27 Février 2015
Extrait de La vie à en mourir, lettres de fusillés 1941-1944, Tallandier, 2003.
Mes amis,
Ce soir, je vais mourir ; à 9 heures, on m’exécutera. Je n’ai pas peur de quitter la vie, je ne veux pas attacher ma pensée sur la douleur atroce que cela m’est de vous quitter tous, mes amis.
J’écris en même temps deux lettres, à papa et maman et Frédo – ceci est pour vous, Monette chérie, pour toi ma tante Maimaine, pour ma Claude moitié de moi-même, pour mes bien-aimés Marianne et Michel, pour toi mon Gérard, pour vous mes chéries… et vous tous.
J’écris deux autres lettres – arriveront-elles ? Je pense aussi à Berthe et à tous ceux que j’ai aimés.
Madame Dreyfus est la dernière amie que j’ai vue avant de quitter le sol français. Je l’embrasse.
Beaucoup de mes camarades vous renseigneront sur ce qu’a été ma captivité. Je ne vous la raconte pas. Je n’en ai d’ailleurs pas envie. Ce que je veux, c’est vous dire au revoir. Je peur sans peur. Encore une fois, la seule chose affreuse, c’est de se quitter. Je serai très forte jusqu’au bout je vous le promets. Je suis fière de tous ceux qui sont déjà tombés, de tous ceux qui tombent chaque jour pour la libération.
Je vous demande à tous d’entourer papa et maman, de rester près de Frédo, de m’élever mon fils adoré. Il est à vous tous. Si tante Mamaine continue à voir Eliane, j’en suis heureuse. Merci à tous mes amis bien-aimés.
J’ai eu des amis et un amour, vous savez, et je meurs pour ma foi.
Je ne faillirait pas. Vous verrez tout ce que je ne verrai pas. Voyez-le et pensez à moi sans douleur. Je suis très calme, heureuse, je n’oublie personne. S’il y en a que je n’ai pas nommés, cela ne veut pas dire que je les oublie. Je pense à vous tous, tous. Je vous aime, mes amours, mes amis, mes chéris, mon Roland.
France