ainsi pour parvenir à faire exister l’Etat d’Israël. » L’antisémitisme – recouvert ici par le mot antisionisme – étant le dernier thème du bourgeois en mal de parodie de révolte. Godard faisait le malin, mais sur le plan politique il lui manquait une colonne vertébrale. 

Jean-Luc Godard est décédé à 91 ans 

Slogan situationniste en Mai 68

Beaucoup vont le pleurer, alors que vraiment très peu connaissent sa filmographie dont les deux tiers ressortent de la diffusion confidentielle. Seuls quelques films sont connus, A bout de souffle, Le mépris, Pierrot le fou. Ce sont les seuls qui ont fait des entrées en nombre sur les 150 qu'il a signés, moi-même je l'ai quasiment abandonné après Alphaville. Soyons juste, contrairement à Truffaut et Chabrol, il ne deviendra jamais un cinéaste académique, il restera dans la marge du "système". En tous les cas, c'est bien une partie de notre jeunesse qui s'en va et cela nous fait une personne de moins à détester ! Personnage très médiatique, il avait été entarté par Noël Godin. 

 

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