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Le blog d'Alexandre Clément

L’heure magique, Twilight, Robert Benton, 1998

L’heure magique, Twilight, Robert Benton, 1998

Robert Benton s’est fait connaitre d’abord comme le scénariste de Bonnie and Clyde d’Arthur Penn. Puis il a fait plusieurs incursions vers le noir, avec le très bon Still of the night, film qui lorgnait du côté de chez Hitchcock, puis il a donné dans le film de gangster avec Billy Bathgate. Ici il se déplace dans l’univers chandlérien d’un détective un peu usé, un peu raté qui n’a même plus le goût à son travail. C’est Los Angeles, ses paillettes, ses meurtres et ses turpitudes peu humaines. C’était la deuxième fois que Paul Newman tournait sous la direction de Robert Benton, après Nobody’s fool.

 L’heure magique, Twilight, Robert Benton, 1998 

Au Mexique Harry récupère Mel la fille de Jack Ames 

Harry Ross, détective privé, et ancien flic, est chargé par Jacky Ames, un acteur jadis célèbre de retrouver sa fille Mel qui s’est enfuie au Mexique avec un gigolo, Jeff. Les choses se passent plutôt bien, sauf que Mal dérobe l’arme d’Harry et lui tire une balle dans la jambe. Deux ans plus tard, on retrouve Harry qui vit maintenant chez Jack Ames. Celui-ci prétend avoir un cancer en phase terminale et va charger Harry de retrouver un certain Lester Ivar qui le fait chanter. Il lui demande de lui remettre une enveloppe pleine de dollars. Harry accepte, mais lorsqu’il se trouve chez Ivar, celui-ci qui est mortellement blessé, lui tire dessus. Harry appelle la police et va retrouver en son sein, la jeune Verna qui est amoureuse de lui. Ils ont eu une aventure ensemble. Jack va charger ensuite Harry de rencontrer une certaine Gloria Lamar pour lui remettre 10 000 $ dans une enveloppe. Harry se rend au rendez-vous, mais il se fait piéger, car Gloria Lamar qui fait chanter Harry est de mèche avec Jeff que Jack Ames a envoyé en prison, suite à la fugue de sa fille mineure au Mexique. L’idée de Gloria et de Jeff est de faire croire que le cadavre de Sullivan, l’ancien petit ami de Catherine Ames a été découvert dans leur ranch au nord de Los Angeles. Mais cette fois les choses tournent encore mal, et Gloria et Jeff sont abattus par un mystérieux tueur. Harry va progresser dans son enquête, et lui aussi va découvrir que le cadavre de Sullivan a été enterré dans le ranch. Il apparaît alors que Jack et Catherine Ames sont forcément impliquées. Mais ce ne sont pas eux qui ont commis tous ces meurtres, mais un ancien flic, Raymond, qui a été grassement payé pour cela. La confrontation entre Raymond et Harry tourne mal et Harry abat Raymond. Il raconte tout à la police, mais sans trop impliqué Catherine. Laissant là toutes ces salades, il va partir en vacances avec Verna à Catalina. 

L’heure magique, Twilight, Robert Benton, 1998 

Il raconte son histoire à la police 

Contrairement à ce qu’on a dit, cette histoire n’est pas du tout embrouillée, au contraire, elle-même peut-être trop simple. Le comportement d’Harry est par contre bien plus ambigu que les détectives traditionnels de type chandlériens. Harry est dans une situation masochiste. Il vit l’humiliation d’être logé et nourri par Jack Ames comme la contrepartie de l’attirance qu’il a pour Catherine Ames. Il accepte donc de basses besognes, comme Raymond d’ailleurs, l’autre homme de main des Ames. Il a du mal à se révolter contre cette situation. Mais il va le faire d’abord en poursuivant la quête de la vérité, car c’est bien en démontant les ressorts ce cette intrigue qu’il va se venger en quelque sorte de ces humiliations. Mais en même temps qu’il va s’opposer à ses riches bienfaiteurs, il va sortir de sa passivité. Le film fonctionne comme un ultime adieu au genre de film noir, façon détective privé. C’est un monde de vieux, Jack va mourir d’un cancer, Harry a fait son temps aussi bien en tant que détective qu’en tant que policier. Et même cette histoire est vieille, le crime a eu lieu il y a une vingtaine d’années. Mais Jack et Catherine font comme s’ils pouvaient encore se séduire, alors qu’ils ne sont plus du tout jeunes et qu’ils n’ont plus d’avenir. Car elle aussi est une actrice qui anciennement a eu du succès. L’ensemble est donc plus une nostalgie qu’une histoire de détective. C’est un vieux monde insouciant qui disparaît. Le couple Ames ce sont des vieux acteurs, certes encore un peu riches, mais surtout vivant dans leur glorieux passé, l’insouciance d’avoir tué et fait disparaître Sullivan. Harry lui-même vit d’une idée vague de sa passion pour Catherine. Il découvrira qu’elle n’existait finalement pas. 

L’heure magique, Twilight, Robert Benton, 1998

Harry découvre Lester Ivar en train de mourir 

Il y a en dehors de la mélancolie, renforcée par les douleurs de Jack Ames, et les difficultés physiques d’Harry, un parfum aussi de lutte des classes. Harry et Raymond sont dans le même camp, des exploités par des riches dont ils dépendent finalement. Gloria et Jeff sont des cupides délinquants qui ne trouvent pas le chemin de la fortune. Mais il y a aussi la solitude, notamment celle de Mel qui d’abord s’ensauve avec cet imbécile de Jeff, et puis qui découvre qu’elle n’a pas d’autre choix que d’exister par elle-même et donc d’abandonner son père et sa femme à leurs chimères d’un amour qui n’existe pas ailleurs que dans la complicité d’avoir éliminé Sullivan. Le décor est celui de Los Angeles et de ses environs, un décor chaotique et pollué, fait de bric et de broc où la richesse est aussi laide que la pauvreté. 

L’heure magique, Twilight, Robert Benton, 1998

Jeff a piégé Harry 

D’habitude Robert Benton a une manière claire et nette de filmer. Ici, le rythme n’est pas très bon, mou pour tout dire. Cela provient sans doute du fait que le film oscille sans trancher entre quête existentielle et enquête policière. Certes il y a quelques bonnes scènes, l’ouverture par exemple quand Harry récupère Mel et se débarrasse de Jeff. Ou encore les scènes d’action quand Harry échappe aux tirs désordonnés de Lester Ivar. Mais ça se traine parce que le déroulé est saturé des regards énamourés et des dialogues pleins de sous-entendus entre Harry et Catherine ou entre Harry et Jack. Les scènes d’attente dans les locaux de la police montrent aussi que Benton connait sa grammaire du film noir. 

L’heure magique, Twilight, Robert Benton, 1998

Dans le restaurant, Harry prend sa revanche

Le budget était très conséquent, décor soigné, belle photographie, et bien sûr distribution haut de gamme. Le film est d’abord un véhicule pour Paul Newman dont la célébrité commençait à décliner. Et c’est d’ailleurs je crois son dernier grand rôle en tête de liste. C’est évidemment toujours un plaisir que de le retrouver. Mais il parait sans doute un peu trop fatigué. Il y a ensuite Susan Sarandon, excellente dans le rôle de Catherine Ames, ambiguë à souhait, travaillée par des désirs contradictoires. Gene Hackman n’a qu’un rôle secondaire, mais sa présence est très forte dans la peau d’un homme qui est peut-être mourant, peut être pas, et qui manie la litote avec beaucoup d’humour pour parvenir à ses fins. Film bouclé avec de nombreuses vieilles stars, on retrouve James Garner à la silhouette alourdie dans le rôle de Raymond, l’homme à tout faire. Liev Schreiber dans la peau du gigolo un peu idiot Jeff est excellent, c’est un très bon acteur qui depuis ce film a fait ses preuves. Mais tous les petits rôles sont soignés, que ce soit Reese Witherspoon dans la peau de l’adolescente Mel, ou l’étonnante Margot Matindale dans celui de Gloria, la louche officier de probation. 

L’heure magique, Twilight, Robert Benton, 1998

Harry va flinguer Raymond 

Le film se voit tout de même encore, malgré les années, mais il est un peu décevant tout de même. Un peu vieillot, et bien qu’il ne dure qu’une heure et demi, il semble un peu long. On a l’impression que l’idée générale c’était de s’élever contre les nouvelles formes du film noir tendance Lynch par exemple, et de revenir vers un certain classicisme. Mais le temps avait passé. 

L’heure magique, Twilight, Robert Benton, 1998 

Harry et Verna décident de partir ensemble pour Catalina

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