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Le blog d'Alexandre Clément

Les hors la loi, G Men, William Keighley, 1935

William Keighley est bien connu pour ses films noirs d’après la guerre. Mais il a réalisé d’autres films qu’on peut considérer comme des premières tentatives de films noirs, autrement dit, il apparaît avec le recul comme un des passeurs, évoluant des films criminels vers le film noir, il apportera, tout en transformant sa manière de filmer, une touche spéciale au film noir, avec une attention de plus en plus forte au travail de la police et à cette forme de films semi-documentaires qui proliférera vers la fin des années quarante. Bien entendu, Keighley n’a pas fait que du noir, il a, comme beaucoup de ses collègues à l’époque, travaillé dans presque tous les genres populaires. En 1938 il avait d’ailleurs commencé le tournage de Robin Hood avec Errol Flynn, avant d’être remplacé par Michael Curtiz. Il était d’abord un metteur en scène de théâtre à succès avant de devenir un réalisateur très demandé dans les années trente, tournant jusqu’à cinq films par an. Pour ce qui nous concerne ici, il est celui qui éloigna le film criminel de la glorification des gangsters. En vérité J. Edgar Hoover était jaloux de la gloire médiatique des gangsters, et il avait compris qu’il pouvait devenir une sorte de héros de l’ordre avec l’appui des médias, des journaux, comme du cinéma. A la tête du FBI, il avait coutume de s’approprier des actions d’éclat auxquels bien entendu, homme de bureau et de couloir, il n’avait pas participé, par exemple il était venue en hâte depuis Washington devant le cinéma de Chicago où John Dillinger avait été abattu par le G Men. Et comme il avait beaucoup d’amis dans la mafia qu’il aidait autant qu’il pouvait, celle-ci l’aida en retour à utiliser les services gratuits du cinéma. Et puis nous étions encore dans une période où la sortie de la grande dépression n’était pas si aisée que cela, et tout le monde avait besoin d’un retour à l’ordre, après la fin de la prohibition. Dans Bullets or ballots William Keighley parlera de la pression que le crime organisé exercerait sur le cinéma pour faire des films à la gloire des gangsters. Même si ça n’a pas de sens, ça correspond bien à cette  idée de renverser la vapeur et de faire des films à la gloire de la justice et de la police qui, aux Etats-Unis plus qu’ailleurs, étaient considérées comme corrompus. 

Les hors la loi, G Men, William Keighley, 1935 

Buchanan tente de convaincre Brick de s’engager au FBI 

Brick Davis est une jeune avocat qui peine à avoir une clientèle ? Ses études lui ont été payées par un gangster, McKay qui a prospéré pendant la prohibition. Son ami Buchanan qui s’est engagé au FBI lui conseille d’en faire autant. Mais il a des scrupules à passer du côté de la loi. Cependant, comme Buchanan va se faire tuer par Leggett, il est motivé, d’autant plus que McKay qui est dégouté par l’évolution du milieu l’y encourage en lui annonçant qu’il va prendre sa retraite. McKay gère une boîte de nuit où se produit une meneuse de revue, Jean, qui en pince pour lui. Brick va intégrer le FBI, au début ses rapports avec McCord qui le teste en permanence, sont difficiles. Mais les services techniques vont déterminer que Leggett a bien tiré sur Buchanan, et qu’en outre il est responsable de plusieurs morts dans des attaques de banques sanglantes. Leggett est arrêté, mais la bande Collins va tout faire pour le récupérer et monter une attaque contre la police. Leggett sera repris plus tard et mis en prison. Mais Farrell un des G Men ami de McCord a été tué. Le FBI qui entre temps est arrivé à faire voter des lois pour faire usage des armes à feu et mieux poursuivre les criminels, va poursuivre Collins. Celui-ci s’est réfugié avec toute la bande dans la maison même de McKay qu’ils retiennent prisonnier. Le FBI donne l’assaut, McKay est tué, et Collins va Brick va retrouver Jean qui s’ets mariée avec Collins. Grâce à elle le FBI va pouvoir localiser Collins. Mais Collins a l’idée d’enlever la sœur de McCord, Kay, qui est infirmière et qui soigne Brick qui a été blessé. Collins va abattre son épouse qui l’a trahi, puis, se servant de Kay comme d’un bouclier tente de se faire un chemin, mais Brick l’abat. Il va retourner à l’hôpital avec Kay qui va le soigner et certainement un peu plus ! 

Les hors la loi, G Men, William Keighley, 1935 

Le technicien va trouver un rapport entre les balles qui ont tué Buchanan et celle des braqueurs de banque 

C’est, je crois, le premier film à la gloire du FBI. Si l’histoire est des plus banales, le film est bien meilleur que d’autres du même genre comme le répugnant FBI story de Mervyn LeRoy, tourné en 1959 avec James Stewart. Le scénario a au moins le mérite de ne pas présenter la pègre toute d’une pièce comme un ramassis de fumiers et de dépravés. Les caractères sont beaucoup plus nuancés. Brick est un enfant des rues qui aurait pu mal tourné s’il n’avait pas été aidé par un truand pour le remettre dans le droit chemin. Dans la bande de Collins, Kay ne méritait pas de mourir. Bien sûr les agents du FBI sont tous présentés comme irréprochables, mais Brick choisit le métier de G Man aussi parce qu’il n’arrive pas à percer en tant qu’avocat. Bien que le récit présente des aspects faussement documentaires, les techniciens du laboratoire, les méthodes d’entrainement des agents, c’est assez fantaisiste, notamment quand on présente le chef du FBI, ici dénommé McCord, comme allant directement sur le terrain au contact des balles de truands venimeux. En quelque sorte il y a un parti-pris d’humaniser le FBI à travers la figure de Brick. Pour cela le scénario va le faire hésité entre deux femmes, la bad girl, Jean, qui chante et montre ses cuisses dans les cabarets et Kay, la sage infirmière, un peu pimbêche, mais qui a un cœur et qui soigne. Jean n’est d’ailleurs pas montrer comme une mauvaise femme, mais une malheureuse que Brick a un peu trop longtemps ignorée. 

Les hors la loi, G Men, William Keighley, 1935 

Leggett sait qu’il est repéré par la police 

Le film tente de démontrer que les agents du FBI sont très virils, non seulement ils affrontent le danger sans la moindre peur, mais entre eux ils poursuivent une sorte de compétition, loyale cela va de soi. Ce sont des gars rudes, et Brick sortira de son lit d’hôpital pour régler son compte au dernier truand encore en liberté. Cependant, en développant l’histoire comme un film d’action, le film évite de tomber dans la niaiserie. Mais évidemment en présentant le FBI comme une organisation quasi familiale, le film perd de son impact car cette agence fédérale cherchait principalement à démontrer qu’elle avait besoin de renforts et de crédits continument, car le crime se renouvelle toujours avec constance et malgré les succès, il faut rester vigilent. 

Les hors la loi, G Men, William Keighley, 1935 

La bande à Collins va libérer Leggett 

La mise en scène est très bonne, c’est rythmé, avec une belle photo de Sol Polito, grand photographe qui semble inventer ici quelques tics du film noir, la fumée des armes à feu, les lampes qui se baladent au-dessus des têtes de ces hommes sans conscience, l’utilisation des stores vénitiens et j’en passe. Il y a de beaux mouvements de caméra, de longs travelling arrière dont on n’avait pas encore tout à fait l’habitude. Je l’ai dit, c’est sans doute le premier film à la gloire du FBI. Quand il est ressorti, en 1949, on lui a accolé une introduction pour renforcer ce côté documentaire. Un peu comme si on voulait lui donner un aspect image d’archive en même temps que de s’excuser de l’archaïsme des costumes et des automobiles. C’est peut-être ici qu’a commencé aussi cette longue série des films semi-documentaire qui présente la ville, quelle qu’elle soit, comme livrée à la corruption et à la violence des gangs. Les batailles sont très bien filmées, et la contreplongée sur Collins menaçant de tuer Kay est très jolie. Keighley est en avance sur son temps, pourrait-on dire. Il y a quelques scènes inutiles ou trop longues comme les entrainements sportifs de Brick qui se fait dominer avec le Jiu Jitsu de Farrell.   

Les hors la loi, G Men, William Keighley, 1935 

Jean va révéler la planque de Collins 

L’interprétation est très relevée. D’abord James Cagney qui passe ici d’ennemi public au statut d’agent fédéral qui pourchasse le crime. Certes il cabotine un peu, mais il apporte un dynamisme certain à son personnage, c’est sur son nom que le film a été construit. Robert Armstrong est McCord, le chef qui s’humanise au fil du temps. Il est très bien aussi. Il y a également Lloyd Nolan dans le rôle de Farrell qui meurt assez vite, mais qui deviendra par la suite un des piliers du film noir du cycle classique. Les gangsters sont très bons, Barton McLane est le cruel chef de bande Collins. Lui aussi deviendra un pilier du film noir, alternativement comme gangster borné et flic obstiné. Les personnages féminins sont bien moins travaillés. Pourtant ce sont deux bonnes actrices qui se partagent Brick, Margaret Lindsay dans le rôle de Kay est un peu effacée tout de même, mais Ann Dvorak dans le rôle de Jean est très présente et mérite le détour. 

Les hors la loi, G Men, William Keighley, 1935 

La police assiège la maison de McKay 

Le film fut un bon succès commercial, ce qui explique qu’on l’ait ressorti en 1949 avec une introduction dans l’air du temps histoire de le dépoussiérer, mais il n’en avait pas vraiment besoin. Ce succès est mérité, le film est bon, et aujourd’hui en trouve de bonnes copies en Blu ray.

Les hors la loi, G Men, William Keighley, 1935 

Collins va se servir de Kay comme bouclier

 

 

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