26 Juillet 2018
Le Fleuve s’est décidé à publier courageusement une partie du théâtre de Frédéric Dard. Il s’agit ici de quatre pièces parmi les plus célèbres qui toutes ont à voir avec le crime. Elles recouvrent une période d’une quarantaine d’années de la seconde partie du XXème siècle. On aura droit à Les salauds vont en enfer, La dame de Chicago, Les Brumes de Manchester et enfin Al Capone. L’ensemble est présenté par François Rivière qui rappelle combien a été important le théâtre pour Frédéric Dard puisque c’est en effet avec l’adaptation de La neige était sale de Georges Simenon qu’il commença à toucher des droits d’auteur un peu conséquents, le rassurant sur ses capacités à vivre de sa plume. C’est également grâce au théâtre que Frédéric Dard et Robert Hossein nouèrent une amitié qui deviendra légendaire. Frédéric Dard, même la gloire venue, n’a jamais abandonné le théâtre, et quand il faisait mine de s’en éloigner, Robert Hossein le rattrapait pour lui remettre le pied à l’étrier et l’amener vers un nouveau projet. Le théâtre de Frédéric Dard connut évidemment des hauts et des bas. C’est au Théâtre du Grand Guignol qu’il se fit connaître comme un jeune auteur de talent, mais des projets plus ambitieux comme Bel ami d’après Maupassant ou encore L’homme traqué d’après Francis Carco furent des fours mémorables qui furent éreintés par la critique. Avant que San-Antonio ait le succès qu’on sait, Frédéric Dard s’orientait clairement vers une carrière de dramaturge.
L’équipe des Brumes de Manchester entourant Robert Hossein et Frédéric Dard
Frédéric Dard eut pendant longtemps des velléités de transformer le vieux théâtre bourgeois et poussiéreux en un théâtre populaire s’appuyant sur des intrigues criminelles. Il pensait que c’était là une manière de contourner la désaffection du public qui s’y rendait de moins en moins. Dans Le brigadier de Frédéric Dard, sur les quatre pièces qui sont publiées, deux parlent de cette époque de la prohibition. Il y trouva en effet une source continue d’inspiration. Déjà il s’était intéressé à l’adaptation théâtrale de Pas d’orchidées pour Miss Blandish et de sa suite, La chair de l’orchidée, d’après les romans éponymes de James Hadley Chase. Les deux pièces concernées sont ici La Dame de Chicago, déjà publiée en 1968 chez Julliard, et surtout Al Capone, dernière pièce écrite par Frédéric Dard et jusqu’à ce jour inédite. Al Capone est un personnage qui l’a beaucoup fasciné, sans doute par l’intermédiaire de sa grand-mère qui se repaissait des histoires de ce personnage hors-norme qui mourut finalement de la syphilis. Il avait d’ailleurs rendu un hommage curieux dans un épisode de la saga sanantoniaise, Al Capote en 1992. C’est un véritable inédit qui est proposé ici. La pièce aurait dû, semble-t-il, être le support d’un grand spectacle de Robert Hossein. Si les vieux lecteurs de Frédéric Dard comme moi connaissent déjà les trois autres pièces, ils se délecteront de celle-ci.
En 2018 Dans la nuit la liberté est reprise à Trans sur Erdre du 24 août au 8 septembre 2018
L’ensemble donne une faible idée de ce qu’était le théâtre de Frédéric Dard qui doit comporter au moins une quarantaine de pièces, mais c’est déjà une excellente introduction, en attendant qu’un jour on continue à publier ces pièces. Il est intéressant de noter que les pièces de Frédéric Dard, vingt ans après sa disparition sont toujours jouées par des troupes assez jeunes, que ce soit Les salauds vont en enfer, ou que ce soit Les Brumes de Manchester, son théâtre reste vivant, vérifiant en partie la prédiction de Pierre Assouline selon lequel l’avenir de Frédéric Dard se trouvait dans son théâtre. Il avançait cela sur son blog le 2 juillet 2018 à propos de l’adaptation de Liberty bar, le roman de Georges Simenon, qu’il pensait avoir été faite par Frédéric Dard ! Mais il semble qu’il ait raison pour le reste de l’œuvre théâtrale du père de San-Antonio. La pièce de Frédéric Dard Dans la nuit la liberté qui s’est d’abord appelée Les six hommes en question est encore un succès. Si Frédéric Dard a été marqué par la guerre et la période de l’occupation, la pièce qu’il en a tiré transmet cette douleur de génération en génération depuis plus de cinquante ans. On ne compte plus les pièces tirées de San-Antonio, notamment l’adaptation qu’on a faite de San-Antonio chez les gones. Ou encore Les vacances de Bérurier, présentées l’an dernier par Bruno Fontaine à la Comédie Odéon. Certes ce ne sont pas des œuvres directement écrites pour la scène par Frédéric Dard, mais plutôt des formes directement inspirées par son œuvre. Cette prolifération montre que Frédéric Dard est en train de devenir sur la scène aussi une sorte de classique un peu inattendu.