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Le blog d'Alexandre Clément

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972 

Fernando Di Leo est certainement un des maîtres du poliziottesco. C’est d’ailleurs pour ce genre qu’il est retenu maintenant comme un réalisateur important. Il tourne ce film dans lequel la mafia est plus ou moins impliquée en 1972, l’année de la sortie du Parrain de Coppola, mais aussi l’année de Milano Calibre 9 qu’il réalisa lui-même[1]. Il en écrit lui-même le scénario. Il avait fait avant cela ses classes comme scénariste sur des westerns spaghetti. C’était un habitué des petits budgets et des tournages rapides. Comme Milano Calibre 9, La mala ordina est tiré d’une nouvelle de Giorgio Scerbanenco, auteur très en vogue dans les années soixante-dix. Il fait partie d’une trilogie – trilogie du milieu – avec Milano Calibre 9 et Il boss. 

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972 

Corso demande à ses deux tueurs d’aller faire le ménage à Milan 

Corso est un parrain newyorkais qui a perdu une grosse cargaison de drogue. On lui a fait croire que l’auteur de cette malversation est un maquereau de faible, Canali, mais il soupçonne Don Vito Tressoldi. Il dépêche à Milan deux tueurs à gages, Catania et Wabster pour qu’ils fassent le ménage. Canali est séparé de la mère de sa fille, pour laquelle il paye des frais médicaux importants. Il est plutôt insouciant, ne pensant qu’à faire la fête avec ses putes et à ramasser de l’argent. Quand les deux tueurs américains débarquent, ils pensent d’abord à s’amuser tout en cherchant mollement à mettre la main sur Canali. Mais pendant ce temps, Don Vito va chercher lui aussi à agrafer Canali, car il a peur que celui-ci parle et que les américains comprennent que c’est bien Don Vito qui a piqué le chargement de drogue. Canali va donc suivre les envoyés de Don Vito bien respectueusement, car il est son obligé, mais comme ceux-ci le maltraitent, il va se rebeller et les fracasser. Dès lors il comprend qu’il est traqué à la fois par les Américains et par Don Vito. Il va se procurer une arme, mais par nécessité il va devenir un lion enragé. Au téléphone Don Vito lui annonce qu’il va s’e,n prendre à sa femme et à sa fille. Canali prévient Lucie et lui demande de se cacher. Mais c’est trop tard, un des petits soldats de Don Vito va les écraser. Devant cette lâcheté, Canali va poursuivre le tueur, le coincer et le tuer. Puis il va s’introduire chez Don Vito et le tuer. Ensuite il va prendre rendez-vous avec les deux tueurs dans une casse, et il va les descendre. 

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972

Cataniai et Webster pensent prendre du bon temps 

La trame est un peu légère, relâché, mais elle permet des variations intéressantes. D’abord les deux tueurs sont un peu les mêmes que dans le film de Siodmak, The killers, plutôt vides de détermination. Sauf que le traqué ne va pas accepter sa situation et va contrarier les plans des mafieux. Il se transforme donc de bon garçon sans ambition autre que de jouir de l’existence sans se casser la tête, en un véritable chasseur, déterminé et rusé. Canali devient alors le véritable centre du film. Généralement les gangsters sont présentés par Di Leo comme un peu limité dans leur compréhension des choses de la vie. On ne saurait trouver quelque chose de glamour dans leur portrait. Au mieux ce sont des arrivistes sournois, au pire, des bêtes féroces bas du plafond. Les femmes ne sont guère mieux traitées, elles sont des putasses sans cervelle, sauf évidemment Lucia la mère de la petite fille de Canali. Il faut bien qu’il y ait un peu de positivité. Le scénario cependant est assez déséquilibré et plein d’invraisemblances. Le film prend tout de même le contrepied de la tendance qui à l’époque voulait s’affranchir des règles morales, c’est aussi une protestation contre l’esprit soixante-huitard. Par exemple Triny est une grande bourgeoise qui partouze avec tout le monde sous des posters représentant Marx et Freud. Mais c’est souvent le cas des poliziotteschi de se présenter comme ceux qui annonce la reprise en main de la passivité des autorités face au crime et à la turpitude. Du reste la transformation de Canali c’est une prise de conscience qu’il a été un mauvais garçon et qu’il en paye chèrement les conséquences. 

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972

Canali a décidé de ne plus subir 

Mais cette moralisation peut aussi tout à fait être vue comme une condamnation du goût pour l’argent qui pousse les capitalistes – ici les mafieux – à exploiter les mauvais penchants des êtres humains, la drogue ou les putes. Quoiqu’il en soit de cette ambiguïté, le rythme est excellent, masquant le plus souvent les incohérences scénaristiques. Il y a d’abord pas mal d’inventivité dans les scènes d’action, que ce soit dans la menuiserie, ou quand Canali traque indéfiniment le tueur, jusqu’à le poignarder dans la gorge, le clouant sur une planche. On le voit accroché aux essuie-glaces d’un petit van, puis ensuite défoncer le pare-brise à coups de tête. Il y a également une bonne utilisation des décors naturels, notamment la casse et ses engins maléfiques pour l’ultime règlement de compte entre Canali et les deux tueurs. Les scènes dans les boites de nuit sont moins bien réussies et un peu ternes.   

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972 

Il prévient Lucia qu’elle court un grave danger 

L’interprétation c’est d’abord Mario Adorf, excellent acteur au physique massif et lourd. Il a fait des dizaines de films de ce genre. Ici il est très bien, passant du maquereau léger, au vengeur sans pitié. Ce genre de film recyclait aussi très souvent les acteurs américains un peu à la ramasse. Des acteurs qui n’arrivaient pas toujours à trouver des rôles à Hollywood, parce qu’ils avaient des physiques bien trop particulier. Ici Fernando Di Leo récupère l’impavide Henry Silva et le tout aussi morne Woody Strode dans le rôle des deux tueurs à gages. Ils ne font pas grand-chose à vrai dire. Ils promènent dans le film leur haute silhouette nonchalamment. Mais enfin, comme c’était des figures étranges, et des noms, ils servaient peut-être à attirer le public. Ensuite on a Adolfo Celi, toujours impeccable dans le rôle de Don Vito. An matière de recyclage, voici ensuite Luciana Paluzzi dans le rôle de l’employé chargée d’accompagner les deux tueurs. Disons qu’elle est tout à fait discrète. Même Sylva Koscina est assez terne, il est vrai qu’elle était dans une phase un peu descendante à cette époque. Finalement ce sont les petits rôles qui sont les plus intéressants, les mieux dessinés, Franco Fabrizi dans le rôle d’un garagiste boiteux, il est ici méconnaissable, mais excellent. Femi Benussi est très bien aussi dans le rôle de la pute Nana. 

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972

Canali a tué l’assassin de sa fille 

Dans l’ensemble c’est un très bon poliziottesco, certainement pas un chef d’œuvre. Mais avec le temps ce genre de film prend une nouvelle dimension, parce que, qu’on le veuille ou non, c’est un reflet de ce qu’était l’Italie de ces années, engluée dans les années de plomb, les brigades rouges, les attentats et l’extrême droite qui fomentait des coups d’Etat avec l’aide des Américains et de la mafia. C’était aussi déjà la fin de la modernisation galopante de l’Italie qui en avait fini avec son industrialisation du Nord. 

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972

Tressoldi va y passer aussi 

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972

Fernando Di Leo indiquant une scène à Woody Strode 

L’empire du crime, La mala ordina, Fernando Di Leo, 1972

Avec Mario Ado

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