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Le blog d'Alexandre Clément

Fauda, saison 1, 2015

 Fauda, saison 1, 2015

Fauda est une série télévisée israélienne qui a conquis une audience énorme sur le plan international, il s’est même murmuré que les Palestiniens apprécient aussi cette série. Bien évidemment les BDS ne sont pas contents – on va voir pourquoi – et ils ont demandé à Netflix de renoncer à la distribuer. C’est déjà en soi une bonne raison de la regarder ! Cette série raconte la traque d’un terroriste du Hamas dissident que les services secrets israéliens croyaient avoir tué. L’équipe des traqueurs travaille par infiltration, manipulation, retournement et chantage pour obtenir des informations. L’ambiance rappelle aussi bien The little drummer girl le film de George Roy inspiré du roman de John Le Carré[1] que le roman d’Eric Ambler The levanter[2]. Le premier point sur lequel les BDS se trompent, c’est évidemment que cette série (on se demande s’ils l’ont vue), si elle porte bien un discours politique, n’est pas du tout celui qu’on imagine : il ne cherche pas à démontrer la supériorité des Israéliens sur les Palestiniens. Bien au contraire, il vise à montrer une proximité de fait entre les deux parties, aussi bien parce que chacune des deux parties possède sa logique propre, ses raisons d’agir, que parce que les méthodes employées se ressemblent assez. Sans occulter le contexte politique particulier, il faut d’abord voir cette série comme une sorte de film noir en 12 épisodes. Outre le grand réalisme dont cette série fait preuve, il faut souligner qu’elle a été écrite par Lior Raz qui joue ne même temps le rôle principal, et Avi Issacharoff, tous les deux sont des anciens des unités spéciales du renseignement israélien.

 Fauda, saison 1, 2015 

L'unité de Mista'arvim pense que le Tigre va venir au mariage de son frère 

Doron est un vétéran des services secrets qui va reprendre du service pour traquer, Abou Abed, le Tigre, un terroriste, dissident du Hamas, que tout le monde avait cru mort et qui rêve de revanche. L’occasion va leur être fournie de l’approcher lors du mariage de son jeune frère. Les Israéliens pensent en effet qu’il y fera une apparition. Doron et un de ses collègues prennent la place des traiteurs qui doivent livrer des pâtisseries. Mais les choses ne se passent pas comme elles devraient, ils sont repérés, et une fusillade va s’ensuivre, laissant le frère de Taufiq sur le carreau et sa jeune épousée veuve. Taufiq est également blessé et va se faire soigner sous la protection du jeune Walid. Là c’est la cousine de Walid, le docteur Shirin qui s’occupe aussi de Taufiq. La jeune veuve va vouloir se venger et se propose de commettre un attentat dans lequel va décéder la compagne de Boaz, un jeune membre de l’équipe de Doron. La traque s’intensifie et pour obtenir des renseignements, le capitaine Ayoub va exercer son chantage sur un vétéran de la cause palestinienne dont la fille est malade et doit se faire soigner. Mais Taufiq évente le piège et avant que l’unité spéciale n’arrive à lui mettre la main dessus, il aura tué celui qu’il pense être un traitre. En même temps Taufiq avec l’aide de son fidèle Walid, et contre les décisions politiques du Hamas, va tenter de mettre au point un attentat mortel au gaz sarin, en espérant que cela entrainera une répression féroce de la part des Israéliens et qu’à ce moment-là les Etats musulmans seront obligés de se ranger derrière la cause palestinienne. Entre temps Doron dont la femme le trompe avec son collègue, a entamé une liaison avec la belle docteur Shirin en se faisant passer pour un membre de la Sécurité préventive palestinienne. Mais parallèlement le docteur Shirin est soupçonnée de travailler pour les Juifs et Taufiq demande à Walid de l’éliminer. En même temps que le Hamas fait pression sur Walid pour qu’il élimine Taufiq, Doron arrive à se faire engager par Taufiq pour effectuer lui-même l’attentat au gaz sarin. Cependant la femme de Taufiq veut se séparer de lui, elle en a marre de la guerre et voudrait avoir une vie normale. Le capitaine Ayoub va lui proposer de partir pour Berlin où elle a de la famille. Finalement Walid va tuer Taufiq, en espérant ainsi pouvoir épouser le docteur Shirin. Et l’attentat au gaz sarin ne sera pas commis.

 Fauda, saison 1, 2015 

Scheik Awadalla est venu saluer la femme de Taufiq 

Comme on le comprend c’est une histoire dense et plurielle. Où les caractères sont très détaillés. D’abord ce qui domine des deux côtés de la barrière, c’est le mensonge et la manipulation. Aux mensonges et à la manipulation de Taufiq, répondent les mensonges du capitaine Ayoub ou ceux de Doron. Mais au-delà de ces mensonges, ou malgré eux, ce qui frappe dans cette série, c’est l’humanité qui s’en dégage. Taufiq, terroriste sanguinaire, est en même temps un père et un époux aimant. Doron manipule Shirin, mais en même temps il en tombe clairement amoureux. Il est d’ailleurs remarquable que les relations entre les Palestiniens et les Israéliens qui se combattent, soient aussi marquées par une attirance quasi physique. Doron est attiré par la belle docteur Shirin, mais le capitaine Ayoub l’est aussi par la femme de Taufiq. Evidemment dans leur rôle d’espion et de terroriste, les protagonistes restent des sauvages. Doron fera éclater la main du Scheik Awadalla à coups de marteau pour le faire parler, sous le regard défait de sa collègue Nurit. Les uns mentent, les autres se font acheter. Ils sont tous finalement très faibles, qu’ils soient Israéliens ou Palestiniens. 

Fauda, saison 1, 2015 

Scheik Awadalla soit se porter garant d’un vétéran de la lutte contre Israël 

Contrairement à la propagande débile des BDS, cette série est loin d’être pro-israélienne, ni non plus anti-israélienne. Par exemple, non seulement elle présente l’Autorité palestinienne avec la bonne volonté de coopérer au travers de la sécurité préventive, mais même le Hamas n’est pas dépeint sous les traits des bêtes féroces cherchant à tout prix la terreur. Les Palestiniens ne sont pas non plus présentés comme des musulmans maltraitant leurs femmes : certes on voit bien ici et là, ce n’est pas si simple, par exemple Shirin a bien du mal à tenir à distance son cousin qui veut se marier avec elle, mais ce n’est pas la règle. Tout le début du film montre du reste le mariage du frère de Taufiq comme un mariage d’amour et non comme un mariage arrangé. Le message politique – s’il y en a un – serait plutôt dans une volonté de coopération et d’une nécessaire marche vers la paix. L’autre point remarquable de cette série, c’est la place qui est accordée aux femmes. Que ce soit l’énergique Nurit, ou le docteur Shirin, ce sont des femmes de caractère, capables d’agir et de tenir tête. C’est aussi le cas de la femme de Taufiq qui prend la décision douloureuse de se séparer de son mari. L’accent est mis aussi sur la tradition d’hospitalité des musulmans. Et rien ne sera caché de la brutalité de l’armée qui investit la maison de la mère et de la femme de Taufiq.

Fauda, saison 1, 2015 

Doron manipule le Docteur Shirin 

La série est tournée en décor naturel, c’est-à-dire qu’elle fait clairement ressortir la différence de situation économique entre les Israéliens et les Palestiniens. Cette différence se traduit d’ailleurs par une supériorité technologique de services de renseignements israéliens, on y verra l’action des drones, des systèmes d’écoute sophistiqués. Les agents de l’équipe à Doron sont des infiltrés, c’est pourquoi les deux tiers de la série est en arabe, ils parlent couramment l’arabe et sont capables de se fondre dans la foule des Palestiniens, récitant au passage les sourates du Coran. Sur le plan cinématographique la caméra est extrêmement mobile, souvent portée à l’épaule, et se glisse au plus près de l’action. Car il y a beaucoup de tension et beaucoup d’action. Pour ceux qui ne connaissent pas la Cisjordanie, c’est aussi une occasion de la découvrir. Manifestement cette série s’est inspiré par sa violence et sa manière de filmer de The shield, la célèbre série américaine qui se passait dans le milieu corrompu du LAPD, sauf bien sûr qu’à aucun moment, et malgré tous leurs défauts les agents de l’équipe de Doron ne se laissent corrompre ou ne sont violents gratuitement. La corruption, ce serait plutôt celle du ministre israélien de la défense, ou certains bureaucrates palestiniens. Mais cette corruption s’arrête à la sécurité d’Israël. Encore que Issam fournira un revolver que le Hamas a acheté à un soldat israélien

 Fauda, saison 1, 2015 

Le Tigre recrute des volontaires pour des attentats 

Le lien avec la série The shield est encore plus facile à faire grâce à l’acteur Lior Raz qui incarne Doron. C’est une sorte de Michael Chiklis israélien. Taciturne et solitaire, il incarne l’obsession israélienne des attentats et de la sécurité. Il a une présence impressionnante. Dans l’ensemble tous les acteurs sont excellents, que ce soient les femmes comme Laëticia Eido qui incarne le docteur Shirin, ou Roona-Lee Shimon qui interprète Nurit. Les Arabes sont aussi excellents le mélancolique Hisham Suliman qui joue le rôle de Taufiq, le combattant perdu de la cause palestinienne, ou Shadi Mari’ qui est le jeune Walid, le bras droit de Taufiq qui manifeste des hésitations idéologiques. On verra aussi Henry Andrawes, excellent acteur palestinien, dans le rôle d’Issam le redoutable leader du Hamas, et également le très bon Itzik Cohen dans le rôle de l’ambigu capitaine Ayoub. Il y a des acteurs un peu en dessous tout de même, je pense particulièrement à Tomer Capon dans le rôle difficile de Boaz.

 Fauda, saison 1, 2015 

Issam veut la peau de Taufiq

Certes ce n’est pas cette série qui va réconcilier les deux parties et amener une paix durable, mais elle permet à mon sens de mieux prendre la mesure de la complexité de ce conflit. Et puis au-delà de l’analyse politique, si cette série vaut le coup d’œil, c’est aussi parce que c’est une série « noire » où la quasi-totalité des protagonistes sont dans le désespoir et ne trouvent leur grandeur que par lui.



[1] http://alexandreclement.eklablog.com/la-petite-fille-au-tambour-the-little-drummer-girl-george-roy-hill-198-a114844630

[2] Excellent roman traduit en français sous le titre Le levantin, Hachette, 1973.

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