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Le blog d'Alexandre Clément

Robert Hossein, dernier hommage

 Robert Hossein, dernier hommage

Les commentateurs illettrés qui nous ont parlé du décès de Robert Hossein à la fin de l’année dernière ont commis énormément d’erreurs tout en démontrant la misère dans laquelle se vautre le journalisme actuel[1]. Sans doute la principale erreur a été de vouloir le réduire au rôle de Joffrey de Peyrac dans Angélique marquise des anges. Ce film est sorti en 1964, mais à cette époque il avait déjà une très longue carrière d’acteur et de réalisateur derrière lui. Il avait beaucoup de succès dans toute l’Europe, et principalement en Italie où la critique était moins ronchonneuse. De même on a fait semblant de croire qu’il s’était lancé dans l’activité de metteur en scène de théâtre seulement en 1970. Soit après mai 68 pour s’éloigner d’un milieu toxique dominé par l’argent. En vérité il avait commencé par le théâtre et notamment dans le rôle de Frank dans La neige était sale en 1952. Ce rôle il le devait à Frédéric Dard qui était l’auteur de la pièce d’après le roman de Simenon et qui l’avait proposé en remplacement de Daniel Gélin qui était l’interprète officiel de ce rôle. Celui-ci était indisponible pour cause d’abus de stupéfiants et dût rejoindre une clinique pour se désintoxiquer. Robert Hossein se fit remarquer dans le bon sens du terme. Ce fut le début d’une très longue amitié qui dura jusqu’au décès de Frédéric Dard. 

Robert Hossein, dernier hommage 

C’est d’ailleurs en adaptant Les salauds vont en enfer, d’après la pièce de Frédéric Dard, qu’il avait mis en scène au Grand guignol, qu’il fit ses premières armes au cinéma avec l’aide de Georges Lampin. Le film fut un succès, mais ce fut aussi une raison de dispute avec Frédéric Dard parce qu’il n’avait pas jugé utile de travailler à l’adaptation avec lui ! Ce film bénéficiait aussi de la présence de Marina Vlady qui allait devenir sa femme, et qui était à cette époque une vedette internationale, très connue en Italie notamment. Et son père avait fait aussi la musique. Celui-ci fera d’ailleurs toutes les musiques des films de Robert Hossein.  Très attiré par la littérature russe, sous la direction de Georges Lampin, il tournera une excellente version de Crime et châtiment, film dans lequel il avait le premier rôle devant Jean Gabin et Bernard Blier. C’était en 1956. Il y aura d’autres fâcheries avec Frédéric Dard, notamment quand celui-ci publia Le mari de Léon en 1990 et qu’Hossein crut se reconnaître dans le personnage de Boris Lassef, bien sûr, mais les fâcheries ne duraient jamais longtemps. Hossein ramena d’ailleurs Frédéric Dard à l’écriture théâtrale alors que celui-ci s’en était quelque peu détaché à cause d’un certain nombre d’échecs. Dard en tira de grandes satisfactions par le biais de pièces policières, revenant vers James Hadley Chase. Hossein tenta également de le dissuader de continuer à écrire des San-Antonio qu’il trouvait indigne se son talent, il faillit bien y réussir en 1966 quand Dard annonça dans France soir que Béru et ses dames serait son dernier San-Antonio. Mais Dard revint sur sa décision et continua la saga sans doute parce que sous son véritable patronyme il commençait à s’user. 

Robert Hossein, dernier hommage 

La nuit des espions, Robert Hossein, 1959 

En tant que réalisateur Hossein a été très sous-estimé. Il était pourtant très original. J’espère que sa disparition sera l’occasion pour beaucoup de redécouvrir cette facette de son talent. Lui-même passait son temps à se dénigrer, avançant que seul Le vampire de Düsseldorf et à la rigueur Toi le venin n’étaient pas mauvais. Il avait une manière très personnelle d’utiliser les silences et les mouvements lents de caméras comme les décors naturels souvent vides et sauvages. Il avait été influencé par le cinéma américain, le film noir plus précisément, mais aussi par le réalisateur mexicain Emilio Fernandez[2]. Trop à l’écart des tendances dominantes du cinéma académique, trop éloigné des mièvreries et des préciosités de la Nouvelle Vague, la critique le marginalisa. Il en a certainement souffert sans trop le dire, préférant penser que cette mise à l’écart était un peu de sa faute. Mais je crois avoir montré comment en tant qu’acteur et peut-être encore plus en tant que réalisateur il était très original. Toi le venin toujours d’après Frédéric Dard fut un autre grand succès, et sans doute le plus près des canons du film noir du cycle classique, avec l’excellente musique jazzy de son père qui fit danser pendant des années les jeunes gens dans des bals populaires les soirs d’été. il écrivait ainsi une autre page de la modernité au cinéma avec un érotisme très particulier, bordé d’un sado-masochisme évident.  Sur les quinze films qu’il a mis en scène, onze sont des films noirs. Et c’est d’ailleurs dans ce genre qu’il fut reconnu comme un acteur de cinéma de premier plan. 

Robert Hossein, dernier hommage

La bataglia del deserto, Mina Loy, 1969 

Que ce soit au théâtre ou au cinéma Hossein fut très marqué par la Résistance et l’Occupation, tout comme Frédéric Dard d’ailleurs. Il amena l’idée des Six hommes en question qu’il écrivit avec Frédéric Dard pour le théâtre. Ce dernier romança la pièce pour en faire Le sang est plus épais que l’eau. La pièce elle-même fut reprise ensuite sur scène sous le titre de Dans la nuit la liberté. Sur le même thème, il donna également l’histoire de La sentence, un film du regretté Jean Valère. Sans doute en tant qu’acteur a-t-il été influencé par Marlon Brando. Comme lui il portait l’uniforme nazi, et comme lui il s’était fait décolorer les cheveux dans La nuit des espions. Mais son personnage de Perez dans Le goût de la violence rappelait aussi celui d’Emiliano Zapata qu’interprétait Brando dans le film de Kazan, Viva Zapata ! En tant qu’acteur il a tourné de très bons films noirs comme le méconnu La part des lions de Jean Larriaga. En tant que metteur en scène de théâtre il avait fait beaucoup de chose, d’abord dans les années cinquante, avec Frédéric Dard, il avait redonné le goût aux Parisiens pour Le Grand Guignol. Dans les années soixante-dix, comme il était le directeur du théâtre de Reims, il avait rajeuni la présentation des classiques de la scène, Shakespseare, Lorca avec du goût aussi pour les Russes, Dostoïevski, Gorky. Puis il s’orienta vers les grands spectacles scéniques, innovant vraiment dans l’usage de la scène mais aussi des micros cravates que portaient les acteurs, ce qui avait le double avantage de pouvoir jouer dans des salles immenses, mais aussi d’utiliser des tonalités de voix différentes par rapport au théâtre classique. 

Robert Hossein, dernier hommage 

La bataglia d’El Alamein, Giogio Ferroni, 1969

De nombreux films sont introuvables aujourd’hui et mériteraient d’être repris en numérique. Je peux en donner une petite liste ici :

- Pardonnez nos offenses, J’ai tué Raspoutine, Le caviar rouge, en tant que réalisateur.

- Les canailles de Maurice Labro d’après James Hadley Chase, Les grands chemins, de Christian Marquand d’après Jean Giono, La longue marche d’Alexandre Astruc, un excellent film sur la Résistance avec Maurice Ronet et Jean-Louis Trintignant, Brigade anti-gang, de Bernard Borderie, d’après Auguste Le Breton, en tant qu’acteur.

On aimerait bien que quelque éditeur audacieux se lance dans cette aventure, ce serait après tout le meilleur hommage à lui rendre. 

Robert Hossein, dernier hommage 

Maldonne, Sergio Gobbi, 1969 

Listes de films de Robert Hossein commentés sur ce blog : 

Les salauds vont en enfer

Pardonnez nos offenses

Toi le venin

Les scélérats

La nuit des espions

Le jeu de la vérité

Le goût de la violence

La mort d’un tueur

Les yeux cernés

Le vampire de  Düsseldorf  

Point de chute

Robert Hossein, dernier hommage

 

 



[1] https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2020/12/31/robert-hossein-acteur-et-metteur-en-scene-de-la-demesure-est-mort_6064914_3382.html Le dindon qui a commis cet articulet allant jusqu’à dire que Brigitte Bardot avait tourné dans Du rififi chez les hommes ! Mais aussi se régalant de rapporter les médisances de Marguerite Duras qui avait eu la chance de l’avoir comme acteur dans La musica dont la mise en scène n’était de Duras – bien qu’elle ait signé le film – mais de Paul Seban.

[2] http://alexandreclement.eklablog.com/le-filet-la-red-emilio-fernandez-1953-a114844676

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