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Le blog d'Alexandre Clément

O brother, O brother, where art you ?, Joel & Ethan Coen, 2000

O brother, O brother, where art you ?, Joel & Ethan Coen, 2000

Après avoir revisité The big sleep, les frères Coen vont s’attaquer à un autre segment du film noir, le film de bagnards façon I am a Fugitive from a Chain Gang, film de Mervyn LeRoy avec Paul Muni qui date de 1932 et qui est devenu un classique. Mais ils vont y apporter deux éléments qui le transforme, d’abord ils y intègrent une dimension comique, ensuite, la trame de l’intrigue est empruntée à L’Odyssée d’Homère, bien que les deux frères nous disent qu’ils n’ont jamais lu ce livre, mais qu’ils se sont inspiré plutôt de l’excellent film de Mario Camerini, Ulysse, tourné en 1954. Notez qu’après avoir réinvesti le monde contemporain avec The big Lebowsky, ils vont revenir à leur passion, celle de réactiver la mémoire des Etats-Unis. Ici il s’agit de la période de la dépression, époque charnière qui vit en même temps le pays sombrer dans une misère sans fond et relever la tête d’une façon remarquable. Cette relecture de l’histoire n’est pas seulement une nostalgie, elle est une sorte de devoir, une lecture critique du présent à l’aide d’une compréhension du passé. Comme nous l’avons déjà vu, les frères Coen détournent les codes du film noir en travaillant la comédie. Cela n’est pas innocent, c’est en vérité une manière de refuser de sombrer dans le pessimisme, même quand l’heure est grave. C’est peut-être ça au fond qui leur attire la sympathie renouvelée du public qui leur pardonne volontiers la violence latente de leurs films. 

O brother, O brother, where art you ?, Joel & Ethan Coen, 2000

Les prisonniers sont transportés par un aveugle sur une draisine 

Trois prisonniers, Everett, Pete et Delmar s’évadent ensemble car ils sont enchaînés. S’ils ne réussissent pas à prendre le train, un vieil aveugle noir va les prendre sur sa draisine, et il va leur faire des prédictions qui tout le long se révèleront exactes. Le trio s’arrête chez Washington Hogwallop, un fermier ruiné qui est aussi le cousin de Pete. Celui-ci leur enlève leurs chaînes, mais il va les vendre au sheriff Colley qui les poursuit depuis leur évasion. Cependant à cause de la maladresse des policiers, ils arrivent à s’échapper. Ils vont voler une voiture, puis prendre avec eux un guitariste noir, Tommy, qui pense avoir vendu son âme au diable. Le quatuor va ensuite s’arrêter à une station de radio plantée au milieu des champs et gérée par un aveugle. Là ils vont enregistrer pour 10 $ une chanson qui va devenir grâce à la radio un énorme succès. Mais ils n’en savent rien. Le trio se sépare de Tommy, pensant aller à la recherche d’un butin qu’Everett aurait réalisé à partir d’un hold-up. En chemin ils croisent beaucoup de monde. D’abord un baptême au bord d’une rivière, Pete et Delmar en profite pour se faire baptiser, pensant que cela les lavera de tous leurs péchés. Puis ils vont être pris en stop par Baby Face Nelson et ils braqueront une banque avec lui. Enfin, ils rencontrent trois belles jeunes femmes qui les séduisent et leur font boire de l’alcool de maïs. Quand Everett et Delmar se réveillent, Pete n’est pas là, il ne reste plus que ses habits. Delmar pense qu’il a été changé en crapaud. Ils emportent le crapaud avec eux, puis dans un restaurant, ils rencontrent Big Dane Teague, un vendeur de bibles borgne qui va les assommer, tuer le crapaud et les voler. Ils vont en fait retrouver Pete qui est revenu au pénitencier. Ils vont l’aider à s’évader. Celui-ci va expliquer qu’il a été vendu par les jeunes femmes pour la prime. Everett avoue qu’il n’y a pas de butin, qu’il a inventé ça pour s’évader à trois car ils étaient enchaînés. Enfin Everett et ses deux amis arrivent dans sa ville natale qui est en pleine effervescence à cause des élections qui arrivent. Everett tente de récupérer son ex-femme avec qui il a eu six filles, mais celle-ci le traite comme un bon à rien et ne veut rien savoir. En prime, il se fait rosser par son fiancé. Le trio tombe par hasard sur une réunion du Ku Klux Klan. Ils s’aperçoivent que Tommy va être pendu. Ils lui viennent en aide. Mais Big Dane Teague les reconnaît et donne l’alerte. Ils arrivent cependant à fuir, mais une immense croix en feu tombe sur Big Dane qui est tué. Ils retournent en ville. Ils vont s’introduire dans une réunion électorale où se trouve également Penny, ses filles et son fiancé. Le quatuor se met alors à chanter et obtient un triomphe auprès du public qui reconnaît enfin les soaked asses. Papy O’Daniel profite de leur triomphe pour se faire applaudir, tandis que son adversaire Homer Stokes explique à la foule qu’ils ont interrompu la pendaison d’un nègre. Mais la foule ne veut rien savoir et le chasse. Papy O’Daniel promet son pardon au trio et à Tommy. Penny est séduite par Everett. Everett doit aller chercher la bague de Penny pour l’épouser à nouveau. Mais en retournant vers la vieille maison il tombe sur le sheriff Colley qui veut les pendre à nouveau. Ils sont sauvés par l’eau qui va noyer la vallée pour constitue run grand barrage. Everett va pouvoir épouser Penny. La dernière image est celle du vieil aveugle qui traverse la ville sur sa draisine. 

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La police cerne la maison de Washington Hogwallop 

D’entrée un petit texte nous prévient que le héros de cette histoire est un homme rusé qui se sort de tous les pièges. Evidemment en voyant le comportement d’Everett on a du mal à y croire. Plus que le détail des actions et des difficultés, c’est dans la brièveté du voyage que se trouve la différence entre L’Odyssée et ce film. Ulysses voyage dans toute la Méditerranée, avant que d’arriver à Ithaque. Everett fait seulement quelques kilomètres à travers le Mississippi, il tourne en rond. Ce qui veut dire qu’il n’a pas la possibilité de se rendre compte de la diversité du monde et de sa grandeur. Et puis si Penny représente Pénélope, on ne peut pas dire qu’elle lui soit bien fidèle et repousse les prétendants, bien au contraire, c’est son ex-mari qu’elle rejette. A ses yeux ce n’est pas un héros, c’est un incapable. Elle commencera à lui prêter attention seulement quand il aura du succès en chantant et que la foule l’applaudira. Mais si les rapports entre hommes et femmes sont un peu aigres, il y a tout de même l’amitié qui domine. Delmar et Everett vont prendre des risques pour délivrer Pete. Ce trio rappelle celui formé par les joueurs de bowling de The big Lebowski. Il s’élargira à Tommy ensuite qu’ils vont aussi sauver d’une mort certaine. Big Dane, c’est évidemment le méchant cyclope. 

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Le sheriff Colley poursuit les trois évadés 

Comme d’habitude chez les frères Coen, il y a beaucoup de références cinématographiques, et même avec de l’expérience on n’est pas certains de les avoir toutes relevées. D’abord celle qui renvoie à Cool hand Luke, le film de Stuart Rosenberg où Paul Newman trouva un de ses meilleurs rôles[1]. Le sheriff Colley est l’équivalent de Boss Godfrey, avec presque les mêmes lunettes, en tous les cas accompagné du même genre de chiens qui traquent Luke. Les bagnards construisent une route dans les deux films. Une autre référence c’est The grapes of warth de John Ford tourné en 1940. La casquette et la salopette que porte Everett sont les mêmes que celles d’Henri Fonda. Et puis bien sûr on a les fermiers en colère contre les banques et contre les huissiers, mais ici ce n’est pas franchement dramatique. Une autre référence me semble être celle de Baby Face Nelson, le film de Don Siegel tourné en 1957 qui soulignait une forme d’innocence de ce criminel célèbre et admiré dans les campagnes du Sud profond. Les portraits des deux politiciens en campagne sont empruntés à des personnages qui ont réellement existé, W. LEE "Pappy" O'Daniel traficotait dans la farine, c’est lui qui se servait du balai pour jouer les populistes réformateurs. Ce rappel des emprunts est important parce qu’il explique comment les frères Coen utilisent le détournement et le collage dans leur construction. Egalement le contexte de la dépression et la mise en place du plan de relance de Roosevelt explique cette histoire de barrage qui va sauver la vie d’Everett et de ses deux complices. En effet, l’administration Roosevelt pour sortir de la crise économique avait misé sur des investissements massifs dans les infrastructures, donc aussi sur la mise en place de barrages colossaux destinés à la production de l’électricité et également à la gestion de l’eau pour l’agriculture. Sur ce thème on trouve d’ailleurs l’excellent film d’Elia Kazan, Wild river, tourné en 1960, sans qu’on puisse dire que les frères Coen s’en soient directement inspiré. Cependant noyer une vallée c’est vu comme un drame chez Kazan, comme une délivrance chez les frères Coen. Cet envahissement des eaux assurant la rédemption semble aussi relever d’une image du déluge. 

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Les trois évadés et Tommy chantent à la radio 

A côté des références historiques et cinématographique, le fil rouge de ce film, c’est la musique populaire du Sud qui montre que même si les Etats sudistes sont un peu racistes et qu’ils aiment le Ku Klux Klan, ils ne sauraient être totalement mauvais. Plus encore que dans les autres films les frères Coen ont utilisé une bande sonore extraordinaire. La question n’est pas de s’extasier sur la qualité musicale bien réelle, mais plutôt sur le fait qu’ils nous montrent comment une musique peut exister sans être coupée du peuple. L’épisode de l’enregistrement du tube des soaked asses dans cette station de radio située au milieu de nulle part est édifiante. Le producteur, aveugle, cela va de soi, ne veut pas de la musique de nègres, mais il est ensuite enthousiasmé par celle-ci, dépassant ses préjugés. Il y a de la musique partout, et les enfants chantent aussi. Cela donne une idée de l’enthousiasme de ce peuple qui ne peut se sortir finalement de tous les mauvais pas où il se trouve. Les sirènes chantent également et ne parlent jamais pour séduire les malheureux qui passent à leur portée. Les religieux qui vont au baptême chantent encore. La musique jaillit spontanément et n’est pas le fait de musiciens de profession, elle est l’âme du pays. Cette évocation du Sud par des hommes du Nord que sont les frères Coen est une histoire récurrente dans leur cinématographie. Ils regardent ça d’une manière intéressée sans forcément vouloir tout comprendre. 

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Trois jeunes femmes séduisent les évadés 

Dans ce cadre général, on va retrouver deux thèmes que les frères Coen avaient commencé à développer avec The great Lebowski, d’abord celui de l’amitié virile excluant les femmes. Le trio est finalement assez soudé, et ses membres acceptent de prendre des risques énormes pour venir en aide à celui qui est dans le pétrin. Quand Pete les retrouve après avoir fuit à nouveau le pénitencier, il les serre longuement dans ses bras parce qu’ils sont sa seule famille. Certes ils se disputent et Pete n’aime pas trop qu’Everett les commande et leur dise quoi faire, surtout qu’il n’est pas très compétent et qu’en plus il est un peu menteur. L’idée est que rien ne peut leur arriver s’ils restent ensemble. Et c’est d’ailleurs en chantant en groupe qu’ils vont se tirer d’embarras. Cette amitié virile qui tient aussi un peu d’une alliance de bras cassés, est l’antithèse de l’attirance que les femmes peuvent exercer sur eux. La femme n’apporte que des ennuis. Everett l’affirme d’ailleurs, bien qu’il ne puisse s’empêcher de rechercher la sienne et de vouloir la reconquérir. L’épisode des sirènes est là pour le prouver. Mais peut-être que c’est encore mieux démontré avec les filles d’Everett qui lui dénient le droit d’être un père. On pourrait dire qu’elles commencent tôt dans cette guerre larvée entre les sexes. Et elles continuent ! A la fin du film l’épisode de la bague montre combien Penny est décidée à faire une guerre de harcèlement à Everett, quoiqu’il fasse. C’est une forme indirecte de critique de la famille qui est présentée ici et une fois de plus. 

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Big Dan Teague explique comment vendre des bibles 

Le film est placé sous le signe du destin, représenté ici par le noir aveugle sur sa draisine, ne voyant rien de la réalité qui l’entoure, il devine et anticipe l’avenir faisant des prédictions qui seront justes. Il est le pendant de Tiresias. La question du regard est décisive. Big Dan Teague, lui, est borgne, ne voyant que d’un œil, ça le rend méchant et cela ne lui permet pas de comprendre autre chose que ses propres préjugés. Ça le rend mauvais, comme le Cyclope de l’Odyssée d’ailleurs, il dissimule son œil vide derrière une cagoule du KKK dotée d’une seule ouverture pour son œil gauche. Il y a un autre aveugle, celui qui n’aime pas les nègres, mais qui aime leur musique. S’il ne peut pas voir, il peut entendre et écouter. Il voit avec ses oreilles ! Et celles-ci sont reliées directement avec son cœur. le sheriff Coffey n’est pas aveugle, mais il masque son regard derrière des lunettes noires qui lui donnent l’allure d’une sorte de robot venu d’ailleurs. Cette absence volontaire de regard est la conséquence des choix qu’il a fait : ne pas comprendre la réalité pour poursuivre une vengeance qui n’a pas de fondement autrement que dans son caractère. 

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La ville natale d’Everett est en pleine effervescence électorale 

Tout cela va expliquer les formes mêmes de la mise en scène. D’abord la photographie de Roger Deakins, habituel compagnon des frères Coen, va magnifier les espaces traversés. Les frères Coen semblent en appeler à une Amérique originelle, presque vierge de la présence humaine. L’image est très travaillée sur le plan des couleurs, teintée de sépia pour lui donner une vague allure de passé. Joel Coen avait avancé que ce formalisme devait faire ressortir l’automne et gommer l’aspect trop vert des paysages. Ce jeu sur les couleurs permet de donner un cachet d’époque aux vêtements. Le second aspect est la référence continue à l’eau. C’est un film noyé où les flux de liquide emportent tout sur leur passage. Ils renvoient à une forme de renaissance perpétuelle. Les trois sirènes sortent de la rivière, sans qu’on sache qu’où elles viennent et qui elles sont, et s’arrosent continument pour faire ressortir leur sexualité. Les membres d’une secte religieuse noient leurs péchés en pensant se purifier et donc renaître. Et puis lorsque les eaux déferlent pour noyer la campagne et créer un barrage, il est clair que c’est un nouvel épisode de la vie qui commence. 

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Penny Wharvey-McGill présente son fiancé à Everett 

Comme à leur habitude les frères Coen tracent des lignes droites qui ne vont nulle part, on l’a vu avec l’aveugle et sa draisine. On le voit encore avec ses routes rectilignes qui traversent des cultures très étendues. Ce sont aussi ces prisonniers qui travaillent à une route sans fin, besogne destinée à les remettre dans le droit chemin. Le parti pris de la comédie va donner un aspect sautillant au film. Les dialogues sont vifs, et les gestes des acteurs volontairement caricaturaux. Seule la musique est filmée avec un esprit de sérieux. Même les scènes de violence, et il y en a, sont minimisées dans leur sauvagerie par le fait qu’elles ne débouchent sur rien. Quand la police attaque la maison du cousin de Pete, le drame tourne à la farce, c’est la même chose pour le rassemblement du Ku Klux Klan qui se proposait de pendre un nègre un peu trop naïf pour croire qu’il avait scellé un pacte avec le diable. Et même si on comprend que Big Dan Teague va sans doute mourir écrasé par une croix en feu, ça ne fait guère frémir le spectateur. Il y a des scènes exceptionnelles comme pare exemple l’arrivée d’Everett dans sa ville natale, quand il doit traverser la foule pour retrouver ses filles en train de chanter sur la scène. Un long travelling arrière permet de donner non seulement de la densité ç travers la foule, mais aussi de la vérité, avec ces gens qui ont sans doute mis leurs habits du dimanche pour aller vers ce qu’ils pensent être une fête amusante. Joel Coen utilise beaucoup la grue pour les mouvements de foule. Cela permet une chorégraphie intéressante du rassemblement du Ku Klux Klan. Cette masse qui chante et qui danse indique mieux que mille discours la popularité de cette secte du moins à cette époque. L’autre moment fort sera évidemment la démonstration de la popularité musicale des soaked asses. 

O brother, O brother, where art you ?, Joel & Ethan Coen, 2000 

Le trio des évadés tombe sur une réunion du Ku Klux Klan 

Ce film révèle une fois de plus la qualité de la direction des acteurs. George Clooney qui à cette époque était au faîte de sa renommée, brise son look de séducteur dans le rôle d’Everett, il n’a rien d’un héros et se fait rosser par le fiancé de son ex-femme. Il joue les ahuris, beau parleur peut-être, mais inconscient de ce qu’il est vraiment et blessé par l’attitude de sa femme. Le film est construit autour de lui et de sa célébrité. Il y a ensuite John Turturro dans le rôle de Pete, un plouc, ignorant, sans avenir qui se raccroche au groupe d’amis qu’il forme avec Everett et Delmar. Il est très bon, et beaucoup moins caricatural que dans The big Lebowsky. Le troisième, c’est Delmar, joué par Tim Blake Nelson. Les frères Coen le réemploieront dans le très médiocre The ballad of Buster Scruggs[2]. Et puis il y a John Goodman dans le rôle de l’imposant Big Dan Teague. Il est très bien comme à son ordinaire, répétant un peu le rôle du psychopathe qu’il interprétait dans Barton Fink, sans l’once d’un aspect sympathique toutefois. Holly Hunter est Penny, la peste, mère des enfants d’Everett qui s’applique à compliquer la vie de tout le monde. Si tous les acteurs sont excellents, il faut souligner la performance de Charles Durning dans le rôle assez bref du politicien louvoyant Papy O’Daniel. 

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Papy O’Daniel tente de profiter du triomphe des soaked asses 

L’ensemble est donc très réussi. Applaudi par la critique et soutenu par le public, ce fut à cette époque le meilleur résultat pour un film des frères Coen. La présence de George Clooney qui prendre l’habitude de travailler avec eux, n’y est pas pour rien. C’est un film jubilatoire qui sous la dérision interroge l’identité profonde de l’Amérique à travers ses musiques et son cinéma. Pour ma part ce n’est pas ce que je préfère des frères Coen, Miller’s crossing me plait mieux, mais c’est excellent tout de même et la réputation de ce film n’est pas du tout usurpée. Rien que le plaisir de la bande son, c’est quelque chose ! 

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Le trio est menacé encore de pendaison 

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Penny veut bien se remarier avec Everett, mais la bague ne lui plait pas

 

 

Addendum 

Les sources d’inspiration des frères Coen sont multiples et variées. Ils utilisent et détournent des films, des chansons, des images, tout ce qui est sensé donner un sens à l’Amérique. Dans son excellent ouvrage, L’Amérique des frères Coen, CNRS éditions, 2012, Julie Assouly remarque que les frères Coen utilisent les mythes de l’Amérique, ceux qui ont été portés par Norman Rockwell et Edward Hopper dans la peinture. Elle souligne à juste titre que si la scène des sirènes est évidemment une parodie de L’Odyssée, c’est aussi une manière de se démarquer de l’image que Norman Rockwell présentait de l’Amérique rurale dans le Saturday Evening Post du 5 aout 1933 et où on voit un jeune garçon en train de pêcher entouré de trois jeunes femmes. C’est certainement une source d’inspiration, mais elle est très difficile à interpréter. En effet Julie Assouly suppose que les illustrations de Norman Rockwell sont une sorte de propagande réactionnaire pour l’American Way of Life. Mais peut être que l’intention de Norman Rockwell inconsciente est seulement de montrer un idéal qui n’a jamais été atteint, voire qui ne peut l’être à cause de l’urbanisation galopante du pays. De même quand les frères Coen se saisissent et détournent cette image, on peut le voir comme la volonté de dénoncer un mensonge. Julie Assouly nous dit que les frères Coen ne sont pas marxistes. C’est bien possible, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’ils n’exercent pas aussi une fonction critique à travers leurs films. Julie Assouly leur dénie cette intention, leur reconnaissant seulement la volonté de raconter des histoires, ce qui ne veut pas dire grand-chose. Il est évident qu’ils ne sont pas des militants politiques, et c’est tant mieux pour le spectateur, mais ils savent très bien que leurs films passent au scalpel toutes les tares de l’Amérique. Ils sont bien plus engagés que ne semblent le croire Julie Assouly, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les droits des noirs qui sont présents dans presque tous les films des frères Coen. Et le dernier film de Joel Coen, The tragedy of Macbeth, cède à l’esprit militant de ce temps en faisant de Macbeth un personnage incarné par un noir. 

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[1] http://alexandreclement.eklablog.com/luke-la-main-froide-cool-hand-luke-stuart-rosenberg-1967-a130955764

[2] Renarquez que la seule fois où les frères Coen ont travaillé pour Netflix, ils ont réalisé un film très médiocre, c’est d’ailleurs la même chose pour Martin Scorsese qui en signant The irishman a aussi signe le film le plus médiocre de sa carrière, à croire que l’argent de Netflix a pour but premier de tuer le cinéma.

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