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Le blog d'Alexandre Clément

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976

Sur son précédent film, Gli amici de Nick Hezard, Fernando Di Leo avait eu énormément de problèmes avec la production qui avait tellement resserré le budget qu’elle avait amputé le scénario et complètement défiguré le film dans ses premières intentions. Il avait eu en outre des problèmes avec les acteurs principaux, Luc Merenda, Lee J. Cobb et même Valentina Cortese. I padroni della citta’ devait lui permettre de sortir la tête de l’eau. Il participe à l’écriture du scénario, et c’est sa société, Cineproduzione Daunia 70, qui va produire le film dont il est aussi le scénariste. C’est encore une affaire de lutte entre voyous. Mais ici le ton se veut un peu plus léger en décalant le sujet vers des truands de seconde catégorie, immergés dans un milieu pauvre, presque prolétaire de Rome. Derrière l’intrigue, il y a une volonté de nous faire visiter les bas-fonds. C’est un film a tout petit budget une fois encore tourné rapidement. En règle générale la critique est plutôt négative sur ce film, mais pour ma part je trouve qu’il est plutôt sous-estimé. Souvent d’ailleurs en ce qui concerne les films criminels qui se tournaient à cette époque, on répercute un peu sans précaution les critiques du temps qui avaient une sainte horreur du cinéma de genre, lui trouvant pas assez d’ambition. Mais avec le temps je crois qu’on a compris combien ce jugement était erroné et qu’il était intéressant de remettre tout ce travail en perspective. Depuis quelques années le poliziottesco est réhabilité et redécouvert, parce que le temps a passé et que les exigences des spectateurs ne sont plus les mêmes. 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Manzari va tuer le père de Ric après un braquage 

L’histoire commence par l’assassinat d’un homme qui vient de commettre un hold-up. Le meurtrier est Manzari qui veut s’approprier la totalité du butin. Mais le fils de son complice l’a vu. Quelques années plus tard, Tony est encaisseur pour un petit truand local, Luigi Cerchio. Il est habile et sait se battre. Un peu fanfaron il prétend pouvoir récupérer n’importe quelle dette. Cela excite la jalousie de Peppe qui essaie de se faire bien voir de Luigi. Ils se battent et Tony sort gagnant. La bande fréquente une espèce de tripot avec salle de billards et jeux de cartes. Un soit Manzari arrive avec sa bande, il joue, mais perd gros. Il paye Luigi avec un chèque en bois. Lors de cette partie de cartes, Tony fait la connaissance de Ric, un autre petit voyou. Tony imagine alors une combine pour récupérer l’argent perdu par Luigi. Il engage un acteur et tous les deux se déguisent en policiers de la garde financière. Ils vont chez Manzari, font semblent d’inspecter les comptes et se laissent « acheter » acheter pour 10 millions de lires. Mais Manzari l’apprend et veut se venger. Luigi est obligé de prendre le large, Peppe le tue et passe du côté de Manzari. Ric, Tony et Napoli vont s’allier pour faire face aux hommes de Manzari. Ric tue Peppe. Puis il va proposer de la cocaïne à Manzari. Il propose que l’échange entre la drogue et l’argent ait lieu dans les anciens abattoirs de la ville. C’est un piège. Les trois hommes vont décimer la bande de Manzari, celui-ci va être tué par Ric qui venge ainsi son père, et les trois amis récupéreront l’argent de Manzari pour partir en vacances au Brésil. 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Manzari va escroquer Luigi Cerchio en payant ses dettes de jeu avec un chèque sans provision

L’intrigue n’est pas très compliquée et ne ménage que peu de surprises. On aurait pu écrire la même histoire en la situant dans le cadre d’un western. La vengeance d’un fils qui va tuer une canaille arrivée à un statut respectable, c’est du western-spaghetti. Et donc ce n’est pas cette trame qui retient l’attention, mais la manière dont elle est menée et surtout la description du milieu dans lequel elle se déroule. Ce sont seulement des petits malfrats qui peuplent ce film, le seul gangster un peu important est Manzari sur lequel Di Leo ne s’attarde guère. Sans doute ne le trouve-t-il pas très intéressant. Il n’a guère d’admiration pour les voyous et les dépouilles de tout caractère glamour. Mais il a tout de même un peut de tendresse pour cette partie de la pègre qui se trouve au bas de l’échelle. Bien que ce soit un film d’action, il y a une description plutôt réussie des mœurs et coutume de ces gagne-petits du crime. On les verra dans leur forfanterie et leur paraître, la palme de la bouffonnerie revenant à Tony qui par exemple ne peut pas s’empêcher de mettre tout le monde dans la merde en signant son forfait lorsqu’il dépouille Manzari de dix millions de lires. Il roule également dans un roadster rouge très clinquant. On a comparé cette manière de faire à du Pasolini. Ce n’est pas faux, même si ça reste plus léger tout de même. 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Ric et Tony cherche un moyen de se venger 

Cette volonté de saisir la vie quotidienne des petits voyous pousse Di Leo a mettre en valeur les décors particuliers dans lesquels ils évoluent. La sale de billard est située dans des recoins improbables de Rome, comme si ces quartiers dissimulaient le crime derrière des immeubles chargés d’histoire et de passé. Il y a une opposition intéressante entre ce repère des petits truands où on joue aux cartes et au billard pour tuer le temps, et la vaste et riche demeure de Manzari, truand arrivé et embourgeoisé. C’est presque d’une opposition de classes dont il s’agit là. Souvent ce film est présenté comme une manœuvre de Ric et de Tony pour monter deux clans, l’un contre l’autre. Ce n’est pas tout à fait juste. La guerre qui éclate entre la bande de Manzari et celle de Luigi Cerchio, est le fruit du hasard et bien moins d’une manœuvre des deux jeunes voyous qui sont en effet d’abord du côté de Luigi. C’est seulement cette guerre qui va offrir l’opportunité à Ric de se venger et à Tony de mettre la main sur de l’argent. il est assez significatif de voir que ces deux petits truands vont s’allier avec Napoli, un homme plus âgé qui ne semble vivre de rien, qui n’a pas d’importance, à part celle de bouffonner. 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

De faux policier de la brigade financière vont voler Manzari 

Le décor, ce seront aussi les anciens abattoirs où le trio Ric, Tony, Napoli va se réfugier. C’est le début de la désindustrialisation, ou plutôt d’une déprolétarisation, des villes et de l’abandon de ces terrains. On sait le rôle que cette tendance jouera en France comme en Italie dans le saccage des grandes villes et leur déshumanisation. C’est dans ces lieux un peu situés aux marges de la ville que les petits délinquants cherchent de nouvelles combines en permanence car l’idée ne leur vient pas de travailler pour gagner leur vie. Vivre de combines est leur passion, mais aussi faire la fête, on verra Ric et Tony partouzer avec une chanteuse de cabaret et ses amies dans un amalgame qui rappelle les orgies dans le milieu du cinéma. On est à Rome n’est-ce pas. Le fait que le trio veuille s’envoler pour le Brésil tient aussi sans doute à cette volonté de faire encore un peu plus la fête. Dans ce contexte, les actions criminelles qu’ils entreprennent, ils tuent tout de même un grand nombre de personnes, apparaissent comme des farces au premier degré. La vision ironique de Di Leo sur ses personnages est compensée par leur capacité à faire des blagues. 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Tony explique à Luigi comment s’en sortir face à la menace de Manzari 

Moins bavard qu’à l’ordinaire, la conduite de l’intrigue repose sur l’action. L’ouverture est remarquable quand Manzari exécute froidement son partenaire de braquage sous les yeux de son fils, filmée dans le flou et avec des ralentis, elle donne un aspect désuet et nostalgique à tout ce qui va suivre. La bataille finale est sans doute un peu trop longue avec des scènes répétitives de voitures et de moto qui tournent en rond, mais elle est très bien rythmée. Plus intéressants sont les longs plans de la montée des escaliers qui mènent à la salle de billard, ou les travellings qui accompagnent la visite de cet immense espace où on joue aux cartes et au billard. Il y a un côté brumeux bien mis en évidence par l’excellente photo d’Erico Menczer. Il a beaucoup travaillé dans le genre, et avait accompagné Di Leo sur La città sconvolta: caccia spietata ai rapitori. 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Peppe s’est vendu à Manzari après avoir tué Luigi 

L’interprétation ce n’est pas ce qu’il y a de mieux, budget étriqué oblige. Jack Palance dans le rôle du cruel Manzari n’est guère présent à l’écran on a sans doute voulu faire des économies sur ses jours de présence sur le tournage. Mettre en gros son nom en haut de l’affiche est à la limite de l’escroquerie. Le film dure un peu plus d’une heure et demi, et Jack Palance doit être présent toutes scènes confondues moins de dix minutes. Le véritable pivot du film est l’Allemand sautillant Harry Baer dans le rôle de Tony. Plus connu pour ses rôles chez Fassbinder, il tient sa place, sans plus. Al Cliver, malgré sa blondeur teutonne et son nom n’est ni Américain, ni Allemand, de son vrai nom Pierluigi Conti, il est Italien. Spécialisé dans le cinéma de genre, du western spaghetti au simili-porno, il est ici le vengeur Ric. C’est peu dire qu’il est très mauvais, transparent ou insignifiant. Rien ne l’habite, il fait ses heures de présence en attendant manifestement que ça se passe. Les seconds rôles sont plus intéressants, à commencer par notre excellent Vittorio Caprioli, vieille connaissance de Di Leo, qui joue une fois de plus le napolitain facétieux et colérique. Mais aussi les truands de la bande de Luigi sont pas mal du tout. Les femmes sont seulement décoratives, à l’instar de l’Allemande Gisela Han – coproduction oblige. 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Peppe tente de s’affirmer comme le chef 

L’ensemble est plaisant à voir et donne ce parfum d’atmosphère presque néo-réaliste qu’on retrouvera souvent dans le poliziottesco, mais qui est absent par exemple du giallo. Cette mise en scène cocasse d’une Italie déboussolée et qui doute d’elle-même vaut tout à fait le détour. En ce qui concerne Gli amici di Nick Hezard, on avait remarqué la proximité du scénario avec The sting, le film de George Roy Hill avec le couple Paul Newman, Robert Rdford, qui avait été un énorme succès planétaire, on pourrait dire que cette source d’inspiration a laissé aussi des traces ici. Di Leo sait rendre attachante une histoire de rien du tout et conserver l’attention du spectateur jusqu’au bout. C’est donc un très bon poliziottesco qui refuse de se prendre trop au sérieux. 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Ric s’en va tuer Peppe 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Pour échapper à Manzari, Tony, Ric et Napoli se cachent dans les anciens abattoirs 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Ric propose à Manzari de lui vendre de la cocaïne 

Mister Scarface, I padroni della Citta’, Fernando Di Leo, 1976 

Ric va abattre Manzari 

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