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Le blog d'Alexandre Clément

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

 Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

Dans les années soixante les Italiens faisaient beaucoup de films à sketches. Cela permettait d’associer des noms prestigieux de vedettes ou de réalisateurs. Mais en réalité l’idée de ce film ne vient pas des Italiens, mais des Américains, ceux de l’AIP qui mettaient de l’argent régulièrement sur les productions de Bava. On a donc demandé à Mario Bava de s’inspirer de Roger Corman qui avait réuni dans un même film, Tales of terror, sorti l’année précédente, trois nouvelles d’Edgar Poe, Morella, Le chat noir, La vérité sur le cas de M. Valdemar. L’ensemble était scénarisé par Richard Matheson, et le film avait été un très grand succès. Roger Corman s’était fait le spécialiste des adaptations d’Edgar Poe, il en tirera huit films et certains sont excellents, d’autres négligeables. En reprenant le principe de réunir trois histoires, Mario Bava va passer en revue ses obsessions cinématographiques en ce qui concerne le genre de films qu’il aimait tourner. Ce sont trois courts métrages donc. Ils sont annoncés comme étant adaptés de nouvelles de grands auteurs classiques, Maupassant, Tchekhov ou Tolstoï. Mais tous ceux qui ont cherché les sources de ces trois histoires se sont cassés les dents. Le deuxième volet, I Wurdalak, est bien inspirée d’un Tolstoï, mais pas de Léon, de Alexeï Tolstoï, un parent du grand écrivain. Cette nouvelle publiée en français sous le titre Une famille de vampires, rédigée en 1847[1] En vérité en mettant en avant des noms prestigieux cela donnait moins de culpabilité aux spectateurs qui craignaient de se faire prendre en flagrant délit à se repaitre de produits bas de gamme et vulgaire. Universal avait joué dans les années trente sur la renommée d’Edgar Poe pour faire trois films soi-disant adapté de ses nouvelles, Double meurtre dans la rue Morgue de Robert Florey en 1932, Le char noir d’Edgar Ulmer en 1934 et Le corbeau de Lew Landers en 1935. C’était d’excellent films, mais ça n’avait rien à voir avec Edgar Poe. Le titre de l’ensemble est très bon parce qu’en effet il y a bien trois manières de filmer la peur. Le premier volet une sorte de giallo, avec ces couleurs très travaillées, un dessin extrêmement propre, le second est un film d’épouvante, qu’on pourrait situer entre la veine des Dracula et celle des morts vivants façon George Romero. Enfin le troisième est un film fantastique où l’invraisemblable arrive. Les décors et les éclairages sont fidèles à ces principes et diffèrent dans leur usage. Même la musique sera différente d’un film à l’autre, alors qu’elle a le même compositeur. Comme d’habitude, il y a deux versions de ce film, l’une italienne et l’autre traficotée par l’AIP qui a monté les trois épisodes dans un ordre différent, enlevé quelques minutes et surtout, à mon sens ce qui est plus grave, changer la musique, remplaçant celle de Roberto Nicolosi par la musique de Les Baxter. Il convient donc chaque fois en ce qui concerne Mario Bava toujours préférer la version italienne à la version américaine. L’ensemble est présenté par Boris Karloff, comme un hommage à la grande époque d’Universal qui avait inventé le genre horrifique haut de gamme. 

Il telefono 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

Rosy est fatiguée » et n’aspire qu’au repos 

Rosy est apparemment une call girl. Elle rentre chez elle le soir, très fatiguée. Alors qu’elle s’apprête à se coucher, elle reçoit des coups de téléphones intempestifs. D’abord ils sont silencieux, puis, il semble que ce soit un certain Frank qui se propose de la tuer. Elle est totalement affolée, mais on apprend que c’est une femme en vérité qui camoufle sa voix pour lui faire peur. Rosy apprend que Frank s’est évadé. Elle appelle Mary qui est censée être son amie. C’est elle qui fait les faux coups de téléphone. Rosy lui demande de venir. Ce qu’elle fait. On comprend que les deux femmes ont eu une liaison et que c’est Rosy qui a rompu. Enfin elles vont se coucher et Mary emprunte une chemise de nuit à Rosy. Le matin tandis que Rosy dort, Mary lui écrit une lettre en lui avouant qu’elle a tout combiné pour qu’elle lui revienne. Mais tandis qu’elle écrit, un homme pénètre dans l’appartement et étrangle Mary qu’il a confondu avec Rosy. Se reprenant de son erreur, il aperçoit Rosy et va tenter de la tuer, mais celle-ci le tue d’un grand coup de couteau que Mary avait caché sous son oreiller ! 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963 

Elle songe au coup de téléphone qu’elle a reçu 

Il s’agit d’un triangle amoureux, mais ici l’homme qui s’est évadé veut se venger parce que Rosy l’a balancé aux flics et qu’il est parti en prison. La mécanique de l’histoire repose sur la confusion, Rosy croit que c’est Frank qui téléphone et Frank croit tuer Rosy. Cette confusion est en vérité véhiculée par les objets eux-mêmes. D’abord le téléphone, objet moderne s’il en est, ne permet pas de rapprocher les individus dans une communication plus humaine, mais au contraire, il les trompe et les pousse à la faute qui les perdra. Ensuite, Mary perdra la vie parce qu’elle porte la chemise de nuit de Rosy. C’est une des dimensions souvent oubliée de l’œuvre de Bava que de montrer la puissance des objets dans la déshumanisation des protagonistes. Nous voyons d’ailleurs ici que Rosy est une femme solitaire, elle est entourée d’objets apparemment coûteux qui ont transformé son appartement en une prison dont elle ne peut sortir sans danger. Les objets sont maléfiques, ils sont un élément déterminant de sa peur. L’appartement est barricadé, aucune lumière ne semble venir de l’extérieur, c’est un tombeau glacé. 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963 

Mary est venue à son secours 

L’inspiration se trouve dans le film d’Anatole Litvak, Sorry, wrong number, sorti en 1948 et qui était lui-même une adaptation d’une pièce radiophonique[2]. Le principe était semblable, le mari qui voulait se débarrasser de son épouse, la terrorisait en utilisant cet objet moderne qu’est le téléphone, mais le piège se retournait contre lui. Le film est minimaliste, et la mise en scène est parfaitement claustrophobique, et Bava excelle à inventer des mouvements de caméra dans des espaces étroits, trouvant une profondeur de champ inattendue, montrant le caractère étouffant des lumières et des objets. Bien qu’il y ait peu de personnages, ce n’est pas du théâtre filmé, Il en déduit une palette de couleurs très particulière, reconnaissable au premier coup d’œil, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui où d’un film à l’autre on ne voit presque plus de différence dans la photographie, trop plate et d’une volonté trop documentaire. Ici Bava joue avec des couleurs désaturées, les rouges, les bleus, opposées aux couleurs plus vives du téléphone rouge et de la robe verte de Mary. Ce sont les couleurs de ce que deviendra le giallo dans les années soixante-dix parce que Bava joue en même temps sur la lumière. Elles dérivent sans doute d’Hitchcock, avec cependant une patine que le réalisateur anglais n’utilisait jamais. On voit ici que le travail sur la couleur est le complément de la mise en scène elle-même. Il y a seulement deux actrices, d’abord Michèle Mercier dans le rôle de Rosy. Elle est bien sûr excellente dans ces rôles de femme marquée. Avant d’être Angélique avec le succès que l’on sait, elle tournait beaucoup en Italie, un peu dans n’importe quoi, pour des cachets assez dérisoires, quoi qu’elle avait connu déjà un bon succès avec Le prigioniere dell'isola del diavolo de Domenico Paolela l’année précédente. Elle avait déjà tourné sous la direction de Bava dans Le meraviglie di Aladino, un film signé Henry Levin et qui appartient comme le dit si bien Tim Lucas à la filmographie secrète de Mario Bava[3]. Boudée par les cinéastes français qui la classaient bêtement dans le cinéma de genre, la même année elle tournait pourtant chez Melville dans L’aîné des Ferchaux, film à mon sens trop mal compris parce son réalisateur en avait dit du mal[4]. Ici elle est secondée par Lydia Alfonsi qui joue son amante répudiée, mais qui en fait peut-être un peu trop. C’est pour moi le meilleur des trois films, sans doute par sa sobriété et sa rigueur. 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

Mary explique pourquoi elle l’a effrayée, tandis que Frank s’apprête à l’étrangler 

I wurdalak 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963 

Vladimir ramène le cadavre sans tête à la ferme 

Un chevalier, Vladimir D’Urfe, qui court on ne sait où, trouve sur sa route un cadavre sans tête, avec un poignard dans le dos. Il le ramasse et arrivé à une ferme un peu isolée, il est plutôt mal accueilli. Le cadavre semble être celui d’un dangereux guerrier turc qui sème la mort. Dans cette ferme vivent un couple avec un petit garçon, Ivan, et un frère et une sœur. Il apprend que le père, Gorca, est parti guerroyer contre les Wurdalaks. Il devait revenir dans les cinq jours, passé ce délai avait il dit, toute la famille serait en danger à son retour. Or cinq jours viennent de s’écouler. Tout le monde à peur. Voilà Gorca qui revient, l’air harassé. Il ramène la tête du turc. La nuit se passe mal, Gorca attaque son propre fils et s’enfuit avec son petit-fils. Bientôt Pietro partit à sa recherche ramène le cadavre d’Ivan. Comme il est devenu à son tour un wurdalak, son père décide de le décapiter avant de l’enterrer pour sauver son âme. Mais sa mère l’en empêche. Ils ne font finalement que l’enterrer. Dans la nuit le fantôme d’Ivan réapparait. Pietro ne veut pas le laisser entrer, alors sa femme le tue et quand elle ouvre la porte, c’est Gorca qui est là. Vladimir et Sdenka décident de s’enfuir loin de tout cela. Mais comme les chevaux sont épuisés, ils doivent s’arrêter dans un monastère désaffecté pour la nuit. Pendant que Vladimir s’endort, toute la famille de Sdenka l’appelle, elle les rejoint. Quand Vladimir se lève, il est seul. Ne retrouvant pas Sdenka, il retourne à la ferme. Elle y est bien, mais quand elle le reçoit, Vladimir comprend qu’elle est devenue une wurdalak. Comme preuve d’amour, il accepte qu’elle le vampirise ! 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

Sdenka et Maria sont effrayées par l’étranger 

Cette histoire est la plus longue de l’ensemble, c’est sans douter la moins originale aussi. Elle est tout à fait dans la lignée de La mashera del demonio et de la kyrielle des films inspirés par la figure de Dracula. Le style est gothique, et les couleurs qui vont avec sont légèrement pastellisées contrairement à ce que faisait par exemple la Hammer à cette même date. Ce qui donne un ton moins kitch, plus de sérieux et de mélancolie. Derrière cette histoire assez banales les images dévoilent un peu autre chose. Si on sait que les vampires sont toujours assoiffés de sexe – du moins au cinéma – en règle générale ils manifestent des penchants assez orthodoxes en la matière. Ici il y a beaucoup de décalages par rapport à la forme canonique. D’abord il y a l’inceste qui est manifeste. C’est le vieux Gorca qui semble avoir des vues sur son petit-fils, comme si c’est lui qui l’avait conçu. Mais en mordant le cou de tous ceux qu’ils rencontrent, hommes, femmes enfants, il s’approprie sexuellement toute la famille. Il enlève aussi sa fille de la couche où elle repose avec Vladimir. La mère d’Ivan va tuer son mari pour être près de son fils qui est en même temps le concurrent amoureux de sa mère. Mais bien sûr il y a aussi l’amour fou de Vladimir pour Sdenka. Il n’est pas dupe, mais il accepte de se faire contaminer pour devenir l’un d’entre eux. Cet amour n’est pas raisonnable, il s’est déclaré au pied levé si je puis dire. Dès qu’il l’a vu, il a voulu qu’elle lui appartienne et qu’il lui appartienne aussi. Quelle meilleure preuve d’amour peut-on donner à une femme que de se résoudre à devenir son esclave pour l’éternité en devenant un wurdalak ? 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963 

Gorca a enlevé son petit-fils 

Le personnage de Vladimir fait penser à Ulysse, cette âme errante se laisse tenter par les charmes de Sdenka. Manifestement il fuit quelque chose, il ne veut pas retourner chez lui, mais au passage, il enlève la fille de Gorca comme une sorte de trophée dans une sourde bataille avec les autres mâles de la famille. Les deux femmes sont évidemment les sirènes de la fable. Comme Ulysse, il traverse des contrées mystérieuses et dangereuses en même temps, mais évidemment il est bien moins malin que le Roi d’Ithaque et n’arriva qu’à se perdre. L’étrange figure de Gorca peut s’apparenter à celle du Cyclope, il a des yeux étranges et dévore tout sur son passage. 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

Pietro doit percer le cœur de son fils 

Les décors sont particulièrement soignés, toutefois sans être vraiment très remarquables. La ferme est pauvre, un peu délabrée, et le monastère est une ruine, comme si le monde avait fini d’être dévasté. C’est filmé en clair-obscur comme il se doit, mais les contrastes ne sont pas très élevés, ce qui différencie ce film par exemple de La maschera del démonio. Cette manière d’utiliser les éclairages, ajoutée au brouillard qui baigne l’ensemble sera reprise plus tard par Tim Burton dans Sleepy hollow en 1999, dans un long métrage extrêmement pompeux et ennuyeux. Mais la mise en scène de l’ensemble n’est pas franchement remarquable même si elle a la patte de Mario Brava, il semble que, contrairement à Il telefono, il n‘ait pas trouvé la bonne distance d’avec son sujet. C’est un peu décousu. 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

Sdenka et Vladimir se sont arrêtés dans un monastère désaffecté 

L’interprétation c’est d’abord Boris Karloff qui cabotine outrageusement dans un rôle de vieux dégueulasse à l’âme corrompue. Les autres acteurs sont tous assez pâles à ses côtés. Mark Damon est Vladimir, il semble être venu là par hasard, comme s’il regardait tout cela avec indifférence et ironie. Les deux femmes sont belles, même très belles, bien en chair, très attirantes, mais elles restent assez lointaines et manquent de personnalité. Susy Andersen actrice d’origine croate s’était spécialisée dans les rôles de femme de viking, elle est ici Svendka, sans franchement habiter le rôle. Bava la retrouvera dans un autre films Roma contro Roma, officiellement signé Guiseppe Vari, autre film de la filmographie secrète de Mario Bava, un péplum avec des zombies. Rica Dialana joue Maria, la mère d’Ivan. Toutes les deux ne feront pas vraiment carrière au cinéma. Malgré tout, il y a une atmosphère et un savoir-faire qui emporte l’adhésion. 

La goccia d’aqua 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963 

Helen doit préparer la morte pour l’enterrement 

Avec les deux premiers volets, on a visité Paris et puis la vieille Russie caucasienne. Pour le dernier on va faire un détour par Londres. C’est l’histoire la plus courte. Une infirmière solitaire par une nuit d’orage est appelée pour préparer le corps d’une vieille femme médium qui vient de mourir. Elle râle un peu, mais elle y va car elle a besoin d’argent. en préparant le corps, elle voit une très belle bague au doigt de la morte. Faisant attention à ce que la servante ne la voit pas, elle va la voler. Mais par un geste maladroit, elle a fait tomber quelques gouttes d’eau sur la bague. Apparait alors une mouche. Rentrée chez elle avec son butin, elle doit faire face à des événements insolites. La mouche revient la tourmenter, puis ce sont les robinets de l’évier et de la baignoire qui fuient dans un goutte-à-goutte particulièrement énervant. Elle prend peur, au travers de ses tourments, elle voit apparaître le fantôme de la vieille morte à qui elle a volé la bague. Cette vieille femme qui la poursuit va l’étrangler. Une fois morte sa logeuse et la police viennent faire des constatations d’usage. Ils voient qu’elle a ses deux serrées autour de son cou, et qu’au doigt où elle avait passé la bague volée, il y a une marque profonde. Ils en déduisent qu’elle a été agressée et dépouillée. Les policiers regardent la logeuse d’un drôle d’aire, comme s’ils la soupçonnaient d’être la criminelle.  

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

Helen admire la bague qu’elle a volée 

L’histoire est brève, mais très bien menée. Elle met en scène la solitude d’une femme qui va perdre la raison à cause d’une goutte d’eau et d’une mouche qui est, dans le fantastique un animal maléfique. Cette femme est pourtant une infirmière, elle se moque d’ailleurs de la servante de la morte qui n’ose pas s’approcher du cadavre. On retrouve le schéma de La maschera del demonio qui voyait le professeur jouer les esprits forts et rationnels pour ensuite succomber à la pire irrationalité, allant jusqu’au crime. Dans le déroulement de l’histoire, elle passe de la situation de femme forte et dominante, à celle d’une petite fille apeurée qui a peur de la mort et qui culpabilise. Le remord est sa première punition, la seconde sera la mort. On laisse le spectateur à l’idée de savoir si elle s’est étranglée elle-même dans son délire, ou si ce sont des forces mystérieuses qui sont responsables de cet étranglement. Notez que comme dans La ragazza que savepa troppo, cela se passe durant une nuit d’orage, la lumière électrique est coupée, il faut allumer la bougie, ce qui revient à dire que le progrès technique est une illusion fragile qui ne nous met à l’abri de rien. Il y a une utilisation de la verticalité avec la saisie des hauteurs de plafond qui est intéressante. 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

Rentrée chez elle des événements inexplicables se produisent 

Les décors, les habits, les objets, montrent une Angleterre pauvre et médiocre. L’histoire est filmée dans deux appartements fermés, ce qui donne une forme claustrophobique à l’ensemble. Ce sont des pièges dont on ne peut pas sortir. Les couleurs sont très travaillées, bien moins désaturées que dans I wurdalk, elles ont une vie propre dans cette opposition entre les beiges tendres et les bleutés. La lumière est mouvante et donne une forme un peu tremblotante aux mouvements. L’interprétation est presque seulement Jacqueline Pierreux dans le rôle d’Helen, l’infirmière maudite. Actrice très peu connue, elle est pourtant vraiment excellente, passant avec facilité de l’arrogance et de la malice au désespoir. Peut-être parce qu’il n’y a aucun décor extérieur l’ensemble parait bien moins artificiel que I wurdawak dans la réalisation, et en même temps plus poétique. 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963

La logeuse reçoit la police pour constater le décès d’Helen 

Les trois films sont encadrés par deux interventions de Boris Karloff en tant que lui-même. D’abord il y a la présentation, assez enlevée, puis à la fin, on montre l’envers du décor. Il semble que ce ne soit pas Bava qui ait filmé ses scènes, on ne reconnait pas ni le ton ironique, ni les couleurs utilisées, ce serait Ronald Sinclair qui les aurait tournées. Anthony Carrass aurait fait cette confidence à notre excellent et indispensable Tim Lucas[5]Mais on n’a pas de certitude absolue. Remarquez que dans les trois films les femmes ont toutes des perruques opulentes c’est une marque de fabrique de Bava et bien entendu un symbole sexuel fort. La musique de Roberto Nicolosi est excellente, il privilégie les basses, la contrebasse et le basson, en rythmant le déroulement de l’histoire avec des tambours dont le son est judicieusement feutré. C’est un bon film, même si ce n’est pas le meilleur de Bava. 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963 

Le film n’eut pas de succès à sa sortie, on peut même dire qu’il fut un bide. Le chat qui fume a publié l’an dernier une belle version luxueuse du film en 4K. avec des bonus intéressants, notamment une interview du fils de Mario Bava, Lamberto. Dans la présentation Edgar Blatzer affirme que la nouvelle qui a servi de base à La goccia d’aque serait en réalité une adaptation d’une nouvelle de Franco Lucentini, mais rien n’est moins certain, en tous les cas cela confirmerait que Maupassant et Tchekhow sont pour rien dans cette histoire. 

Les trois visages de la peur , I tre volti della paura, Mario Bava, 1963



[1] Une famille de vampires, Cahiers de l’Herne, 2010.

[2] http://alexandreclement.eklablog.com/raccrochez-c-est-une-erreur-sorry-wrong-number-anatole-litvak-1948-a204392010

[3] Tim Lucas, Mario Bava, all the colors of the dark, Video watching, 2007.

[4] http://alexandreclement.eklablog.com/l-aine-des-ferchaux-jean-pierre-melville-1963-a187330618

[5] Tim Lucas, Mario Bava, all the colors of the dark, Video watching, 2007, p. 505.

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