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Le blog d'Alexandre Clément

La femme de paille, Woman of straw, Basil Dearden, 1964

 La femme de paille, Woman of straw, Basil Dearden, 1964

Basil Dearden est un réalisateur anglais qui s’est illustré après la guerre dans le policier avec quelques incursions dans le genre noir. Quelques-uns de ses films conservent un grand intérêt, comme par exemple La victime avec Dirk Bogarde, ou Hold up à Londres. Rencontrant le succès il s’égara ensuite vers des grosses productions imitant la manière hollywoodienne, engageant des grandes vedettes internationales comme pour Khartoum. La femme de paille est, avant d’être un film, un roman de la française Catherine Arley qui, dans la lignée de Boileau-Narcejac rencontra un succès international immense dans les années soixante. Incontestablement La femme de paille qu’elle publia au début des années cinquante, est son roman le plus connu. Elle le porta aussi au théâtre. Elle est aujourd’hui un peu oubliée, sans doute parce que le sous-genre qu’elle représentait est un peu tombé en désuétude. Ces récits étaient assez brefs, écrits d’une manière efficace, très cinématographique.

La femme de paille, Woman of straw, Basil Dearden, 1964  

Anthony Richmond engage une infirmière, Maria Marcello, pour qu’elle s’occupe de son oncle, le vieux Charles Richmond, un homme immensément riche et odieux, raciste et cruel. Il lui avoue rapidement que le but de la manœuvre est que Maria se fasse épouser et qu’ainsi, l’oncle étant bien malade, elle hérite de sa fortune et qu’elle le récompense pour un million de livres. Il ne cache pas que pour des raisons familiales il déteste cordialement son oncle. Dès le départ les relations entre Maria et Charles Richmond vont être tendues, et elle fera plusieurs ses valises. Mais elle s’est par ailleurs laissée séduire par Anthony et finalement arrive à se faire épouser au cours d’une croisière à Majorque. Tout semble aller pour le mieux, surtout que M aria se prend de tendresse pour Charles qui peu à peu sort de son isolement et de sa méchanceté pour retrouver un peu d’humanité. Mais juste avant de rentrer en Angleterre Charles décède. Anthony incite Maria à ne pas déclarer le décès, arguant du fait que le testament de Charles en faveur de Maria n’a pas été encore homologué. Les choses ne se passent pas comme Maria le souhaitait, et les domestiques se rendent compte que quelque chose ne va pas. Ils vont alerter la police qui va découvrir qu’en réalité Charles est mort empoisonné. Dès lors c’est Maria qui va se retrouver accuser de l’assassinat. Toutes les preuves sont contre elle. Il apparaît que la mort de Charles est un plan diabolique d’Anthony pour s’approprier toute la fortune de son oncle.

La femme de paille, Woman of straw, Basil Dearden, 1964 

Charles est infirme et règne en tyran sur le manoir 

La trame de fond est aussi bien une critique acerbe des différences de classes, qu’une réflexion sur les rapports de domination entre les sexes. C’est aussi pour Dearden une manière détournée d’interroger les fameuses valeurs traditionnelles britanniques qui reposent sur une hypocrisie sans fin et qui se trouvent gangrenées par les questions d’argent. En même temps c’est une opposition entre le sud de l’Europe pauvre mais jeune, Maria est italienne, et l’Europe du nord, riche mais vieillissante et impotente, Charles est anglais. Evidemment l’objet du film n’est pas de faire un traité politique, heureusement, mais plutôt de se servir de ces oppositions pour révéler les caractères et conduire le récit vers la nécessité du crime. Plusieurs plans montrent le contraste entre le manoir ou le luxueux yacht de Charles et le médiocre logement de Maria, à Londres comme en Espagne. C’est donc l’histoire d’un trio particulier puisque chacun de ses membres est frustré : Charles parce qu’il est infirme, Anthony parce qu’il a été dépossédé de la fortune de son père, et Maria parce qu’elle doit subir le comportement sordide de Charles. L’héroïne est Maria, c’est d’ailleurs la seule qui présente des sentiments humains. Mais c’est aussi la seule qui se laisse manipuler parce qu’elle a donné toute sa confiance à Anthony. Pour autant elle n’est guère plus claire puisqu’elle se lance ouvertement dans une captation d’héritage. Et si elle est condamnée à mort c’est bien aussi parce que dès le départ elle a cédé aux exigences d’Anthony de séduire d’une manière indirecte le vieux Charles pour son argent. Si elle est victime de la machination d’Anthony, elle est aussi coupable.

La femme de paille, Woman of straw, Basil Dearden, 1964 

Homme d’affaires pointilleux, Charles brasse des affaires aux quatre coins du monde

Evidemment dans un tel scénario il y a des invraisemblances assez grossières, comme par exemple cette manière de vouloir faire passer Charles pour vivant aux yeux de la domesticité, ou même le rebondissement final. Mais c’est presque la loi du genre. Ouvertement Dearden lorgne du côté d’Hitchcock, plutôt Rebecca et Suspicion. C’est assez réussi. Les décors sont très bien choisis ce qui donne un accent de vérité à ce drame. La majorité du film se passe dans des tête-à-tête un petit peu bavard, mais l’aspect théâtral du film est assez bien évacué par le déplacement incessant des personnages.

 La femme de paille, Woman of straw, Basil Dearden, 1964 

Le retour de Maria modifie le caractère de Charles 

La réussite du film repose pour beaucoup sur l’interprétation. Gina Lollobrigida est Maria, avec toute la sensualité nécessaire. Mais au-delà de sa plastique, elle passe facilement de la colère au désespoir, s’adoucissant parfois dès qu’elle se rend compte de la faiblesse véritable de Charles. Mélange de dureté et de sentiment, elle représente tout à fait l’Italienne telle qu’on se l’imaginait dans les années soixante. Sean Connery est impeccable dans le rôle d’Anthony, même si on peut critiquer son maquillage outrancier. Il manifeste assez bien cette sourde colère contre son oncle, que cette séduction qui va emporter la pauvre Maria. Il sortait à cette époque des succès internationaux des premiers James Bond et cherchait à diversifier sa carrière – il n’aimait pas le personnage de Bond qu’il trouvait raciste et trop anglais. Il donne ici beaucoup de subtilité à son personnage à la fois charmeur et cruel et montre ici qu'il vaut mieux que James Bond. La même année il tournera dans Marnie d’Hitchcock justement, et l’année suivante, après le succès immense de Goldfinger, il entamera une collaboration très fructueuse avec Sidney Lumet avec La colline des hommes perdus. L’odieux Charles est interprété par le très anglais Ralph Richardson. Il est, avec ce personnage, comme une explication du déclin de l’Angleterre qui à cette époque-là est très discuté.

La femme de paille, Woman of straw, Basil Dearden, 1964  

Maria s’inquiète de la santé de Charles 

Le film est soigné, bien que la réalisation ne soit pas vraiment remarquable, le budget est conséquent. Les scènes de tempête sur le bateau ne sont pas très convaincantes, mais pour le reste la manière de filmer le manoir en utilisant la profondeur du champ pour bien marquer ce qu’il a d’écrasant et de morbide, ou la façon de regarder derrière les jalousies une Espagne endormie au soleil, tout cela passe très bien. Les scènes de repas au château comme sur le yacht ou encore la fête qui est donnée pour le mariage, manifestent cette distance de classe entre Charles et le reste du monde. L’écran large ajoute un peu de majesté à l’histoire et la photo est bonne. Le montage est vif et maintient l’intérêt soutenu du spectateur.

La femme de paille, Woman of straw, Basil Dearden, 1964  

Maria comprend qu’Anthony l’a piégée 

Si ce n’est pas un chef d’œuvre, c’est donc un film solide qui se revoit avec plaisir plus de cinquante ans après sa sortie. Il a bien passé le cap des années. Curieusement il est devenu très difficile à trouver en France  dans une bonne édition. On remarquera aussi l'importance du fauteuil à roulette, un peu comme dans les vieux Frédéric Dard !

 La femme de paille, Woman of straw, Basil Dearden, 1964 

Anthony retourne en maître au manoir

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