• Perché si uccide un magistrato, Damiano Damiani, 1975

    Perché si uccide un magistrato, Damiano Damiani, 1975 

    Certes on reconnait la patte de Damiani dans ce film qui met encore en scène la Sicile, la mafia, les sombres magouilles du Parti, et aussi ceux qui essaient de lutter contre. Cependant, au final c’est moins un thriller politique qu’une enquête d’un journaliste acharné à découvrir une vérité qui va se révéler très différente de ce qu’on attend généralement. Ce film intervient juste après une sorte de western avec Terence Hill, Un genio, due compari, un pollo qui sera un énorme succès planétaire, mais qui sera aussi un film plutôt médiocre, et avant Io ho paura un autre film sur la confrontation entre la mafia et la magistrature. S’il tente manifestement de poursuivre une ligne, il cherche aussi à se renouveler.

    Perché si uccide un magistrato, Damiano Damiani, 1975 

    La belle Antonia Traini fascine Giacomo mais elle le rejette parce qu’il nuit à la réputation de son mari 

    Giacomo Solaris, un journaliste, a réalisé un film de fiction qui veut mettre en cause la collusion entre la mafia et la justice. Il s’attaque au juge Traini qui doit statuer sur le sort de deux hommes politiques qui, bien que rivaux, sont manifestement des hommes de la mafia. Traini invite Solaris à lui rendre visite pour faire plus ample connaissance, mais l’entretien tourne court, et la femme de Traini s’en prend violemment à Giacomo. Alors que le film de Solaris fait un triomphe et qu’il veut repartir en Italie, le juge Traini va être assassiné. Giacomo se sent obligé de rester à Palerme. Il va tenter de trouver qui se trouve derrière cet assassinat. Evidemment tout le monde soupçonne la mafia, et plus particulièrement deux de ses affidés, les députés Selini et Derassi. Chacun accuse l’autre d’avoir fait tuer le juge parce que Traini allait sûrement ouvrir un procès sur l’un ou sur l’autre. L’instrument du meurtre aurait été le tueur Bellolampo activement recherché par la police… mais que personne ne trouve. Cependant, un gardien de parking, Barra, plutôt simple d’esprit est accusé du meurtre, il aurait proféré des menaces contre le juge, et un témoin l’aurait vu. Mais personne ne parait y croire, et bientôt on s’aperçoit qu’il s’agissait d’un faux témoignage. Tandis que la mafia se fait menaçante, Terasisi, un mafieux qui fait dans l’immobilier aide Giacomo. Une bombe explose au journal Sicilia notte. Bellolampo est assassiné. Mais avant de mourir Terasisi a trouvé un témoin du meurtre, un jeune garçon. Grâce à ce témoin, Giacomo va pouvoir identifier le meurtrier qui n’est que l’amant de la belle Antonia. Ils ont éliminé le juge pour pouvoir faire leur vie ensemble. Giacomo va mener lui-même Antonia au commissariat, sur sa route il croisera ses copains journalistes qui veulent à tout prix faire de ce crime un crime de la mafia pour lui porter un coup féroce. Mais Giacomo ne cédera pas.

    Perché si uccide un magistrato, Damiano Damiani, 1975 

    Giacomo suit Antonia 

    Cette trame est celle d’une histoire à la Chandler, avec des fausses pistes dont des mafieux qui sont évidemment des criminels, mais qui ne sont pas responsable de ce meurtre. Si la mort du juge entraine une telle agitation, c’est parce que dans une société de violence, beaucoup ont à se reprocher. L’idée est intéressante, mais il nous semble que la fin est un peu téléphonée. Damiani qui est aussi l’auteur du scénario, met en avant des personnages complexes. Terasisi est bien un mafieux, mais il n’est pas mauvais, le juge Traini est peut-être corrompu, on ne le saura. Les mafieux se jalousent et se déchirent entre eux, et le plus souvent ils vont aller au plus court, user de la violence. Le reclus Bellolampo est irascible et violent, mais en même temps, il est très fragile. Les journalistes font tout pour que la résolution du crime cadre avec leurs idées politiques, même si pour cela il faudra faire des entorses à la vérité. Giacomo est tout autant ambigu, il est très attiré par Antonia et voudrait la protéger, jusqu’au moment où il va se rendre compte qu’elle le manipule. Mais au-delà de tous ces éléments, le film est une interrogation sur le travail du cinéaste Damiano Damiani. Giacomo c’est lui. Que cherche-t-il en exhibant des demies-vérités sur la Sicile ? La gloire ? Un sujet ? est-il un réformateur ? la question n’aura pas de réponse, si ce n’est qu’il faut toujours laisser émerger la vérité.

    Perché si uccide un magistrato, Damiano Damiani, 1975

     Le parti se déchire 

    Bien évidemment le film tire sur une lecture de classe. Les Traini sont des grands bourgeois, raffinés, mais combinards.  Ils sont opposés à Barra le simple Sicilien de base, peu instruit, sans défense. La mafia fonctionne comme une caste, on ne la voit qu’à travers les hommes qu’elle manipule, les avocats, les politiciens. Terasisi représente le côté débonnaire de la mafia. Il roule carrosse, mais il fait travailler sur ses chantiers des enfants miséreux, sans doute croyant leur rendre service. C’est donc plus le procès d’une forme sociétale archaïque que le procès du mal. Si Antonia fait tuer son mari par son amant, c’est aussi parce qu’elle dans une situation impossible, elle est en effet enceinte du docteur qui soigne son fils. Et dans sa situation de femme d’un juge haut placé, elle ne peut pas se permettre de l’avouer. C’est donc la société qui fait la mafia et sa violence se transmet à tous les étages, y compris chez les bourgeois.

     Perché si uccide un magistrato, Damiano Damiani, 1975 

    L’avocat Meloria tente d’influencer le tueur Bellolampo 

    Damiani va filmer cette histoire avec un regard très amoureux de la Sicile. Il va donc utiliser parfaitement les décors réels, les collines desséchées, les ruelles étroites de Palerme, mais aussi les belles bâtisses et les palais qui témoignent d’un passé glorieux. Il y a un soin particulier accordé aux décors intérieurs, notamment l’appartement du juge Traini, avec ses tonalités sombres et rouges. Comme si ces objets protégeaient encore un peu la bourgeoisie de sa disparition imminente. Les temps modernes sont là, c’est Terasisi et ses immeubles neufs qui les représentent. Ils sont en pleine lumière, à l’inverse de la pénombre qui domine chez les Traini. Par rapport aux autres films de Damiani sur la mafia, il y a un côté plus intimiste qui apparait. C’est aussi dû à la photo de Mario Vulpiani qui n’a pas l’habitude de travailler avec Damiani. Il travaillera un peu plus en plans serrés. Il y a très peu de scènes d’action, le meurtre de Terasisi, la filature d’Antonia. Mais c’est très bien réalisé. Le rythme dans son ensemble est bon. 

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    Terasisi est pris pour cible par des tueurs 

    Le film s’est monté autour de Franco Nero qui a l’époque était une très grande vedette en Italie et ailleurs à cause des westerns qu’il avait tournés. C’est un vieil habitué des réalisations de Damiani. Il est très bien, très juste, on s’en rend surtout compte dans les scènes où il est confronté à Antonia qui provoquent une sorte d‘égarement. Mais, homme de devoir, il se ressaisira, car la vérité et la justice sont les seules planches de salut dans un monde assez désespéré. Antonia, c’est Françoise Fabian. Elle est parfaite, il n’y a rien à dire d’autre. On remarquera comment elle joue avec subtilité la colère rentrée et l’indécision. Damiani s’est entouré de figures siciliennes qu’on a l’habitude de voir dans ses films, comme par exemple Vincenzo Norvese qui joue Bellolampo, avec sa figure taillée en coups de serpe. Ou encore Tano Cimarosa qui incarne le misérable Barra. Damiani s’est également donné un petit rôle, celui de l’avocat du journal Sicilia notte. Il y a encore Pierluigi Aprà dans le rôle de l’assistant du juge Traini et qui pousse celui-ci à poursuivre Giacomo pour diffamation. On l’avait déjà vu dans La moglie più bella. Il y a encore le très bon Renzo Palmer dans le rôle du mafieux débonnaire Terasisi.  

    Perché si uccide un magistrato, Damiano Damiani, 1975

    Giacomo mènera lui-même Antonia au commissariat 

    Le film n’a pas eu le succès escompté, et sa sortie en France a été sabotée. Sans doute cela vient il de la faiblesse finale du scénario, mais aussi peut-être du fait que lorsqu’on va voir un film sur la mafia, on n’attend pas une sombre histoire d’adultère. Mais c’est pourtant ça qui a motivé Damiani, introduire une histoire noire à l’intérieur d’une société corrompue par la mafia. Le journaliste remplace le détective, mais le principe est le même, il assiste passivement à l’effondrement d’un microcosme et ne joue qu’un rôle de révélateur. C’est donc un bon film qu’on appréciera aussi pour sa maitrise cinématographique.

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